Symbole religieux ou marqueur identitaire ? En Corse, la controverse autour d’une croix installée à l’entrée d’un minuscule village de 60 habitants agite les débats depuis une semaine. Une décision de justice concernant son avenir a mis le feu aux poudres sur l’île.
Près de cette croix en bois, deux banderoles sont apparues. L’une intime à la vieille dame à l’origine de la plainte : « Rentre chez toi, la croix, elle, est chez elle ». L’autre proclame : « Enlever la croix c’est effacer la Corse ».
L’affaire découle d’un jugement rendu le 10 octobre par le tribunal administratif de Bastia, qui a « annulé le refus du maire de Quasquara », en Corse-du-Sud, « d’enlever » cette croix érigée en 2022 sur un terrain appartenant à la commune.
Face à la vive polémique, le cardinal et le préfet ont dû intervenir dans cette île au catholicisme profondément enraciné, qui avait accueilli fin 2024 le pape François lors de son ultime déplacement officiel.
De nombreux habitants ont cru que la justice ordonnait de retirer la croix. Ce n’est pourtant pas le cas, précise à l’AFP une source judiciaire : l’avocat de la plaignante – une villageoise octogénaire installée à Quasquara depuis vingt ans – n’a pas explicitement formulé cette demande, donc le tribunal ne l’a pas prononcée.
Pour se conformer à la décision, le maire devra soit déplacer la croix, soit rendre privée la parcelle sur laquelle elle repose, sous peine d’éventuelles poursuites.
Une affaire de croix qui réveille la tension entre laïcité, traditions corses et identité insulaire
Le tribunal rappelle que la loi de 1905 sur la séparation des Églises et de l’État « s’oppose à l’installation par les personnes publiques, dans un emplacement public, d’un signe ou d’un emblème » religieux, sauf pour les « signes et emblèmes religieux » antérieurs à cette législation.
Or, la croix en question se trouve « sur un emplacement différent des deux calvaires identifiés sur le cadastre communal de 1880 ».
Une pétition en ligne a recueilli plus de 42 000 signatures pour « maintenir la croix de Quasquara, symbole de notre patrimoine et de notre identité ». Dans ce climat d’unité apparente, rares sont ceux qui osent exprimer une position contraire.
L’octogénaire à l’origine du recours fait désormais l’objet de menaces mais n’a, pour l’heure, pas déposé plainte, selon une source proche du dossier.
Laurent Marcangeli (Horizons), ministre sortant de la Fonction publique et ex-maire d’Ajaccio, a publié sur X son « soutien le plus total » au maire de Quasquara. « Avant d’être un symbole religieux, la croix chrétienne est une tradition de nos villages insulaires, qui je le crois, ne porte tort à personne », a-t-il affirmé.
Le parti Femu a Corsica, présidé par Gilles Simeoni, a dénoncé une « interprétation laïciste, rigide et conflictuelle du fait religieux ».
Face à la montée des tensions, le cardinal Bustillo, évêque d’Ajaccio, a appelé à l’apaisement : « La croix ne doit pas être un motif de division ». « La croix, on la sert, on ne s’en sert pas », a-t-il confié à Corse Matin. Le préfet, de son côté, a assuré que « les services de l’État accompagneront » la commune pour garantir que la croix soit conforme au droit.
Interrogé par l’AFP, le politologue Thierry Dominici, spécialiste de la Corse, y voit « un épiphénomène monté en épingle » par certains tenants du « nationalisme identitaire » souhaitant « occuper l’espace médiatique ». Selon lui, « les identitaires activent cette idée que le Corse non seulement est corsophone, né sur l’île, de parents corses, mais surtout adhère à une pensée civilisationnelle européenne, occidentale, blanche et chrétienne ».
La tension ne retombe pas : lycéens, militants et partis politiques continuent de se mobiliser. À Sartène, Corte et Bastia, des jeunes ont défilé derrière des banderoles « Terra corsa, terra cristiani » (Terre corse, terre chrétienne).
Le week-end suivant, des mouvements nationalistes et d’extrême droite, dont Palatinu, le Rassemblement national et l’Union des droites pour la République (UDR) d’Éric Ciotti, se sont réunis à Quasquara pour sceller une alliance en vue des municipales de 2026, proposant même qu’un « fonds privé » rachète la parcelle concernée.
Enfin, dimanche, le syndicat étudiant indépendantiste Ghjuventu Indipendentista a rassemblé près de 200 personnes au pied de la croix. « Si on a grandi dans l’esprit corse, ça fait l’unanimité », a déclaré à l’AFP son représentant, Chilianu Begliomini.
Le maire, Paul-Antoine Bertolozzi, examine toujours « toutes les voies de recours possibles » pour « que cette croix reste là où elle est », a-t-il confié au Journal du Dimanche.
Avec AFP




Bravo les Corses , vous avez bien raison de revendiquer votre identité corse et de vous mobiliser contre des décisions qui vont à l’encontre de votre culture.
Il est grand temps que toutes nos instances dirigeantes écoutent le peuple et arrêtent de nous imposer ce que nous ne voulons pas.
Et je propose que nous remettions des crèches partout à Noël. N’en déplaise à certains c’est nos racines et notre culture