L'installation de plots de béton le soir de l'attentat aurait-elle pu sauver des vies ? Une expertise affirme que le camion aurait tout de même franchi le dispositif de sécurité. L'avocat d'une partie des familles des victimes conteste vivement les conclusions de ce rapport et les conditions dans lesquelles il a été rédigé.
Le contexte
Le 16 juillet 2016, deux jours après l'attentat de la Promenade des Anglais, Christian Estrosi s'interrogeait déjà dans Nice-Matin sur ce qui aurait pu arrêter le terroriste : "Pour l’Euro-2016, des blocs de béton avaient été positionnés pour faire des chicanes. Cette disposition n’a pas été reproduite le 14-Juillet…"
D'après le maire (qui était premier adjoint à la sécurité à ce moment-là), l'État a manqué à sa tâche en n'installant pas cet équipement et en ne déployant pas assez de policiers nationaux.
Le 20 juillet, l'ancien adjoint Benoît Kandel, conseiller municipal de Nice, rejette la responsabilité de l'absence des blocs de béton… sur la mairie.
"Christian Estrosi se demande aujourd'hui pourquoi (ils) n'ont pas été installés par le préfet sur la Promenade des Anglais… Mais quel Tartuffe !, écrivait-il sur Facebook, dans un post effacé depuis.
"C'est toujours la police municipale de Nice qui installe ce type de matériel."
Avant de préciser : "Elle a un camion spécialement équipé pour faire cela. Je le sais. C'est moi qui ai fait acheter ce véhicule en 2009… La police municipale de Nice est très efficace. Encore faut-il qu'elle soit commandée…" Des accusations qu'il a réitérées pendant la campagne pour les municipales 2020.
Le rapport
Quatre ans plus tard, l'absence de ces fameux plots de béton est encore au coeur des interrogations. D'après une information exclusive de L'Obs, un rapport a été envoyé aux familles des victimes le 17 juin dernier.
Le document affirme, notamment, que l’installation de ces blocs ou de jardinières sur le parcours du terroriste n’aurait pas empêché le drame.
Hier, jeudi 23 juillet, l’avocat des familles des victimes, Maître Jérémie Assous, a demandé une contre-expertise sur ce dispositif de sécurité.
Il conteste plusieurs aspects du document. D'abord, la vitesse avec laquelle le "camion-test" a été lancé contre les plots de béton : 40km/h. D'après l'avocat, le camion aurait pu arriver plus vite contre ces blocs :
"Cette vitesse moyenne est théorique, la question n’étant pas de savoir la vitesse moyenne avec laquelle le camion a parcouru le trajet, mais sa vitesse réelle d’arrivée à l’endroit précis où les blocs eurent été déposés."
Ensuite, les sécurités testées ne pèsent qu'une tonne, alors que la mairie de Nice "en possédait des (plots) plus lourds, plus sécurisants, de deux tonnes."
Enfin, Me Assous conteste la conclusion qui est tirée de ce rapport.
"L’expertise, dont la portée semble gêner jusqu’à son auteur qui s’efforce d’en limiter les résultats par des tournures malhabiles", démontrerait qu’en "présence de plots en béton, le camion, en les heurtant, est fortement freiné, avant de finir sa course seulement 60 mètres après l’impact" dénonce-t-il.
Pour lui, enfin, si les pare-chocs du camion avaient percuté un bloc en béton, même "à seulement 40 km/h", cela aurait constitué "une alerte sonore de nature à avertir les personnes proches".
"Entre 60 mètres et 2.200 mètres, je vous laisse imaginer le nombre de décès et de blessés qui aurait pu être évité" ajoute-t-il.
Avant de conclure : "Ce rapport ne peut qu’aboutir à des mises en examen sauf à ignorer les règles physiques éprouvées par l’expertise ou encore faire semblant d’ignorer les règles juridiques des responsabilités des collectivités locales et de ses représentants personnes physiques. Ce qui n’est pas exclu dans ce dossier."
L’existence d’une demande de complément d’expertise et de contre-expertise a été confirmée par le procureur de la République de Nice.