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Dans les Alpes-Maritimes, la lutte contre le sida continue. On fait le point sur la situation après les confinements avec le docteur Pascal Pugliese, président du Comité régional de coordination de la lutte contre le VIH (COREVIH) et spécialiste en infectiologie au CHU de Nice.
Lire aussi : L’autre épidémie : plus de 3.000 personnes vivent avec le VIH en région Sud-Paca
"Pas de reprise épidémique ici"
Notre département a longtemps été particulièrement touché par l'épidémie de VIH. Comment la situation évolue-t-elle ?
"Elle reste stable : on est entre 3.500 et 4.000 personnes porteuses du VIH. On a à peu près une centaine de nouvelles personnes séropositives chaque année.
Sur les deux dernières années, 2019 et 2020, on observe aussi une stabilité. Il n’y a pas de reprise de l’épidémie pour l’instant. On a amélioré nos chiffres depuis 2016."
Qui sont les personnes les plus touchées ?
"Dans les Alpes-Maritimes, ça concerne pour moitié des hommes qui ont des relations sexuelles avec d’autres hommes (HSH), et pour moitié des personnes hétérosexuelles.
Une grande partie de ces personnes homosexuelles sont nées à l’étranger, arrivées depuis peu de temps sur le territoire. Une partie des hommes ayant des relations sexuelles avec d’autres hommes séropositifs sont des migrants."
Comment expliquer cette stabilité ?
"Nous pensons que c’est grâce à l’ensemble des stratégies de prévention combinées, qui permettent de réduire le nombre de nouvelles infections.
On voit sur les six premiers mois de 2021 que l’on n’a pas une explosion du nombre de nouvelles personnes séropositives, comme on pouvait le redouter après une année passée avec beaucoup moins de tests effectués."
Si vous aviez à faire un bilan sur l’épidémie de VIH sur l’année passée, que diriez-vous ?
"Nous faisons un constat assez négatif et prudent : depuis l’année dernière on a eu moins de dépistages du VIH, et probablement moins de personnes ayant initié une PrEP (traitement de prévention, NDLR).
On a un déficit par rapport à ce qu’on aurait pu espérer sans épidémie, et cela laisse craindre un retard au diagnostic, qui peut être observé dans les mois et les années à venir, avec une éventuelle reprise de l’épidémie.
Tout doit être mis en œuvre pour relancer et remettre en place les stratégies de prévention qui marchaient bien, et ceci pour atteindre l’objectif de zéro nouvelle contamination d’ici 2030."
Parlez-nous de ces stratégies de prévention que vous avez réussi à maintenir pendant la crise sanitaire.
En décembre : Dans les Alpes-Maritimes, « la stratégie de lutte contre le VIH est fortement perturbée par la crise sanitaire »
"Nous avons maintenu une offre de soin avec les CSJ des Alpes-Maritimes (Carrefour Santé Jeunes, centres de dépistages anonymes et gratuits pour les 12-25, NDLR).
On a réorienté un certain nombre de patients vers les CeGIDD (centres gratuits d’information, de dépistage et de diagnostic, NDLR). En sortie de confinement, on a alerté à nouveau les patients les plus exposés au VIH sur la nécessité de se faire dépister.
On a pu augmenter le nombre de patients sous PrEP (Prophylaxie Pré-Exposition, un traitement préventif contre le VIH, NDLR) même pendant l’épidémie de Covid, grâce à la télé-consultation, qu’on a pu mettre en place notamment au CHU de Nice.
Là je prends ma casquette de président de la Société Française de Lutte contre le SIDA : on a travaillé cet été avec la Direction Générale de la Santé (DGS) pour faire en sorte que les centres de prévention ne soient pas soumis au 'pass sanitaire' parce qu’on ne souhaitait pas que certains soient privés de dépistage, ce qui aurait pour conséquence de retarder d’éventuels diagnostics."
Vous mentionnez la PrEP, le traitement préventif contre le VIH : y’a-t-il des avancées notables de ce côté ?
"On a fait une grande avancée en 2021 : on a rendu possible le fait que la PrEP soit prescriptible par les médecins généralistes. Jusqu’à présent, cette prévention était réservée à des services d’infectiologie et à des centres de santé. Depuis le 1er juin, tous les médecins formés peuvent initier et suivre les patients en PrEP.
L’objectif, c’est d’aller vers les publics les plus exposés qui ne viennent pas forcément vers les centres spécialisés. Dans les mois et les années à venir, il y aura d’autres formes de PrEP, notamment injectables, qui vont permettre de toucher un plus grand public."
Que prévoyez-vous pour continuer la prévention contre le VIH ?
"Les services de soins vont reprendre la recherche de personnes perdues de vue : on a probablement des individus qui étaient suivis, soit en traitement préventif, soit infectés qui ne sont plus venus à cause de la limitation de l’accès aux soins. Il va donc falloir les retrouver.
Nous allons aussi pouvoir retourner faire de la prévention et des dépistages auprès des populations cibles."
- Toutes les infos sur la prévention du VIH sur le site de la Ville de Nice
Succès pour l’initiative Au Labo sans ordo (ALSO) : ceux qui le souhaitent peuvent se rendre dans les laboratoires affiliés pour se faire dépister, sans ordonnance, gratuitement, et sans rendez-vous.
Grâce à ce dispositif, « on a maintenu [dans les Alpes-Maritimes] entre 7 et 8% du nombre de diagnostics. On est restés stables malgré la difficulté d’accès aux laboratoires. »
"La Caisse nationale d’Assurance Maladie a proposé, fin juin, que cette offre de dépistage puisse être étendue à l’ensemble du territoire national dès 2022."