Si le Vieux-Nice continue de rayonner en été et d'attirer les touristes du monde entier, qui ne manquent jamais une occasion de photographier le moindre coin de rue, les habitants du quartier, eux, ont tendance à se sentir "abandonnés". Reportage.
L'écho des roulettes des valises sur les pavés des ruelles retentit jusque dans leur salon. "On n'entend plus que ça", déplore Odette, qui réside dans le centre-ancien depuis plus de quarante ans.
"Toute la journée, la ville est rythmée par le bruit des va-et-vient des bagages. Depuis février, ça ne désemplit pas. Mais dans un mois, il n'y aura plus rien. On redeviendra une ville fantôme. Jusqu'à l'année prochaine."
Un constat que de nombreux habitants, à commencer par Jean-Marc Braccalenti, président-fondateur de la jeune association des riverains "Nautre d’en vielha-vila", qui a toujours habité le quartier.
"Les gens veulent se rassembler. Ils ont besoin de plus de proximité, comme avant. Le Vieux-Nice était un village avec un esprit de famille. Tout le monde était ami à mon époque. Mais il a beaucoup changé au fil des années", regrette-t-il.
"C'est bien pour l'image à l'international et pour le tourisme, mais c'est plus difficile pour nous à cause des nuisances et des problèmes de logement liés aux locations saisonnières. Les étrangers ont acheté beaucoup de biens, et les prix ont augmenté. C'est aussi pour cela que nous voulons reformer cette grande famille du Vieux-Nice."
Airbnb. Un mot qui revient dans toutes les bouches et qui semble hanter les esprits. "Dans un immeuble de quinze appartements, seulement trois sont occupés à l'année. Le reste est loué sur les plateformes. Dans ces conditions, il est compliqué d'avoir une vie sociale et une vie de quartier animée", abonde Bastien Gambaudo, président-fondateur du Comité de quartier du Vieux-Nice et né dans le centre historique.
"Avant, les anciens aidaient les jeunes à trouver du travail et les jeunes aidaient les anciens à faire leurs courses. Il y avait un esprit de solidarité, avec des gens très différents. C'était ça, vivre à la niçoise : chacun allait chez les autres, on s'appelait depuis la fenêtre, on descendait, on se retrouvait. Tout cela, c'était à la fin des années 1990, et même bien avant, puisque c'est un héritage qu'on nous a transmis."
Des rénovations priorisées ?
Une politique tournée vers l'extérieur, qui rend parfois difficile les conditions de vie des riverains. "En plus des nuisances sonores et des problèmes de poubelles, les anciens ont signalé que la circulation de l'air était devenue problématique depuis plusieurs années", relate Xavier, vétérinaire dans le Vieux-Nice.
"Cela peut sembler anodin, mais à l'époque où les immeubles ont été construits, la circulation de l'air dans les rues assurait une climatisation naturelle, un peu comme en Italie. La ville était fraîche, les appartements aussi. Mais depuis que l'on a muré les portes principales, condamné les puits de lumière et d'air au centre des immeubles et que l'on a installé des climatiseurs partout, qui rejettent l'air chaud dans la rue, tout s'est dégradé et cela 'étouffe' les habitants."
Les conséquences du surtourisme, encore, selon Xavier. "La ville s'est transformée en parc d'attractions à ciel ouvert. Il est tout à fait normal d'avoir une population touristique en été, mais il faut la réguler un minimum, pour permettre aux Niçois de retrouver des logements et notamment les étudiants".
"Cela ramène de la vie, du commerce tout au long de l'année, et pas seulement en été. En novembre, les commerçants tirent la langue. Trois mois dans l'année, la ville est archi-comble et le reste du temps, c'est vide. Les résidents et les plus jeunes redonneraient vie à la ville tout au long de l'année. En été, de toute façon, il y aura toujours du monde sur la Côte d'Azur."
L'attrait touristique de la ville a néanmoins permis de nombreuses rénovations. "C'est le point positif", reconnaît le vétérinaire. "La vétusté des logements a été écartée." Mais pour Odette, ces travaux de modernisation sont souvent menés à deux vitesses.
"Quand il s'agit de travaux d'embellissement à destination des nouveaux hôtels, tout est réalisé très rapidement. Mais quand on demande une rénovation de notre square ou que l'on fait comprendre qu'il faut arrêter de supprimer des places de stationnement, les choses ont tendance à traîner. Nous manquons vraiment de considération."
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