La justice a considéré qu’il s’agissait d’"une décision illégale portant atteinte à la liberté d’expression".
L'image avait fortement choqué. Tout commence le 9 décembre dernier. Le ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin, est en visite à Nice pour "lancer" les travaux du futur hôtel des polices Saint-Roch.
Situées en face du chantier, Anouck Aubert et Maud Pouyé sont propriétaires de la librairie féministe Les Parleuses. Les deux femmes souhaitaient profiter de la venue du "premier flic de France" pour faire passer un message. Elles s’entendent avec le Collectif de collages féministes niçois, et ce dernier lance une opération militante, avec des phrases placardées sur les vitrines du magasin.
En plus des mots suivants "Qui sème l'impunité récolte la colère", "violeurs on vous voit, victimes on vous croit", "Sophie, on te croit" (ceci en référence à Sophie Patterson-Spatz, qui accuse Gérald Darmanin depuis 2017), le livre de la journaliste Hélène Devynck, qui avait porté plainte contre Patrick Poivre d'Arvor, était également exposé.
Mais cette action suscite la réaction des forces de l’ordre : des policiers et des CRS drapent alors d’un large voile noir la vitrine des Parleuses (les gérantes avaient déposé un recours). Par des ordonnances rendues lundi 26 juin, que Libération a pu consulter, le tribunal administratif de Nice a condamné l’Etat pour "atteinte à la liberté d’expression".
"En l’absence de toute menace à l’ordre public, la décision de procéder à l’occultation de la vitrine en cause, constituait une décision illégale portant atteinte à la liberté d’expression de nature à engager la responsabilité de l’Etat", a considéré la justice.
En conséquence, il est condamné à verser 1.000 euros pour préjudice moral à la librairie et 1.000 euros pour indemniser les frais de justice. Pour se défendre, le ministère de l'Intérieur avait évoqué "des risques de troubles à l’ordre public". Sans succès.