Les questions de santé sont déjà un « sujet chaud » de cette campagne des municipales 2026. Vivement mise en cause par Éric Ciotti, la Mairie répond, avec l’élu Hervé Caël, par ailleurs Président de l’Ordre des médecins en région Sud. Projet d’équipement XXL dans la Plaine du Var, désastre du gaz hilarant, situation des urgences au CHU… Les réponses d’un expert.
Nice est concernée par plusieurs crises sanitaires, notamment celle du gaz dit « hilarant », le protoxyde d’azote. Avec quels dangers ?
Il s’agit de produits dont l’usage est détourné pour en faire une drogue, avec des risques dramatiques : perte de mémoire, embolies pulmonaires, accidents cérébraux, etc. On peut en mourir, même en étant très jeune, ou connaître de graves séquelles. Ce mésusage concerne désormais tous les quartiers et toutes les couches de la population.
La mairie a décidé, au 1er octobre, d’en interdire la vente aussi bien aux mineurs qu’aux adultes. Pour faire respecter cet arrêté et pour agir plus fermement, reste à l’État de nous fournir les outils de contrôle que le maire, Christian Estrosi, a réclamé. Mais nous n’agissons qu’en soutien de l’action fondamentale de la police nationale, des tribunaux et de l’Agence régionale de santé, qui doivent être en première ligne. Que chacun prenne ses responsabilités.
Autre crise, celle de la toxicomanie, avec des personnes dans des états déplorables, à même le sol, dans le centre touristique et aux abords de Jean-Médecin. On n’a vraiment pas l’impression que la situation s’améliore…
L’État et l’ARS ont une responsabilité, là encore, majeure. Je note que le député d’extrême droite Éric Ciotti critique tout ceci alors que sa lettre de candidature n’évoque presque pas la santé. Les élus de son bord politique votent systématiquement en conseil municipal contre notre soutien aux associations et aux dispositifs de prévention. C’est d’une très grande hypocrisie. Dès qu’ils entendent les mots « santé sexuelle », « LGBT », etc, ils s’opposent. C’est une faute.
Vous avez fermé quelques jours la « rue des toxicomanes » cet été mais ça ne règle rien, si ?
Fallait-il prendre cette décision radicale ? Evidemment, puisque nous avons pu ouvrir un débat face aux défaillances de l’État. La loi ne nous fournit aucun levier, la police municipale ne peut rien faire. Il y a un projet de centre d’accueil au niveau du CHU Pasteur. Cela fait des années, ça traîne, et ce n’est pas normal. Nous maintenons la pression. Et que le députés niçois se mobilisent enfin.
Avec @ECiotti, nous travaillons sur un projet ambitieux pour faire de la santé une véritable priorité municipale.
👉 Toxicomanie, Lanval, prévention, accès aux soins : retrouvez mon entretien pour @NicePresse ⤵️https://t.co/AVxnoXS4sr pic.twitter.com/dMzQCC5DEN— Pr. Laurent Castillo (@PrLCastillo) October 5, 2025
Ce n’est pas sa compétence immédiate, mais la mairie a ouvert plusieurs « maisons de santé » dans les quartiers : pour quoi faire, quel est leur bilan ?
Partout en France, on a de plus en plus de mal à accéder aux soins et à un médecin. Nous avons ciblé des quartiers bien définis, où il y avait une urgence : un collinaire, Bellet, et un secteur « politique de la ville », Pasteur. Leur fréquentation est déjà très forte. Nous avons un autre projet très avancé, pour la rue d’Italie.
Les Niçois ne sont, souvent, pas accueillis dans des délais raisonnables aux urgences, avec d’interminables heures d’attente. Que faire ?
Il y a un nouveau directeur général au CHU, depuis deux ans, dont la feuille de route comporte de vraies solutions. Avec des ressources : 90% de leurs recrutements en 2024 concernaient des postes de soignants. Les flux sont mieux gérés, dès l’appel téléphonique, où les patients sont fléchés, entre l’hôpital et la médecine générale. La maison de santé ouverte par la Ville à Pasteur permet d’accueillir certains de ceux qui ne doivent pas se retrouver aux urgences. En complément, le privé joue son rôle, en assurant sa mission de service public.
Un vaste projet de « Centre des santés » pour Nice-Ouest a été évoqué par la mairie il y a deux ans, sans que l’on comprenne vraiment ses objectifs. Cette idée un peu floue n’a-t-elle pas suscité plus de craintes que de soulagement ?
Ce projet est pourtant très clair. Nous avons un grand pôle sanitaire à l’Est de la ville qui est de grande qualité, notamment avec les derniers travaux menés à Pasteur. Ailleurs, l’offre est dispersée.
Prenons l’hôpital de Cimiez. La direction a-t-elle vraiment besoin de bureaux dans un grand hôtel ? Et ses services de soins ne sont pas très nombreux. L’Archet est mal placé : il est peu accessible et aménagé sur une colline sans doute exposée aux risques sismiques. Le Centre Antoine Lacassagne progresse bien mais il est coincé sur son site actuel, sans pouvoir s’étendre. Dans le même temps, Nice se développe à l’Ouest. La logique est d’implanter dans la Plaine du Var un Centre des santés.
Quand ? Et avec quel argent ?
Entre 2030 et 2033. Ce projet, ambitieux, est en train d’être travaillé et tous les acteurs prennent ceci très au sérieux. L’ARS reconnaît sa pertinence. Il y a un patrimoine immobilier important qui peut être vendu pour supporter les coûts. L’idée est de grouper ces institutions, dans le respect de leurs particularités et de leurs statuts.
Les derniers mois furent chaotiques du côté de Lenval. Risque-t-on de voir disparaître « l’hôpital des enfants » ?
Il y a eu des caricatures et des fake news. La Fondation Lenval (privée, non-lucrative) a toute sa place dans l’offre de soins pédiatriques. Les Niçois y sont très attachés ! Mais nous devons aussi développer une offre publique et universitaire. C’est comme ça que nous serons attractifs auprès des professionnels de santé. Nous n’avons pas de croisade contre Lenval, mais je rappelle qu’il y a eu beaucoup de signalements au sujet de maltraitantes prétendument commises contre les soignants, avec une gouvernance qualifiée de « toxique ». Le Procureur en a été avisé. La nouvelle direction générale offre de nouvelles perspectives. Je note que le candidat d’extrême droite Eric Ciotti a pris position en faveur de cette direction, et ses représentants du Conseil départemental n’ont aucun mot pour les personnels.
On ne décèle pas une grande volonté de soutenir Lenval, mais plutôt de déménager la pédiatrie dans un nouvel hôpital à Nice-Ouest…
Ce n’est pas « ou l’un, ou l’autre ». Nice compte 360.000 habitants. Il peut y avoir un pôle dans la Plaine du Var, et un autre le long de la Promenade des Anglais.
LE TACLE
«Je lis dans vos colonnes que l’équipe d’Éric Ciotti accuse Nice de perdre ses grands congrès médicaux. En réalité, on doit presque en refuser tellement nous avons de demandes pour l’année prochaine et les suivantes ! Le rendez-vous des ORL a déménagé parce que l’un de ses proches l’a décidé. Et les confrères me parlent : ils en ont ras-le-bol de Cannes ! Ce qu’ils disent, c’est qu’à Nice, quand vous avez terminé vos réunions, vous avez des choses à faire et une vraie vie locale…»



