Alors que les alliances entre la droite et l’extrême droite se multiplient à travers l’Europe, de l’Italie à la Suède, la France reste à part. Les Républicains (LR) rechignent à suivre cette tendance vers une union des droites souvent évoquée, mais qui divise profondément leurs militants, inquiets d’un possible « effacement » politique de leur parti.
« On n’est pas là pour faire une mixture d’un Eric Ciotti, d’une Marine Le Pen, d’un Bruno Retailleau », soupire Titouan Bel Ange, 21 ans. Comme d’autres jeunes adhérents interrogés par l’AFP, il redoute que l’héritage gaulliste se dissolve face à un Rassemblement national désormais premier parti de France.
Si Eric Ciotti, ancien président des Républicains désormais rallié au RN, espère voir naître une union entre les deux familles politiques, « c’est dans les urnes que ça doit se faire », estime l’étudiant en droit à Panthéon-Assas.
Responsable des jeunes LR dans l’Essonne, il déplore aussi l’inaction du parti à la flamme dans son département depuis l’arrivée, il y a un an et demi, de son délégué départemental Philippe Olivier, député européen et beau-frère de Marine Le Pen.
De son côté, Alice Clergeau, 27 ans, reste sceptique face à la stratégie d’Eric Ciotti et à son Union des droites pour la République (UDR), moteur du projet de grande alliance à la française. L’initiative devait, selon elle, « perturber tout le jeu politique », mais « ça n’a pas tellement marché » depuis sa création fin août 2024.
« Je pense que la France est vraiment de droite et c’est à nous d’être capables de répondre à ses demandes, à ses attentes notamment sur la sécurité, l’immigration », insiste la vice-présidente de l’instance nationale des Jeunes Républicains.
Union des droites : entre tentation électorale et peur de la disparition des Républicains
Mais les Républicains peuvent-ils réellement s’en sortir seuls, à un an et demi de la présidentielle ? Si ce « débat très ancien », selon la politologue Nonna Mayer, refait surface, c’est parce qu’on observe d’un côté « une dynamique du Rassemblement national » et de l’autre « un dépérissement, pour ne pas dire autre chose, de LR », analyse-t-elle auprès de l’AFP.
Une étude annuelle d’Ipsos BVA, dirigée par Brice Teinturier, révèle que 58 % des sympathisants LR estiment le RN capable de gouverner, contre 41 % des partisans du RN qui jugent les Républicains aptes à le faire.
« Le programme du Rassemblement national, d’un point de vue économique, ne correspond pas du tout à notre vision libérale, historique chez les Républicains (…) mais si la droite veut gagner, chacun doit être en mesure de faire des compromis pour l’intérêt général », estime Nathan Conte, 22 ans, responsable du mouvement de jeunesse dans les Bouches-du-Rhône.
Plus réservé, « ça reviendrait clairement à nous faire absorber par le RN, qui a aujourd’hui beaucoup de députés, ce qui n’est pas souhaitable » , Julien Abbas, 34 ans, responsable des Jeunes LR dans les Yvelines, défend plutôt l’idée de « coalitions ponctuelles ».
« Typiquement, demain, s’il y a un second tour où un député d’extrême gauche risque de gagner une circonscription, ça ne me choquerait pas de favoriser un candidat Rassemblement national », explique-t-il.
Début octobre, Bruno Retailleau a d’ailleurs exhorté ses adhérents à ne pas voter pour la gauche lors du second tour d’une législative partielle dans le Tarn-et-Garonne opposant une candidate PS à un UDR soutenu par le RN.
Et qu’en est-il du rôle de Reconquête, le parti d’Eric Zemmour, dans cette hypothétique union ? « L’ADN de ce parti (Les Républicains) c’est l’alliance, entre la droite et le centre. La droite se soumet toujours au centre et le centre se soumet toujours à la gauche. (…) Moi je crois qu’ils sont morts », déclarait-il déjà en 2022.
Pour Louis Bretonnier, 18 ans, militant LR depuis un an et demi, le parti conserve néanmoins une influence : « On arrive encore à faire évoluer les choses sur des textes à l’Assemblée nationale, à déposer des amendements, on a encore une voix qui est écoutée, respectée, aussi parce qu’on est un parti qui porte un héritage ». Il distingue par ailleurs Reconquête, qu’il perçoit comme un parti « assez jeune ».
Avec Eric Zemmour, le rapprochement semble évident sur le plan économique (avec une orientation bien plus marquée à droite que le Rassemblement national), note l’étudiant en classe préparatoire. Mais certainement pas sur les « valeurs ».
Avec AFP



