La plupart des étrangers qui passent par le Centre de rétention niçois, supposément la dernière étape avant leur expulsion, ne quittent pas réellement la France. Les forces de l'ordre y sont confrontées au manque de moyens, aux recours et à l'obstruction des pays d'origine.
En poussant les portes du CRA jeudi 26 septembre, le député Éric Ciotti (UDR, ex-LR) expliquait "venir voir ce qui marche, et ce qui dysfonctionne". Il n'a pas dû être déçu. En 2023, neuf étrangers sur dix qui sont passés par ce centre de rétention n'ont finalement pas été reconduits vers leur pays d'origine. Seules 11% de ces OQTF - "obligations de quitter le territoire français" - ont réellement été appliquées.
Ce n'est pas faute, pourtant, de constater l'abnégation des policiers installés là. "On n'est clairement pas assez" nous souffle l'un d'eux. Il faut appeler des renforts pour mener à bien des transferts. Les locaux, aménagés il y a cinquante ans dans une bâtisse du XIXe siècle, tombent en morceaux. Les "pensionnaires" en profitent pour décrocher des encadrements de fenêtres ou de portes qui, une fois taillés, deviennent de tranchants poignards. La chefferie d'Auvare en a saisi un bac entier.
C'est ce que constatent les agents : "ne sont visés par ces procédures d'expulsion que les individus les plus violents. Des 20-30 ans qui sortent de garde-à-vue ou de prison". Et ils seraient "de plus en plus dangereux", notamment ceux qui sont victimes de troubles psys, ou dépendants aux drogues dures. Dans la cour, l'un des jeunes hommes retenus ici interpelle les médias, et se dit "injustement enfermé". "Il ne vous précise pas qu'il a essayé de nous poignarder quand on l'a arrêté…" sourit un policier.
Ainsi, "les dégradations sont quotidiennes", les bagarres "régulières". Presque impossible de conduire les plus agités en cellule d'isolement : elle n'est plus sûre depuis que l'Union européenne y a fait retirer la caméra de vidéoprotection. L'un des derniers qui y a été enfermé a déclenché un incendie…
L'endroit ne compte que 40 places, sursollicitées, notamment parce que le Var n'a pas de CRA. Il faudrait, et c'est une évidence, pousser les murs. Soit en s'étalant à Saint-Roch — mais les riverains y sont radicalement opposés. Soit en ouvrant un équipement dans la Plaine du Var. "Et qu'on ne nous parle pas de zone inondable alors que l'aéroport de Nice fait construire son extension et que la Métropole de Christian Estrosi veut y bâtir un palais des congrès…" s'agace Eric Ciotti, qui ne veut plus de cette caserne dans le quartier.
Les chiffres sont meilleurs cette année. 20% des OQTF aboutissent depuis janvier. Mais ce n'est pas une mince affaire. "On se retrouve à traiter avec peu de moyens une masse de dossiers, qui demandent pourtant que nous fassions dans la dentelle" explique un policier. A la moindre faille, les procédures sont attaquées en justice par les associations, ou recalées par les magistrats. "Mais on ne se décourage pas. On se bat tous les jours, ça a du sens. Et c'est important".
Au-delà des arguties bien françaises, c'est surtout avec les gouvernements étrangers que ça coince. Autre décryptage d'un fonctionnaire : "vous avez les pays avec qui les relations diplomatiques sont mauvaises. Ce fut le Maroc, c'est en ce moment l'Algérie. On ne nous valide plus grand chose". Mais ce n'est pas le seul souci : "si les individus ont jeté leurs papiers d'identité et menti sur leur nationalité, évidemment on ne se retrouve pas avec le bon pays, qui ne veut donc pas les reprendre".
Et quand c'est le bon ? "Regardez le Maroc. On comprend qu'ils ne veuillent pas récupérer certains des leurs. Chez eux, c'est parfois plus calme qu'en France" note Eric Ciotti. "Ils ne souhaitent pas importer notre délinquance…"
À écouter les policiers, "la plupart des problèmes auxquels nous sommes confrontés, les lourdeurs administratives, les moyens, la mauvaise volonté de certains pays… pourraient se régler sans une énième 'loi immigration'."
Les solutions, "ce sont des pressions diplomatiques, et d'imposer que les délinquants purgent leur peine dans leur pays, ce que nous pouvons faire sans réforme. Mais tout cela appelle à une révolution" plaide le président de l'UDR, accompagné de son collègue Bernard Chaix, député des quartiers nord. "On ne rétablira pas la sécurité sans régler ces blocages, puisque le lien entre une part de la délinquance et l'immigration est établi par les chiffres".
Et quid des conditions de rétention des individus, interroge un journaliste ? "Moi, j'ai de la compassion pour les victimes, et pour les policiers. Pour les autres, ce qu'il faut, c'est la prison et l'avion."
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