Une série d’incendies de bateaux de promenade en Corse relance les soupçons sur l’ancrage de longue date de la criminalité organisée dans ce secteur touristique stratégique.
Mardi à Calvi, cinq semi-rigides appartenant à trois sociétés différentes ont été incendiés à l’aide de bidons d’essence, selon une source proche du dossier. Le parquet de Bastia a ouvert une enquête pour association de malfaiteurs et destruction en bande organisée.
Le lendemain, un catamaran de luxe dédié aux excursions a également été détruit par le feu dans la même ville. « L’hypothèse d’une origine criminelle est privilégiée », a indiqué le procureur Jean-Philippe Navarre.
Une série d’incendies inquiétants dans les ports corses
Depuis avril, plusieurs embarcations ont été visées : à Saint-Florent, un bateau emblématique a été détruit, endommageant quatre autres navires. À Ajaccio, un incendie a touché un bateau assurant les traversées dans le golfe. Un acte similaire avait été tenté en février.
Le collectif antimafia « Maffia no, a vita ié » a dénoncé des « attentats crapuleux » dirigés contre le tourisme maritime. Selon lui, « la nature même de ces actes révèle des pratiques mafieuses visant à ruiner les entreprises pour mieux asseoir leur emprise ».
« La justice doit mettre hors d’état de nuire les auteurs de ces actes lâches avant qu’ils ne poussent plus loin leur avantage et ne recourent à l’assassinat », a alerté le collectif.
Des enjeux économiques mêlés aux intérêts mafieux
La Chambre de commerce et d’industrie de Corse a exprimé ses craintes quant aux conséquences pour l’économie insulaire. « Si les auteurs de cette vague de violence autodestructrice ne sont pas neutralisés sans délai, l’économie de la Corse déjà fragilisée sera précipitée vers le chaos et l’anarchie », a-t-elle déclaré.
Un spécialiste de la sécurité en Corse, cité sous anonymat, pointe l’intérêt de longue date du crime organisé pour ce secteur : « Il est facile de blanchir de l’argent dans la batellerie. On peut facilement surévaluer la fréquentation. Il y a une clientèle réelle et une marge importante pour dissimuler des fonds ».
Un secteur marqué par des violences anciennes
La concurrence intense entre compagnies a déjà donné lieu à des violences dans les années 1990 et 2000, notamment dans les bouches de Bonifacio. Le secteur a connu des affrontements meurtriers, des blessures par balles et de nombreux incendies.
En juin 2019, un batelier de 52 ans, déjà condamné dans une affaire d’extorsion liée à ce marché, a été tué sur le port de Bonifacio. Le parquet d’Ajaccio avait alors évoqué une possible vengeance dans une guerre de contrôle du secteur.
Des enquêtes récentes confirment l’enracinement mafieux
En avril 2024, dix personnes ont été mises en examen dans une affaire d’extorsion et de blanchiment portant sur la prise de contrôle d’un village de vacances et l’exploitation d’une société de promenades maritimes en Haute-Corse. Le parquet de Marseille évoquait des liens avec le « clan Federici ».
Ce groupe figure parmi les 25 bandes criminelles répertoriées en Corse dans une note confidentielle de la police nationale datée de 2022. Près de 520 000 euros et un véhicule avaient été saisis au cours de cette opération judiciaire.
Avec AFP