Un jackpot de plus de quatre millions d'euros remporté au Loto par le beau-frère de Jacques Santoni, chef présumé du "Petit Bar", aurait-il servi à blanchir une partie des fonds de cette organisation criminelle corse ? L'accusation en est persuadée, lui invoque "la chance".
En tout, 24 prévenus comparaissent dans le cadre du procès du réseau de blanchiment présumé des dizaines de millions d'euros du "Petit Bar", ouvert le 24 février devant le tribunal correctionnel de Marseille. L'audience, qui doit se poursuivre jusqu'au 16 mai, compte parmi les accusés Jean-Laurent Susini, 42 ans.
"J'avais de la chance", a déclaré vendredi ce quadragénaire, suspecté d’avoir fait profiter sa sœur Sonia, alors mariée à Jacques Santoni, de son gain de 4.115.700 euros.
Le 24 novembre 2018, à 08h52, cet agent d’assurances passionné de jeux et de paris sportifs valide une grille gagnante du Loto dans un tabac du Cours Napoléon, à Ajaccio. Selon lui, il aurait misé sur ses numéros fétiches : sa propre date de naissance, celles de sa sœur, de sa compagne et de ses neveux.
Affirmant jouer habituellement pour lui-même et pour sa sœur Sonia Susini, il partage avec elle le pactole. Plus de deux millions d'euros chacun, un gain providentiel qui, selon l’accusation, aurait offert une couverture parfaite au couple Jacques Santoni et Sonia Susini pour expliquer leur train de vie fastueux, sans commune mesure avec leurs revenus déclarés.
"Si vous êtes l’unique gagnant et que vous partagez avec votre sœur, en échange de rétrocessions vers Jacques Santoni, cela leur permettait-il de justifier leur train de vie ?", interroge la présidente du tribunal, Patricia Krummenacker.
Un "cadeau" aux contours flous ?
"Il n’y a jamais eu d’accord passé avec Jacques Santoni", assure Jean-Laurent Susini, bien que les écoutes téléphoniques et les enregistrements réalisés par les enquêteurs suggèrent un arrangement tacite entre les deux hommes.
En déclarant sa sœur co-gagnante, Jean-Laurent Susini aurait-il accepté la promesse d’un retour en espèces, pour compenser un gain qui aurait dû lui revenir en totalité ? La Française des Jeux a en tout cas confirmé qu'il était un joueur régulier, ayant déjà remporté 50 petits gains totalisant 34.000 euros, ce qui n'était pas le cas de Sonia Susini.
Des échanges téléphoniques houleux entre le frère et la sœur mentionnent ce "cadeau" et, pour l’accusation, ces disputes traduiraient un désaccord sur la rétrocession promise par Jacques Santoni.
Comme d’autres membres du premier cercle du "Petit Bar", Jean-Laurent Susini aurait assisté à des comptages d’argent liquide, les écoutes captant des bruits caractéristiques de machines à compter les billets. "Vous me parlez d’un bruit de meuble datant de sept ans, qu’est-ce que je peux en dire ?", rétorque-t-il face aux nombreuses sonorisations d’appartements.
Le 24 juin 2020, à son arrivée à Ajaccio, les douanes découvrent 18.500 euros dans sa valise.
Alors que l’accusation y voit la preuve d’un transport d’espèces au profit du "Petit Bar", Jean-Laurent Susini parle, lui, d’un "déménagement de son bas de laine", expliquant qu’il devait rendre les clés de son appartement parisien.
"Il n’y a pas beaucoup de Français qui possèdent un bas de laine de 18.500 euros", relève la présidente du tribunal. "Il n’y a pas beaucoup de Français qui ont gagné au Loto", réplique Jean-Laurent Susini
(Avec AFP)