Une embarrassante affaire pour le monde politique sera jugée à partir de lundi à Marseille où les municipales de 2020 avaient été entachées de deux affaires de procurations douteuses dans un scrutin ultra-serré qui avait fait basculer la ville à gauche.
Le plus important de ces deux dossiers doit être examiné du 23 au 27 septembre dans la salle des procès hors-norme du tribunal judiciaire de Marseille avec plus de 200 victimes identifiées.
Il est reproché à 14 personnes liées au camp de la droite emmenée par Martine Vassal, candidate LR malheureuse à la mairie et actuelle présidente de la Métropole et du département des Bouches-du-Rhône, d'avoir mis en œuvre à des degrés divers un système dit de procurations simplifiées.
Treize personnes doivent prendre place sur le banc des prévenus lundi : deux anciens maires LR de secteur, un directeur d'Ehpad, des militants politiques et associatifs et un commandant de police.
Un médecin, également mis en cause, a été jugé et condamné début septembre dans une procédure de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité (CRPC).
Les faits, d'abord révélés par la presse, se passent en 2020, en pleine épidémie de Covid-19. Le deuxième tour des municipales est repoussé à juin. Dirigée depuis 25 ans par Jean-Claude Gaudin (droite, Les Républicains), la deuxième ville de France pourrait basculer face au Printemps marseillais, une union citoyenne, écologiste et de gauche nouvellement constituée.
Au premier tour en mars, Michèle Rubirola, candidate du Printemps marseillais (23,4%) était arrivée légèrement devant Martine Vassal (22,3%).
Alors pour le second tour, c'est la "chasse" aux procurations dans les équipes de certains colistiers de Mme Vassal comme Julien Ravier, l'un des prévenus, ex-maire LR des 11e et 12e arrondissements (6e secteur) et ex-député, déclaré inéligible pour un an par la justice administrative en 2022 justement dans ce dossier.
Dans le 4e secteur (6e et 8e arrondissements), un chiffre circulait : obtenir 1.000 procurations. L'ex-maire du secteur, Yves Moraine, toujours élu à la ville et vice-président au Conseil départemental des Bouches-du-Rhône, sera lui aussi sur le banc des prévenus.
Tous deux contestent les faits, M. Moraine reconnaissant seulement une politique "agressive" de collecte des procurations. Il avait accepté en avril la procédure dite du plaider-coupable (CRPC) mais cette dernière avait été interrompue pour des motifs procéduraux.
Leurs avocats, contactés par l'AFP, n'ont pas souhaité s'exprimer avant l'ouverture des débats.
Au total, 194 procurations illégales ont ainsi été établies, validées par un commandant de police, Roland Chervet.
Magouilles
Pour Béatrice Perfetti, une des victimes identifiées, "c'est des magouilles, c'est mafieux". Son vote lui a été "volé" puisqu'elle était en maison de repos après une opération du cœur.
Pire : une cinquantaine de procurations avaient été soi-disant récoltées auprès de résidents de l'Ehpad Saint-Barnabé du 12e arrondissement. Mais l'enquête a établi qu'elles ont été faites sur la seule base des pièces d'identité de ces pensionnaires et en aucun cas en obtenant leur consentement, certains d'entre eux souffrant même de maladies comme Alzheimer.
Aussi, Martine Vassal avait-elle contesté toute connaissance ou implication. "Ses explications peuvent apparaître surprenantes dans la mesure où elle était tête de liste LR", mais "l'enquête n'a pas permis de mettre en évidence" sa participation "à ce système de procurations frauduleuses ou même qu'elle en ait eu connaissance", avait détaillé le procureur de la République adjoint de Marseille dans un procès-verbal.
Ce procès intervient alors que gauche et droite fourbissent déjà leurs armes en vue des municipales de 2026.
Début octobre, du 8 au 10, deux autres élus marseillais, Roland Cazzola et Marguerite Pasquini, seront jugés dans une autre affaire de procurations douteuses établies dans le 8e secteur (15e et 16e arrondissements) lors des mêmes municipales. Ce secteur avait été remporté par la sénatrice ex-PS Samia Ghali, qui s'est ralliée à l'union de la gauche après les élections et est désormais maire-adjointe de la ville portuaire.
"Dans la vie politique à Marseille, qui pour beaucoup est une rente de situation, il n'y a pas une très grosse frontière entre l'honnête et le malhonnête", soupire un observateur historique de la vie politique locale sous couvert d'anonymat.
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