La « privatisation » du seul espace vert des Moulins attriste les habitants, qui n’attendent que sa réouverture. Las, le Département prévoit d’y faire pousser un immeuble pour y installer ses nouveaux bureaux (ce qu’il a depuis contredit, lire l’encadré).
La délégation est hétéroclite. Des seniors, des mamans avec leurs poussettes. Les représentants des comités de riverains et de commerçants. Mais tous ont un point commun, ils rougnent et se désespèrent devant les hautes grilles du Jardin Bois-de-Boulogne, dans le narco-quartier des Moulins, mardi 7 octobre. Dans cette cité qui vit au rythme des opérations de police et de la vengeance des dealers, voici trois ans que le seul vrai parc leur a été retiré.
Ce Niçois se souvient y avoir joué avec la neige, un matin de 1983 : « ce coin, ça a toujours été l’endroit où on se réunissait tous dans le secteur. Mais ça, c’était avant ».
Rembobinons. À la fin de la crise sanitaire, il y a cinq ans, c’est par ses soirées clandestines et rassemblements de toxicomanes que l’on parle surtout du petit écrin vert. Là-bas, c’est le bazar un peu tous les soirs. La Ville s’en agace, et réclame au Conseil départemental, propriétaire des lieux, de sécuriser le site, avec tourniquets et grilles surélevées. Le jardin ferme : il ne rouvrira jamais.
« Il n’a même pas pris le temps de me répondre »
Après des travaux (à moitié menés), le CD06 a décidé d’en restreindre l’accès, sur présentation d’un badge, à ses seuls agents. Des privilégiés qui en usent peu : sous un beau soleil d’automne, hier après midi, il n’y avait pas un chat au Bois-de-Boulogne. Les habitants, eux, sont relégués avec leur peine sur le trottoir.

Une pétition citoyenne a rassemblé 400 paraphes. Le document a été transmis au président du conseil départemental Charles Ange Ginésy par Rosario Lo Cicero, de l’Association de défense des Moulins. « Il n’a même pas pris le temps de me répondre » souffle l’homme en baissant les yeux.
LA COLÈRE D’UN QUARTIER
Vendredi, une énième fusillade emportait deux hommes et blessait grièvement cinq autres personnes. Aux Moulins, on s’inquiète certes de cette crise qui dure, mais on pointe aussi les inégalités persistantes entre la Plaine du Var et le centre historique. « Là-bas, quand on crève de chaud au milieu de tout ce béton, ils ont la coulée verte et plein de beaux jardins sécurités où emmener leurs enfants. Avec la protection, dans les rues, des militaires de l’opération Sentinelle. Ici, c’est la guerre, et on a droit à quoi ? À un portail fermé et des prétextes ».
Monique Bailet, l’élue municipale chargée de ce territoire, relaie les plaintes des habitants depuis des années, et multiplie les recommandés. Elle ne décolère pas : « tout ceci est le symbole d’un abandon. Le Département a coupé dans tout ce qu’il pouvait. Il ne subventionne plus ni l’emploi ni le logement et la rénovation urbaine ». Une autre mère de famille : « la vérité c’est que, une fois de plus, on se retrouve victimes et prisonniers d’un règlement de comptes politiques, parce que les collectivités se tapent dessus en permanence ».
« Priorité d’intérêt départemental »
Nice-Presse avait déjà interrogé Charles Ange Ginésy sur ce dossier avant l’été, le 13 mai. La réponse du patron des Alpes-Maritimes : oui, un immeuble va pousser à la place des pelouses.
« Concernant le Bois de Boulogne, depuis 2017, oui, j’y défends la construction d’un nouveau CADAM (centre administratif, NDLR). L’actuel équipement a un certain âge, l’isolation thermique est défaillante, les services dispersés… Il est nécessaire de recentraliser nos forces administratives et de secours, et donc de construire. Je veux être clair : la Plaine du Var, ce n’est pas le Département qui l’a urbanisée ! Construire ce centre est une priorité d’intérêt départemental. »
- Après la publication de cet article, le service de presse du Conseil départemental nous a fait parvenir la copie d’un courrier transmis à la Ville de Nice le 13 mai dernier assurant que le nouveau CADAM ne pourra être aménagé que sur les emprises déjà occupées, et non sur la surface du jardin. Ce que le président du Département n’avait pas indiqué dans son interview publiée dans Nice-Presse le même jour.




Et ça continue dans notre département des immeubles moches et du béton à la place des derniers espaces verts qui subsistent ! UNE HONTE !