Depuis la condamnation de Marine Le Pen, le Rassemblement national (RN) affirme avoir enregistré une très forte hausse des adhésions dans les Alpes-Maritimes. Rencontre avec Alexandra Masson, députée du pays de Menton, figure désormais incontournable du parti dans le département, bien déterminée à conquérir plusieurs mairies en 2026…
C’est au cœur de son cabinet d’avocat, lors d’une journée printanière battue par une pluie fine, qu’Alexandra Masson a reçu Nice-Presse Dimanche. La députée des Alpes-Maritimes dévoile les coulisses d’une organisation locale renforcée, son alliance avec l’UDR d’Éric Ciotti, et affirme sa détermination à gagner certaines places fortes historiques de la droite. Entretien.
Votre parti évoque une « explosion des adhésions » depuis la condamnation de Marine Le Pen. Qui sont ces nouveaux adhérents, avez-vous des chiffres précis?
Nous observons deux phénomènes. Tout d’abord, une forte hausse des adhésions: dans les Alpes-Maritimes, nous sommes passés de 2700 à environ 3200 adhérents. Cela touche autant les grandes villes que les territoires ruraux. Mais surtout, ce qui est très encourageant, c’est la pétition « Je soutiens Marine ». Dans certaines communes où nous avions 200 adhérents, nous atteignons désormais jusqu’à 800 signatures, beaucoup venant de personnes qui ne prennent pas nécessairement leur carte. On constate une belle dynamique, avec une grande diversité, autant d’hommes que de femmes, et beaucoup de jeunes.
Comment le parti s’est-il réorganisé au niveau local, depuis les dernières législatives?
Nous avons désormais un référent par circonscription et par grande ville, comme Nice, Cannes, Menton, Le Cannet, Grasse, ou encore Vence. C’est un bel organigramme: 32 postes structurés, répartis en plusieurs pôles. L’objectif est clair : quadriller tout le territoire et proposer aux militants, qui souhaitent s’engager concrètement, des missions bien définies.
Les municipales approchent. Allez-vous présenter des candidats dans toutes les villes, en accord avec l’UDR d’Éric Ciotti?
Tous les scénarios sont possibles, mais il n’y aura jamais de candidat UDR face à un candidat RN. Je travaille main dans la main avec Éric Ciotti pour harmoniser les candidatures. Nous avons déjà investi certaines personnes dans plusieurs communes. Les candidatures sont étudiées conjointement, avant d’être validées. L’idée, c’est de présenter partout des listes fusionnées RN-UDR.
Quelles villes pensez-vous réellement pouvoir gagner?
Saint-Laurent-du-Var, Cagnes-sur-Mer, même Vence… Mais aussi des communes plus petites comme Contes, dans la vallée des Paillons. C’est historiquement un bastion communiste, où nous réalisons désormais de très bons scores. Nous espérons avoir un candidat capable de l’emporter. Je suis confiante.
Mais le scrutin municipal ne suit pas forcément la logique du vote national…
C’est vrai, mais justement, c’est la qualité des candidats qui fera la différence. Une élection municipale nécessite une incarnation différente, une personnalité capable de gérer le quotidien, d’avoir les compétences nécessaires. Nous recevons chaque semaine des profils variés, motivés, prêts à s’investir localement.
À Nice, on a parfois l’impression que le RN fait figuration derrère Éric Ciotti. Avez-vous vraiment votre mot à dire?
Éric Ciotti n’est pas encore officiellement candidat. De notre côté, nous avons notre propre bureau niçois dirigé par Benoît Kandel. Nous préparons notre programme depuis longtemps sur les grands sujets locaux comme la culture, le sport, l’économie et les transports. Du côté de l’UDR, il y a aussi des groupes de travail thématiques. Quand un candidat sera déclaré, nous fusionnerons nos idées pour présenter le meilleur projet possible aux Niçois. Et oui, il y aura des candidats RN sur une éventuelle liste menée par Éric Ciotti.
Justement, comment voyez-vous son choix d’avoir créé l’UDR?
C’est une excellente nouvelle! Depuis longtemps, je disais à Éric : « Rejoins-nous. » Il a toujours eu des idées souverainistes et patriotiques fortes. Il est un peu plus libéral économiquement, et c’est justement pour cela qu’il a créé son propre mouvement. Aujourd’hui, il partage environ 80% de nos idées. Les 20% restants font notre force, car il ne faut pas être monolithique pour gagner une élection. Il est plus à sa place avec nous qu’avec des LR opportunistes qui changent de parti au gré des modes…
Pierre-Paul Leonelli, responsable des Républicains à Nice, nous disait récemment que vous aviez rejoint le RN par opportunisme électoral…
Pas sûr que Pierre-Paul Leonelli soit le meilleur pourvoyeur de talents des trente dernières années dans les Alpes-Maritimes! J’aurais pu continuer à travailler avec le RPR ou l’UMP, mais certainement pas avec Les Républicains, où je n’ai d’ailleurs jamais été adhérente. Quand j’ai repris ma carrière politique après m’être consacrée à ma vie de maman et à la création de deux cabinets d’avocats, j’ai rejoint le RN parce que c’est le parti qui correspondait le mieux à mes convictions.
LR, En Marche, Horizons, tout cela se ressemble. Les électeurs ne sont pas dupes : nous, nous ne nous cachons pas derrière des étiquettes. Et nos résultats progressent sans cesse.
Les députés RN des Alpes-Maritimes, dont vous faites partie, seront-ils candidats aux municipales en tant que têtes de liste?
Nous serons forcément candidats dans nos circonscriptions, en tête de liste ou non. Le mandat municipal est crucial pour concrétiser nos projets. On voit que les maires RN réélus le sont grâce à leur travail local. Jusqu’à présent, l’implantation était notre faiblesse: aujourd’hui, c’est une priorité. Je pense que 2026 sera l’année des municipales du Rassemblement National, ce qui donnera aussi un moteur supplémentaire pour la présidentielle suivante!
Et vous, à Menton?
(Sourire) Je ne répondrai pas. Mais il est vraiment temps de tourner la page Yves Juhel. Il a sali Menton en jetant le discrédit sur des délégations de services publics (DSP), les plages, le port… Les affaires en cours nuisent gravement à la ville. Seulement trois plages ouvertes cet été, dans une destination touristique comme Menton, c’est inacceptable! Il y a eu 18 points de non-conformité sur les DSP. Un ancien adjoint, Mathieu Messina, est même suspecté dans une affaire de détournement de fonds au port. C’est une fin de règne catastrophique qui ternit l’image de la ville.
Quelles seraient les premières mesures des futurs maires RN?
Un audit financier complet pour connaître précisément la situation. Puis nous redonnerons du sens politique aux priorités sociales, au logement, et au développement durable. Ce sont des changements majeurs, et nous serons là pour les mener.
Quels sont vos combats principaux à l’Assemblée nationale?
Mon combat personnel, c’est l’aérien. Nice a le deuxième plus grand aéroport de France, essentiel au tourisme et à l’économie. Contrairement à ce que l’on entend, ce secteur fait d’énormes efforts pour réduire ses émissions de CO₂. Une partie des taxes aériennes devrait d’ailleurs financer la décarbonation du secteur.
Que répondez-vous aux écologistes opposés à l’extension de l’aéroport?
Les écolos sont contre tout. Évidemment, l’écologie est importante. Mais les travaux de l’aéroport ont déjà réduit les émissions au sol. Dans les années à venir, l’intelligence artificielle embarquée rendra les avions plus propres. Il ne faut pas se focaliser uniquement sur le ferroviaire : la ligne à grande vitesse n’arrivera jamais ici. À l’échelle mondiale, la France reste à la pointe de l’innovation aéronautique propre.
Vous êtes aussi très engagée sur les questions transfrontalières…
Je travaille beaucoup sur la coopération avec Monaco et l’Italie. Aujourd’hui, j’ai mis 1h45 pour faire Nice-Monaco en voiture: c’est anormal. Je défends un projet de métro souterrain reliant l’aéroport à Monaco, voire Vintimille, un dossier résilient et indispensable.
Sur les flux migratoires, quelle évolution constatez-vous?
Globalement, ils ont baissé sur notre frontière grâce à la politique ferme de l’Italie depuis l’arrivée de Giorgia Meloni. Mais ils augmentent fortement côté espagnol. Quand on bloque d’un côté, ça passe ailleurs…
Le sommet de l’ONU pour l’Océan arrive à Nice. Quel est votre regard sur ces enjeux maritimes?
Le traité de la haute mer est essentiel. Je fais du lobbying à l’international pour sa ratification. La pollution plastique des océans est le drame écologique de notre décennie. Les protéger est une priorité absolue.