C'est le grand projet du troisième mandat estrosien : raser le théâtre national et le vieux palais Acropolis pour y étendre la Coulée verte, "un poumon vert en coeur de ville". À l'ouest, un nouveau Parc des expositions "d'envergure internationale" sortira de terre. Pour s'y opposer, les ennemis politiques du maire dénoncent une gabegie financière, avec des chiffres parfois farfelus. Nice-Presse a pris sa loupe et sa calculette.
Éric Ciotti est entré dans la danse il y a peu. Après avoir approuvé les subventions départementales nécessaires à la réalisation du grand projet, il s'y oppose désormais fermement. Avec un argument massue : les Niçois n'auraient pas été informés du coût réel de la manoeuvre au moment de voter, pendant les municipales de 2020.
L'ancien élu socialiste Patrick Allemand y est allé de son propre chiffrage, qui a circulé sur les réseaux sociaux et courroucé la mairie le mois dernier. Ce vendredi, le 10 décembre en conseil municipal, la question sera, une nouvelle fois, abordée. Faisons le point, opération par opération.

La démolition du TNN
Le théâtre national devait être détruit pour 1.5 millions d'euros, d'après une première estimation donnée par Christian Estrosi en janvier 2020. Comme pour tout chantier de ce type, les expertises précises du bâti ont fait gonfler la facture. Il faudra débourser presque deux fois plus, 2.8 millions d'euros, détaille à Nice-Presse la Direction générale des services (DGS) de la municipalité. Et non pas "4 millions", comme évoqué par les socialistes.
Certains se sont offusqués de la disparition du TNN, la rénovation de sa façade ayant coûté aux contribuables 4.3 millions d'euros en 2013. Certes, mais la Ville a fait estimer ce qu'il aurait fallu encore débourser pour mettre l'ensemble aux normes : entre 17 et 20 nouveaux millions (et non 6, comme l'a dit l'opposition EELV, ou 12 à gauche).
Pas de gaspillage : certains éléments de l'immeuble seront réutilisés pour d'autres projets urbains. Ses plaques en marbre de Carrare notamment, a-t-on appris.

Raser Acropolis
Là encore, une expertise des structures a conduit la Ville à revoir à la hausse le budget afférent à la destruction du vieux palais des congrès : 10 millions d'euros seront nécessaires, plutôt que les 3.5 millions évoqués en premier lieu.
Si Acro a bien été rénové pour 30 millions il y a moins de dix ans, les rénovations encore nécessaires ("80 millions" !) ont fait renoncer la mairie au bâtiment voulu par Jacques Médecin au début des années quatre-vingt.

L'extension de la Coulée verte
Christian Estrosi avait bien calculé son coup lors des dernières élections.
Le maire-candidat avait expliqué que la Ville ne débourserait que "de 25 à 30 millions d'euros" pour l'aménagement de l'extension de la Promenade du Paillon, puisque de coquettes subventions européennes, régionales et départementales viendraient atténuer la charge niçoise.
Ce sera bien le cas : sur les 75 millions nécessaires, "la Région Sud et l'État mobilisent 37.8 millions d'euros, et le Département 7,6". Soit un peu moins de 30 millions restants, comme promis.
La Ville se plaît également à rappeler qu'il s'agit là "plus d'un investissement que d'une dépense".
"Cette nouvelle Coulée verte est un projet environnemental et sanitaire : il va faire baisser les frais de santé grâce à la lutte contre la pollution de l'air, attirer de nouveaux habitants, de nouvelles entreprises… Un chiffre au milieu de nulle part, ça ne veut rien dire. Nice va gagner beaucoup avec ce projet."

Les nouvelles salles du TNN
C'est l'engagement culturel de Christian Estrosi, qui veut "retrouver autant de salles de théâtre ici qu’il y en avait avant 1945. Cette nouvelle offre culturelle viendra appuyer notre candidature pour devenir Capitale européenne de la culture en 2028".
Le nouvel équipement aux Franciscains - la salle, et non pas l'ensemble de bâtiments - mobilisera 8 millions d'euros (3 avaient, un temps, été évoqués), rapporte encore la DGS.
Et non "17 millions", comme entendu du côté de Patrick Allemand. Le Conseil départemental a d'ailleurs accordé à la Ville une subvention d'un million d'euros sur ce chantier - "même si certains de ses membres éminents se disent aujourd'hui opposés au projet" sourit-on du côté de la municipalité.

Pendant les travaux des différentes nouvelles salles, une structure provisoire d'occasion a été achetée à une commune suisse pour être installée à Nice Ouest. À 6.9 millions d'euros, elle "pourrait être revendue dans trois ans, prêtée à l'Opéra de Nice, utilisée pour divers événements… C'est un équipement d'une telle qualité que plusieurs options sont sur la table" explique Lauriano Azinheirinha, le directeur général des services, à Nice-Presse.
Tout en s'agaçant fortement d'un communiqué de Patrick Allemand sur le sujet : "ses accusations sont gravissimes : non, cette salle provisoire n'a pas été achetée 'de gré à gré'. Il y a eu un appel d'offres, dans les règles".

Aucun chiffre n'est pour l'instant disponible pour le futur Palais des Arts et de la Culture (livré en 2025-26), "rebranding" du Palais des Expos. Les socialistes estiment que la nouvelle salle de spectacles modulable qui y sera nichée coûtera "entre 10 et 15 millions, puisqu'elle ne pourra pas être facturée moins cher que la salle provisoire qui comptera moins de places".
Ce calcul "ne repose sur rien" rembarre la DGS. "Les études n'ont pas encore été rendues".

Le nouveau PEC
Il devrait coûter 200 millions d'euros au total, hors subventions, d'après un chiffrage de 2020 (la Métropole est maître d'ouvrage). La collectivité ne donne pas de montant précis aujourd'hui, les appels d'offres n'étant pas passés -- elle compte, évidemment, "négocier au meilleur prix".
Tout en mettant en avant les économies réalisées grâce au choix du site : "on réhabilite une friche industrielle avec le MIN aux fleurs, plutôt que de bâtir du 100% nouveau, ce qui va fortement réduire la facture".
Le nouvel ensemble dédié aux congrès et autres grands évènements était espéré, au départ, en 2024. Il faudra être un peu plus patients, la livraison étant attendue plutôt juste après, pour 2026-27.
Entre la démolition d'Acropolis et la livraison du nouveau PEC, dès janvier 2023, des "structures provisoires seront installées du côté du Palais Nikaia, pour un coût de 5 millions d'euros".