NICE-PRESSE : Vous venez soutenir la liste RN menée par Philippe Vardon pour les sénatoriales ?
Thierry Mariani : Je soutiens pleinement Philippe, même s'il n'a absolument pas besoin de moi pour être connu et apprécié des gens d'ici. Ma visite est un hasard de calendrier, je viens rencontrer nos agents à la frontière italienne, je vais à Vintimille. Philippe Vardon est avec Lionnel Luca aujourd'hui, j'aurais aimé être avec eux.
"Un territoire sans contre-pouvoirs, ce n'est jamais bon"
N-P : L'un des axes de sa campagne est la fracture territoriale, notamment entre les métropoles et les communes. C'est un constat que vous partagez ?
T.M. : C'est un risque, évidemment. On a créé les communautés de communes puis les métropoles pour rapprocher les citoyens des décisions prises, pour faire entendre la voix des territoires. Au final, c'est une strate de plus qui ne bénéficie pas toujours aux petites communes. Il y a une vraie réflexion à mener là dessus.
Régionales en Provence-Alpes-Côte-d'Azur : RN, écolos, LREM.… qui seront les candidats ?
N-P : Vardon pointe aussi un "système Estrosi". Vous connaissez bien le maire de Nice puisque que vous travailliez ensemble sous Nicolas Sarkozy.
T.M. : Dans les Alpes-Maritimes, vous avez deux patrons, lui et Ciotti. On n'entend plus réellement ce dernier alors que ses désaccords avec Estrosi sont connus. Mais au delà de ça, un territoire sans contre-pouvoirs, avec une telle concentration de décisions entre les mains des mêmes élus, ce n'est jamais bon.
"Certains politiques, par peur des réactions, vont rester à droite sans pouvoir réellement appliquer les idées qu'ils promettent"
Je connais bien Christian Estrosi, oui. Il a eu des hauts et des bas dans sa vie politique, comme nous tous, mais il s'est toujours accroché. Il a un beau parcours, même si je suis en désaccord avec son désir de rapprochement entre la droite et les Marcheurs. Ce serait la mort de LR, même si ce parti est déjà sans avenir, ils sont dans une impasse. Estrosi a au moins le mérite de la clarté, de la sincérité.
Certains élus, par peur des réactions, de la presse, de la pensée unique vont rester à droite sans pouvoir réellement appliquer leurs idées : on gâche les électeurs.
N-P : Chez LR, des élus comme Éric Ciotti et Lionnel Luca semblent, sur certains points, proches de vos idées et de celles du Rassemblement national. C'est à eux que vous vous adressez ?
T.M. : Les choses ne sont pas simples. Quand vous êtes maire ou élu départemental, vous ne pouvez pas prendre le risque de finir enclavé. Bien sûr que ces élus auraient leur place chez nous. Chez Les Républicains, ils vont continuer à promettre des mesures de fermeté sans jamais pouvoir les appliquer par peur de perdre les centristes ou l'adhésion des journalistes. On l'a vu sous Nicolas Sarkozy.
"La clarification LR/RN viendra pendant les régionales, puis pendant les présidentielles. Les choses seront tranchées"
Pour ce qui est de Lionnel Luca, on connaît tous sa grande liberté, son indépendance. Il sait ce qu'il fait, il dit les choses. Je lui dirais que le RN a changé, qu'il n'a plus rien à voir avec le Front national. C'est le RPR des années 1990 voire celui de la fin des années 1970 par certains côtés : un parti plus proche de nos idées que LR qui s'est perdu entre la droite de la droite et les centristes. De toute façon, la clarification viendra pendant les régionales, puis pendant les présidentielles. Les choses seront tranchées.
N-P : Vous appelez à cela parce que le RN a besoin des électeurs de droite pour gagner dans les prochaines élections et que vous craignez les alliances roses/verts ?
T.M. : On voit que la gauche se relève, elle reprend des couleurs, notamment aux dernières municipales à Marseille. À ce niveau là, il y a une menace, oui. Pour les régionales, rien n'est joué par exemple, les écolos alliés aux socialistes pourraient s'imposer. Certains pensaient que c'était joué d'avance contre Michèle Rubirola (médecin inconnue des bataillons, nouvelle maire de gauche à Marseille depuis juin, NDLR) : elle a fait mentir les pronostics.
N-P : Beaucoup au Rassemblement national aimeraient vous voir tête de liste aux régionales en PACA : c'est une terre de droite, vous pourriez parler à vos anciens camarades LR, vous avez une bonne image. Pour un RN en manque d'incarnations, cela semble idéal. Vous avez pris votre décision ?
T.M. : Vous ne me croirez pas, mais non ! J'ai bien conscience que j'ai l'un des meilleurs profils, j'y réfléchis, mais plusieurs facteurs sont à prendre en compte. Déjà, on ne sait pas encore si les élections vont bien se jouer en mars prochain ou si la crise sanitaire va occasionner un report. J'ai également beaucoup de respect pour Renaud Muselier (actuel président LR du conseil régional). Ensuite, j'ai 62 ans, j'ai déjà des engagements publics et personnels. C'est un choix de vie… Et puis ce n'est pas du tout l'actualité des Français, il y a d'autres urgences pour le moment. Ce sera décidé d'ici décembre.
N-P : Quel pourrait être le déclic ?
T.M. : Une alliance, explicite ou non, de la droite avec LREM. Ce serait un élément déterminant.
N-P : Vous ne pensez pas réellement à la retraite, si ?
T.M. : J'y ai goûté pendant deux ans, après avoir été battu, écrasé, aux législatives (en 2017 sous l'étiquette LR contre une Marcheuse, NDLR). C'était bien la première année, le temps était long la deuxième. Et puis Marine Le Pen est venue me chercher, alors je suis de retour !
— Propos recueillis par Clément Avarguès à Nice le 21/09/20