Sac sur le dos, jeudi dernier, c’est 373.205 jeunes niçois qui reprennent le chemin de l’école. Mais un élément perturbateur fait aussi son retour en classe : le harcèlement scolaire. Ce fléau reste le quotidien d'un grand nombre d'élèves chaque année.
Dix. C’est le pourcentage d’écoliers et de collégiens victimes du harcèlement scolaire dans les Alpes-Maritimes, selon l’association Génér’action Solidaire. Noemya Grohan en est la fondatrice. Depuis 2014, la jeune femme intervient au sein des établissements du département. Son objectif ? Sensibiliser petits et grands.
"Je propose des ateliers de deux heures. Ils se passent tous de la façon suivante : je définis avec les élèves ce qu’est le harcèlement, je poursuis avec un témoignage personnel, étant moi-même une ancienne harcelée, je termine ensuite par un moment d’échange. En définitive, j’oriente, j’écoute, je donne des conseils" raconte-t-elle à Nice-Presse.
Des cours de sensibilisation sont possibles grâce à la coopération des chefs d’établissement, désireux d’agir. « Une partie des directeurs, des proviseurs prennent à coeur ce phénomène. L’enjeu est important. Cependant, il reste encore des endroits où la politique de l’autruche est reine. Et nier le harcèlement, ce n’est pas la solution » ajoute Noemya Grohan.
Des mots sur les maux
L’utilisation du terme « harcèlement scolaire » est en elle-même récente. Les premières campagnes de prévention émergent réellement dans l’hexagone en 2012, à la suite de suicides.
Alors, qu’entend-on concrètement par ce terme ?
Lisa Szafraniec, victime de violences scolaires il y a dix ans dans un collège à Cannes, l'explique avec des émotions. « C'est une atmosphère d’angoisse, d’humiliation et de solitude conduisant au repli sur soi, à la honte, la dépression… Voire pire », confie la jeune diplômée en philosophie.
Des persécutions psychologiques et/ou physiques reviennent souvent. « Pendant cette période sombre, ma confiance en moi était réduite à zéro. Une fois, à la cantine, une fille m’a tartiné toute la joue avec ses morceaux d’orange. Mon quotidien, c’était ça, humiliation sur humiliation."
"Quand ils me disaient que j’étais moche ou grosse, je les croyais…"
Lisa Szafraniec, victime de violences scolaires
"Honte d’être seule"
Lutter contre ce phénomène, c’est aussi identifier le mode d’action des harceleurs.
Noemya Grohan de Génér’action Solidaire explique le schéma "récurrent" : "En général, il y a des meneurs, c’est-à-dire ceux qui sont à l’origine des premières humiliations ou des actes de violence. Puis, il y a ce qu’on appelle l’effet de groupe où toute une classe se ligue contre une seule personne".
"Même les élèves témoins, autrement dit, les enfants présents mais silencieux, participent à l’alimentation de situations gravissimes », explique-t-elle. Face à cela, "sensibiliser les enseignants" est capital.
Cercle vicieux
Une fois à la maison, les attaques peuvent continuer. Moqueries, intimidations, blagues obscènes, les réseaux sociaux sont devenus les nouveaux outils préférés des harceleurs.
« Le cyberharcèlement est un nouveau mode de fonctionnement. Cela rajoute un niveau de gravité aux violences scolaires. La victime est toujours sous pression », explique la fondatrice de l’association.
Ces rouages, Lisa Szafraniec les connait bien. Pendant un an, elle connait l’enfer en classe, mais aussi chez elle.
"Tout a commencé par une chamaillerie avec une camarade. J’aimais un humoriste qu’elle détestait. À partir de là, elle me prend en grippe. La classe fait de même. Au début, tout se passait principalement au sein du collège, mais, je me suis aperçue que, derrière mon dos, c’était également le cas sur internet », confie la jeune cannoise. « Sous leurs photos de profil, ils se moquaient ouvertement de moi », rajoute-t-elle.
Un message d’espoir
Noemya Grohan et Lisa Szafraniec, toutes deux anciennes victimes ne se cachent plus. Aujourd’hui, elles font entendre leur voix. L’envie de partager est leur principal point commun. L’une comme l’autre agissent en milieu scolaire pour libérer la parole.

Pendant son année infernale, l’écriture devient l’exutoire de Lisa Szafraniec.
À ses dix-huit ans, elle livre sa triste expérience dans un livre, « Ah mère tu m' ». « Je veux montrer que le harcèlement ne détermine pas la personne qu’on est et qu’on veut être. Être victime de ces violences, n’empêche pas de réussir par la suite », souligne la jeune fille.
Noemya Grohan prépare aussi d’autres actions, en parallèle de son association. En 2022, la militante va travailler avec la DTPJJ, Direction territoriale de la protection judiciaire de la jeunesse des Alpes-Maritimes.
L’objectif est de sensibiliser d’anciens élèves harceleurs condamnés par la justice.
Chaque année en France, 700.000 élèves sont victimes de harcèlement scolaire, d'après le ministère de l’éducation nationale, de la jeunesse et des sports. Pour rappel, un numéro d’écoute est disponible au 30-20 de 9 heures à 20 heures du lundi au vendredi et de 9 heures à 18 heures le samedi.
Que propose l'Académie de Nice ?
Comme dans chaque académie, Nice met en place cette année un "carré régalien" autour de différentes thématiques : le « respect des valeurs de la République », la « prévention de la radicalisation », la « prévention des violences » ainsi que la « lutte contre le harcèlement ».
Le développement de pHARE, un programme de prévention contre le harcèlement scolaire fait également partie des nouveautés. Les établissements qui proposent ce dispositif s’engagent pour deux ans à « constituer une équipe de 5 personnels formés », « former une équipe d’élèves-ambassadeurs », « mettre en place un atelier de sensibilisation pour les familles », « participer aux journées de lutte contre le harcèlement » et « organiser 10 heures d’apprentissage annuelles dès le CP ».
L’Académie de Nice devient partenaire des procureurs de la République pour répondre aux enjeux du harcèlement scolaire. Elle n'était toutefois pas disposée à expliquer concrètement ces différentes mesures à Nice-Presse ce lundi 6 septembre.