L’imam Ismail, figure religieuse influente des quartiers nord de Marseille, a été condamné à six mois de prison avec sursis pour avoir relayé un message sur X qualifiant l’attaque du Hamas du 7 octobre 2023 de « légitime défense ». Cette décision relance les débats sur la liberté d’expression, le contexte religieux et les limites du discours en ligne.
Le tribunal correctionnel de Marseille a condamné vendredi Smaïn B., dit imam Ismail, à six mois de prison avec sursis, assortis de 2000 euros d’amende. Il écope également de cinq ans d’interdiction des droits civiques, ainsi que d’une inscription au Fichier des auteurs d’infractions terroristes (Fijait).
En cause : la republication en juillet 2024 sur X (ex-Twitter) d’une vidéo associée à un commentaire évoquant « la légitime défense » du Hamas, à propos de l’attaque du 7 octobre 2023 en Israël, qui a coûté la vie à plus de 1200 personnes.
Suivi par plus de 11.000 abonnés, l’imam a été relaxé pour une seconde publication controversée, dans laquelle il comparait des soldats israéliens à Daech, estimant que « Daech à côté, ce sont des enfants de chœur ».
Retour remarqué à la mosquée des Bleuets
Malgré cette condamnation, Ismail Bendjilali a repris son rôle de prêcheur à la mosquée des Bleuets le jour-même du verdict. Éloigné de la mosquée depuis neuf mois, il y était revenu de manière discrète, mais assumée : « Mon retour va faire parler mais je n’ai pas voulu revenir par la petite porte », a-t-il confié à l’AFP.
Le tribunal n’a pas retenu les réquisitions plus lourdes du parquet, qui souhaitait l’interdiction d’exercer toute activité salariée dans la mosquée ainsi qu’une suspension de l’accès au réseau X pendant six mois.
Un soutien interreligieux inattendu
Parmi les fidèles présents ce jour-là figurait le rabbin Haïm Bendao, venu apporter « le pain du shabbat » à son « ami ». Les deux hommes se connaissent depuis quinze ans et coopèrent régulièrement dans les quartiers nord.
« C’est un gars extraordinaire », affirme le rabbin, rappelant que l’imam avait « publiquement condamné l’attaque du 7 octobre dès le 13 octobre, lors de son prêche du vendredi ». Il dément tout antisémitisme : « On n’a jamais vu un acte ou une parole antisémite venant des gens de cette mosquée ».
« Même si on considère ce qu’il a fait comme une erreur, le travail qu’on fait ensemble ne peut être effacé par ça », insiste-t-il. L’imam, quant à lui, rejette toute adhésion au contenu du tweet : « J’ai déjà retweeté Zemmour ou Le Pen », assure-t-il.
Un imam controversé, cité dans le rapport sur les Frères musulmans
Déjà visé à l’été 2023 par une procédure administrative visant à fermer la mosquée des Bleuets, l’imam Ismail avait été temporairement écarté, suivi d’une formation universitaire sur la laïcité. Ses tweets avaient alors été supprimés.
Plus récemment, son nom est apparu dans le rapport commandé par le gouvernement sur les Frères musulmans et l’islamisme politique. Il y est présenté comme « de sensibilité plutôt salafiste mais usant des codes du frérisme », et sa mosquée qualifiée de « très influente » dans son quartier.
« Ils nous mettent des cibles dans le dos », a réagi l’imam, dénonçant une tentative de « jeter la suspicion sur les musulmans ».
Anissa Aittahar, 68 ans, fidèle de longue date, témoigne : « Cette histoire m’a rendue malade. J’ai peur qu’un jour, nous, les musulmans, on ne puisse plus s’exprimer ».
Avec AFP