PRÉSIDENTIELLE 2022
Au conseil régional de Provence-Alpes-Côte d’Azur et à la Ville de Nice, Pierre-Paul Léonelli est le patron de deux majorités aux adducteurs solides. Renaud Muselier et Christian Estrosi gouvernent avec des élus issus de plus de dix sensibilités politiques différentes. Un mode de fonctionnement que pourrait reprendre Emmanuel Macron dans son futur gouvernement, s’il l’emportait dimanche soir.
Militant du RPR, de l’UMP puis de LR avant d’en claquer la porte “la mort dans l’âme”, Pierre-Paul Léonelli livre également à Nice-Presse sa vision de l’avenir de la droite dans les Alpes-Maritimes.
Comment mène-t-on une action cohérente avec des majorités composées d’élus à la base si différents ? Les mauvaises langues peuvent y voir une “auberge espagnole”…
Ceux qui y sont opposés oui, mais ce n’est pas le cas.
À la Région, j’ai 84 élus avec 11 tendances différentes. Concrètement, pour que ça fonctionne, il faut qu’il y ait un projet commun. À la base, il faut bien se mettre d’accord sur les objectifs, et les conditions qui vont nous permettre d’y arriver. Il faut tout mettre sur la table.
C’est une cohérence, qui évite bien des difficultés. Même dans des gouvernements qui n’acceptaient qu’une seule couleur politique, se passer de ce type de discussion a pu donner lieu à des fractures et des claquements de portes.
Emmanuel Macron devrait d’après vous appeler un gouvernement avec des centristes, des personnalités de gauche, des conservateurs…?
Ce n’est pas une obligation, mais c’est ce que je lui recommande.
Quand on dit que les Français se détournent de la politique, c’est faux. Nous sommes un peuple politique. Mais il faut donner envie d’aller voter, et de s’engager.
Je suis gaulliste, donc à la base pas favorable à la proportionnelle. Mais ce n’est pas normal que l’électorat d’extrême droite, qui représente presque 40% des voix, ait si peu de parlementaires.
La droite aujourd’hui, c’est Macron ?
Moi je suis délégué régional de la France audacieuse, le micro-parti de Christian Estrosi. Je ne rejoins pas le parti Horizons (lancé par Edouard Philippe, ndlr) parce que j’attends de voir.
Quel regard portez vous sur Les Républicains, votre ancien parti ?
Valérie Pécresse, Claude Chirac et d’autres ont appelé à voter clairement pour Macron. Ce n’est pas le cas de Bruno Retailleau (chef des sénateurs LR au Sénat, ndlr), des députés Julien Aubert et Eric Ciotti…
C’est un petit manège pour protéger leur siège de parlementaire. Vous verrez que dans les prochaines semaines, aux législatives, ils n’auront pas de candidat d’extrême droite, Zemmour ou RN, face à eux. Ou des candidats fantômes.
C’est négocié ça, d’après vous ?
Je ne suis pas dans le secret des dieux, mais on se souvient de ce qui est arrivé dans la première circonscription des Alpes-Maritimes en 2017. Eric Ciotti n’a au final pas eu de candidat FN solide en face de lui…
Voter blanc aujourd’hui, comme il l’a fait en 2017, c’est voter Marine Le Pen.
Que penser de ceux qui n’ont pas donné de consigne de vote, comme le président du Département Charles-Ange Ginésy ?
Il est très lié à Eric Ciotti, mais je suis très étonné. Je le connais bien, j’ai connu son père. Chacun prend ses responsabilités.
Une partie des LR a-t-elle basculé vers l’extrême droite ?
Une partie des élus de ce parti sont dans une certaine stratégie : faire du “too much à droite”, en proposant des choses qu’ils ne mettraient jamais en oeuvre s’ils étaient aux responsabilités. Les propos sont parfois limites, les projets même pas légaux ou contraires à la Constitution.
Et Eric Ciotti ?
Je ne le qualifierai pas d’extrême droite. Mais son discours sert les intérêts de Marine Le Pen ou de Zemmour. Je condamne le fait que lui ou d’autres soient des alliés potentiels du Rassemblement national. Eric Ciotti brouille les limites entre la droite et le RN puisque les électeurs voient qu’il peut tenir parfois les mêmes propos que Philippe Vardon.
Il a manqué de courage dans cet entre-deux-tours. Il aurait pu, s’il veut se réclamer du gaullisme, expliquer qu’il ne donne pas un “chèque en blanc” à Macron, mais appeler à voter pour lui, contre Marine Le Pen.
Ne pas le faire le rend complice. J’ai toujours préféré ceux qui ont le courage de leur engagement, plutôt que ceux qui ont le “Front national honteux”. J’ai horreur de ça.