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PRÉSIDENTIELLE, INTERVIEW. Face au risque de victoire de l'extrême droite, Christian Estrosi appelle au "dépassement politique". Seul un vaste rassemblement permettrait de relever les défis auxquels la France est confrontée. Tout en rappelant qu'une défaite d'Emmanuel Macron risquerait de mettre un coup d'arrêt "à la marche en avant de Nice".
Grand et seul meeting du président-candidat samedi, sondages en baisse mais qui restent solides… À quelques jours du premier tour, quel est votre état d'esprit ?
Nous voyons bien que cette campagne n'est pas comme les autres. Et pourtant, j'ai pu en connaître de nombreuses.
Nous avons appris à travailler ensemble avec Emmanuel Macron pendant cinq ans, avec une vraie relation de confiance. Nous savons que nous traversons une période où il y a des choix politiques à l'extrême droite et à l'extrême gauche qui tendent à fracturer et à diviser les Français face aux crises.
J'estime qu'il faut tout faire pour rassembler, avec une certaine culture du dépassement.
Elle n'est pas nouvelle pour moi, puisque j'ai pu la pratiquer avec Nicolas Sarkozy dans des gouvernements d'ouverture, avec Martin Hirsch, Fadela Amara, ou encore Bernard Kouchner. Ceux qui, à droite, critiquent ça aujourd'hui ne s'en plaignaient pas du tout à l'époque.
Nicolas Sarkozy qui a été hué par deux fois au dernier meeting de Valérie Pécresse, ça vous a blessé ?
Ayons à l'esprit un marqueur fort du meeting d'Emmanuel Macron. Il a bien rappelé qu'ici, "on ne siffle personne, jamais". C'est un esprit qu'il insuffle : la France est trop fragile face aux tentations de fractures et de division. Ce que je veux que nous incarnions d'abord, c'est le rassemblement. On ne réformera rien sans lui.
J'ai entendu samedi un discours profondément gaulliste, sans le diktat d'un parti. Cette certaine idée de la France, avec de vraies propositions pour notre souveraineté industrielle, pour l'emploi, la fiscalité… Sans oublier le social, avec ce que certains ont pu qualifier de mesures de gauche. Ce sont en réalité des idées de justice sociale. Le patriotisme, c'est cela. Répondre à tout, dans le dépassement des étiquettes. Agiter quelques drapeaux français sans rassembler, ça ne sert à rien.
Rappelons-nous ! Quels sont les moments de la Vème République où la France a été la plus fière d'elle même ? Quand elle a incarné l'une des plus grandes puissances industrielles au monde ! Le nucléaire civil, Ariane, Airbus, le TGV, le Concorde… Ce sont les instants qui donnent du sens à notre drapeau, à la fierté d'être français.
Des militants de droite ont donc sifflé l'ancien président…
J'ai eu des désaccords avec François Fillon en 2017, parce que son programme manquait de mesures sociales. Mais je l'ai soutenu. Malgré cela, j'ai été sifflé, à Nice et à Toulon, par un petit groupe très instrumentalisé. Ce sont les plus mauvais souvenirs de ma vie publique.
Devant ma télévision ce week-end, en entendant le nom de Nicolas Sarkozy hué, je me suis souvenu de cette souffrance, de cette épreuve. Les leaders de LR n'ont pas réagi, devant cet affront fait à notre ancien président, au fondateur de notre famille politique.
Valérie Pécresse aurait pu commencer son discours en disant, comme Emmanuel Macron, "ici, on ne siffle pas". Elle n'a eu aucun mot. Aucun.
C'est le symbole d'une dérive d'après vous ? Certains de vos adjoints disent aujourd'hui "LR, c'est l'extrême droite"
Je ne parle pas de LR, mais des dirigeants de LR. Je ne veux pas blesser des militants avec qui j'ai partagé la même histoire politique. Laquelle a été dénaturée.
On a pu la voir depuis cinq ans, cette dérive. Depuis au moins le meeting de François Fillon au Trocadéro. Ça ne date pas d'hier.
Vous voulez faire "basculer les Alpes-Maritimes du côté du président". Que dites-vous aux militants de droite qui n'ont pas encore emprunté le même chemin que vous, de LR à la majorité présidentielle ?
Je leur dis que je continue de partager les mêmes valeurs, de défendre les mêmes idéaux que ceux qui nous ont portés au RPR, à l'UMP de Jacques Chirac et aux Républicains de Nicolas Sarkozy.
Je leur dis : ne perdez pas espoir.
Nos convictions ne sont pas mortes. Ni celles des gaullistes, ni celles des centristes. On se bat pour que nous puissions, tous, nous rassembler demain.
Le combat contre l'extrême droite marque votre histoire politique. Comme Edouard Philippe, pensez-vous que Marine Le Pen est réellement aux portes du pouvoir ?
Le Front national l'était déjà pour les régionales de 2015 chez nous. C'est, là encore, le dépassement et la mobilisation de tous qui ont tenu le Front national en échec.
Échéance après échéance, les choses se resserrent.
Y aura-t-il un front républicain dimanche ?
Rassemblement républicain, ça veut dire quoi ? Ça ne veut rien dire. Ce qui compte, c'est d'appeler un chat un chat. Derrière celle qui veut apparaître avec un visage doucereux dans cette campagne, Marine Le Pen est en réalité le pire de l'extrême droite. Il faut le dire.
Plus qu'Éric Zemmour ?
Sans doute. Mais il y a sans doute une complicité entre les deux. Sa radicalité a pu camoufler celle de Marine Le Pen, qui est pourtant bien présente. J'estime qu'elle parle soft, mais pense hard et qu'il ne faut pas l'oublier.
Qu'aurions-nous au pouvoir ? La division du pays, la stigmatisation des étrangers. Elle sort continuellement des absurdités, contre les vaccins, sur la gestion de la crise sanitaire, sur la guerre en Ukraine…
Tout le monde dit "Zemmour et la Russie", mais Le Pen non ? Elle n'a pas fini de payer son crédit accordé par la Russie pour financer sa précédente campagne, et c'est la Hongrie de Viktor Orban qui lui a accordé son crédit pour financer l'actuelle ! En pleine crise ukrainienne, ça n'interpelle personne ?
Quand on voit en Ukraine ces atrocités, les charniers, comment ne pas être choqués par le financement de sa campagne ? La "candidate de la France" fait financer sa campagne par l'étranger !
On dit que l'on pourrait avoir 30% d'abstention dimanche, un record. Que dites-vous aux abstentionnistes ?
Je vois les jeunes extrêmement innovants dans leur pensée, engagés dans la cause écologique, la justice sociale, l'entrepreneuriat… Veulent-ils un retour en arrière ?
Prenons la retraite à 65 ans : si on ne la fait pas, ils ne sont même par certains que leurs propres parents puissent un jour toucher la leur ! Ce serait la misère, on aurait détruit un trésor national.
Soyons pragmatiques : Emmanuel Macron est-il vraiment le candidat le plus "utile" pour Nice ? Le meilleur soutien du territoire ?
Pendant 5 ans de présidence socialiste, nous avons été méprisés. On nous a coupé des budgets, et nous n'avons eu aucune solidarité pour nos grands projets.
Avec Emmanuel Macron, tout a changé. Ligne 2 du tramway, campus du numérique, lignes 4 et 5, téléphérique traversant le Var,… nous sommes accompagnés. Nous livrons au mois de mai, au lendemain de la présidentielle, la nouvelle gare ferroviaire à Nice Ouest. Ce ne sont pas des promesses : ce sont des réalisations. Et je ne parle même pas de l'accompagnement dont ont pu bénéficier nos entreprises, ou du plan de relance qui nous porte pour plusieurs années.
Demain, c'est notre Hôtel des Polices mutualisé qui sera en grande partie financé par l'État. Dépôt du permis de construire cet automne, lancement du chantier début 2023 et livraison pour 2025.
Dans les crises, nous n'étions pas seuls. Partout, le gouvernement a été là : tempête Alex, campagne vaccinale, accueil des réfugiés ukrainiens…
Vous militez pour l'extension des compétences de la police municipale. Le président n'avait rien annoncé à ce sujet lors de sa dernière visite à Nice. Ça a bougé ?
Ces compétences ont évolué sur plusieurs points avec la loi sécurité globale, sur l'accès aux fichiers, les procédures… Certains ont été retoqués par le Conseil constitutionnel. Je pense à l'usage des drones, à la lutte contre les rodéos et le trafic de drogue.
Il va y avoir des modifications constitutionnelles qui nous permettront, notamment, d'avancer dans le domaine du numérique sur la reconnaissance faciale, avec un véritable débat.
On la retrouvera naturellement dans l'investissement annoncé pour développer les nouvelles technologies contre la criminalité.
Je dois souligner que nous avons obtenu des renforts significatifs en policiers nationaux, et que nous avons un partenariat de qualité avec le procureur. La délinquance a pu baisser à Nice de 7% ces dernières années.
L'autre volet essentiel est le traitement de l'immigration clandestine. Toute demande d'asile politique rejetée fera l'objet d'une obligation de quitter le territoire national, immédiatement. Nous la mettrons en œuvre.
Imposer la réciprocité sur les visas et une modification de l'espace Schengen nous permettront d'opérer un meilleur contrôle de ceux qui veulent franchir nos frontières.
Dans quel rôle accompagnerez-vous Emmanuel Macron s'il est réélu ?
En gestionnaire d'une collectivité qui apporte de la croissance à son pays, qui crée de l'emploi et qui agit en laboratoire de réflexion pour le président.
C'est déjà le cas. Quand on dit, il faut faire du sport une demi-heure par jour à l'école. Depuis 2008, on l'applique à Nice ! Plus de culture pour les écoliers ? Nous le faisons avec un plan dédié.
Donc pas de ministère ?
Je suis un homme libre. C'est sans béatitude que je soutiens le président. Mon choix, c'est ma ville, ça ne changera pas.
Il n'est pas question que je quitte Nice. J'accompagnerai tous les projets engagés, c'est mon fil conducteur.
Mais pour parvenir à ça et atteindre notamment notre objectif de créer 40.000 emplois, nous avons besoin de la victoire d'Emmanuel Macron.
Quand vous voyez toutes les déclarations d'hostilité que j'ai pu recevoir, ici ou là, vous imaginez bien que la dynamique que nous connaissons ici à Nice est qui est plus forte que n'importe où en France, tous les indicateurs le démontrent, a besoin du soutien du président.
Je dis aux Niçois, y compris ceux qui peuvent ne pas partager toutes nos idées, qu'il faut penser d'abord à vos enfants.
Dites-vous que si n'importe qui d'autre est élu, il interromprait cette marche en avant de Nice.
Je soutiens donc Emmanuel Macron à la fois par reconnaissance au nom des Niçois, parce que je crois en son projet et parce qu'il est le garant de ce dépassement qui est le seul capable d'éviter une victoire de l'extrême droite.
Rappelons-nous qu'avec les marges d'erreur des sondages et une forte abstention, tout peut arriver.
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