Guerres, violences, crises et autres sujets durs dominent la rentrée littéraire 2024, avec des romans qui, ancrés dans la réalité, ont la même tonalité que l'actualité : sombre.
Comme le dit le magazine de la profession, Livres Hebdo, la littérature "nous plonge dans les contradictions et les complexités de notre âge".
"Les romanciers prennent la réalité à bras-le-corps" pour décrire "le monde comme il ne va pas", confirme Paris Match.
Kamel Daoud aborde ainsi un tabou, les violences dans l'Algérie des années 1990, dans "Houris" (Gallimard). Dédié "aux victimes oubliées de la guerre civile algérienne", le livre est qualifié par la revue Transfuge de "grand roman âpre, sombre, rugueux".
Autre pays, autres violences, autre roman qui a plu aux critiques : "Jacaranda" (Grasset) de Gaël Faye évoque le Rwanda. Son auteur a confié à Télérama : "C'est fini, vous ne m'entendrez plus sur le Rwanda, ça me coûte trop". Même si, pour l'hebdomadaire culturel, le roman "n'est exempt ni de vitalité ni de beauté".
"Pourquoi se suicide-t-on à 20 ans ?"
Des traumas de la guerre il est question dans "Cœur" (Albin Michel) de Thibault de Montaigu, qui part de la charge d'un aïeul à cheval devant les canons allemands en 1914, dans "Ces féroces soldats" (Buchet-Chastel) de Joël Egloff, sur les ancêtres alsaciens enrôlés dans l'armée allemande, ou encore dans "Père-patrie" (Éditions de l'Aube) de Jean-Robert Jouanny, lettre d'adieu à la Russie d'un de ses rejetons atterré par l'invasion de l'Ukraine.
Quand Doan Bui recueille les confidences d'une mère en deuil de son bébé dans "Le Pays de nulle part" (Grasset), la journaliste Laure Adler salue un "texte qui est noir, mais qui est en même temps porteur d'espoir". D'après l'autrice, "on a parfois besoin des ténèbres pour voir la lumière".
Avec "La désinvolture est une bien belle chose" (Buchet-Chastel), Philippe Jaenada, habitué des faits divers les plus sinistres, tente de répondre à une question cruelle : pourquoi se suicide-t-on à 20 ans, comme la mannequin Jacqueline Harispe en 1953 ? "C'est à pleurer. D'émotion devant la beauté de ce livre magistral", selon Livres Hebdo.
Alice Develey se fait la voix des adolescentes anorexiques, dans "Tombée du ciel" (L'Iconoclaste). Et de se demander : "On peut nous hospitaliser de force et nous torturer en silence (…) Combien de mineures sont, aujourd'hui encore, enfermées contre leur gré?"
Les écrivains "prennent le relais des politiques "
Enfermé dans un corps brisé par un accident : c'est le drame du protagoniste d'un des grands succès de cette rentrée, "Tenir debout" (Albin Michel) de Mélissa Da Costa.
Dans un autre style, moins grand public, "Le Bastion des larmes" (Julliard) d'Abdellah Taïa, roman du retour au pays natal, explore la face sombre du Maroc. Et "Nord sentinelle" (Actes Sud) de Jérôme Ferrari retrace une lignée violente de la Corse.
Pourquoi tant de noirceur ? Pour l'historien François Dosse, auteur en 2023 de l'essai "Les vérités du roman", les écrivains "prennent le relais des politiques pour dire les maux de la société".
"Il y a une écriture d'enquête qui se situe entre journalisme, histoire et littérature, et qui a un succès important, un lectorat très intéressé, pour exprimer ce qui dysfonctionne à notre époque. Avec une partialité assumée des auteurs, qui interviennent dans leur texte, alors que ceux du XIXe, Balzac ou Zola, ne le faisaient pas".
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