C'est la rentrée, et comme l'année dernière, Christian Estrosi a choisi de faire la sienne dans nos colonnes. Pendant près de deux heures jeudi 6 janvier, le maire de Nice et président de la Métropole a ainsi reçu Nice-Presse, pour vous répondre.
Ces dernières semaines, vous avez été très, très nombreux à nous proposer des questions, dont nous avons pu relayer l'essentiel.
Crise sanitaire, social, délinquance, culture… Loin des petites phrases, le premier magistrat de la ville dresse ses grands caps pour 2022. Et souvent bien au-delà.

COVID
Vous l'avez dit, les "indicateurs sanitaires sont terrifiants". Même question qu'il y a pile un an : à Nice, doit-on être particulièrement inquiets ?
Je dois l'être pour rester vigilant, mais mon niveau d'inquiétude est 80% inférieur à ce qu'il pouvait être l'année dernière.
Notre couverture vaccinale est solide, nous avons des doses de vaccin en nombre, malgré un taux d'incidence jamais atteint, le niveau des hospitalisations et de la violence de la maladie est beaucoup plus faible qu'en janvier 2021.
Nous pouvons entrevoir une sortie de crise.
"Ceux qui sont hospitalisés sont, à 90%, des individus non-vaccinés. Personne, absolument personne qui a un parcours vaccinal complet n'est admis à l'hôpital chez nous"
Christian Estrosi à Nice-Presse
Nous devons continuer notre campagne, tout en protégeant l'activité économique. Fin 2021, le niveau des chiffres d'affaires était supérieur (+3.5%) à celui que nous connaissions en 2019, une année pourtant sans Covid.
Approuvez-vous la stratégie du président de la République qui est, notamment, "d'emmerder les non-vaccinés"?
Non seulement je l'approuve, mais je la sollicitais, cette stratégie.
"Les non-vaccinés n'ont pas à faire payer les vaccinés. Ils commettent là un acte inconscient, ou délibérément incivique"
Christian Estrosi à Nice-Presse
Je suis favorable au "pass vaccinal" et je remercie les parlementaires qui font de même. J'aimerais même que la vaccination devienne obligatoire.
Quant au mot utilisé, que certains reprochent au président, je dis : Cambronne, Pompidou, Macron… et vive la France (il sourit).
Il y a eu beaucoup d'efforts à Nice, d'initiatives lancées, souvent avant tout le monde. Et pourtant, notre territoire a été durablement et régulièrement l'un des plus touchés par l'épidémie. Comment l'expliquer ?
Au début, nous étions les moins touchés de France. J'ai fait le choix à la fois de mesures plus draconiennes que d'autres pendant le premier confinement, et d'une stratégie logistique plus poussée, notamment pour les tests et les distributions de masques.
Ensuite, est arrivé le déconfinement de l'été 2020, avec une très forte période touristique ici. Sans la moindre prudence, nous avons été l'endroit le plus fréquenté. Certains n'ont pas joué le jeu, comme ces restaurateurs qui ont tenté de se substituer aux boîtes de nuit et contre qui j'ai dû hausser le ton. La circulation du virus, venant de l'extérieur, est repartie.
C'est pour cela que j'ai voulu que nous avancions bien plus vite que les autres pendant la campagne vaccinale. Nous sommes une terre de tourisme, on ne va pas changer ce que l'on est.

SANTÉ
À l'occasion des dernières municipales, vous aviez évoqué le projet d'ouvrir une maison de santé dans chaque quartier pour favoriser l'accès aux soins. Où en est-on ?
On parlait, il y a déjà des années, des déserts médicaux dans les campagnes. Puis le problème s'est posé dans les communes moyennes. Aujourd'hui, nous y sommes confrontés dans les grandes villes. Il y a de moins en moins de généralistes, de cabinets ouverts. Quand j'étais gamin, quand on avait mal à trois heures du matin et qu'on appelait notre médecin, il venait ! Nous avons aussi un sujet dans les quartiers où les médecins ne veulent plus se rendre.
"On a fait des maisons médicales en ruralité et ça marche très bien. J'ai donc décidé d'en aménager dans la ville de Nice sur le même modèle"
Christian Estrosi à Nice-Presse
Il y aura deux "équipements totems" dans des quartiers vulnérables : à Pont Michel/route de Turin, et le deuxième rue de Villeneuve, en 2024 (vers la gare Thiers, ndlr). J'en veux une à l'Est, à l'Ouest, une à Las Planas en 2026, sans doute aussi dans le centre, dans le secteur Gare du Sud.
Les inégalités et la pauvreté, déjà très présentes chez nous, se sont encore creusées avec la pandémie. Quelle est votre feuille de route sur ce dossier cette année ?
Les dispositifs sont là.
Nous avons livré une maison de jour extraordinaire pour les SDF derrière la patinoire Jean-Bouin. Elle permet un accompagnement médical, administratif, alimentaire… Et la maison de nuit à Trachel, qui est une référence.
Nous avons réussi, aussi, à cibler pendant la crise du Covid des populations qui n'osaient pas faire appel à nous pour demander de l'aide, alors qu'elles se trouvaient dans des situations de grande fragilité.
Nous avons doublé le nombre d'individus suivis par nos services. Il y a encore des trous dans la raquette, mais nous sommes attentifs à ne laisser personne sur le côté. C'est essentiel pour moi.
Comme d'autres villes du Sud, nous sommes très concernés par la pollution de l'air. Où en sommes-nous pour inverser la tendance ?
Par exemple, selon Atmosud, depuis la mise en service de la ligne 2 du tram' avenue de Californie, les émissions de CO2 ont baissé de 40%.
"Les ingénieurs et scientifiques me disent que notre action va nous permettre d'aller encore plus loin que nos objectifs"
Christian Estrosi à Nice-Presse
D'après le bureau d'études Setec, nous allons diminuer de 52% les émissions d'oxyde d'azote en 2025, alors que notre plan prévoyait -44%. Ils ont pris en compte notre décarbonation totale des transports d'ici 2025, l'évolution du parc électrique…. Les usages évoluent vite : il y a aujourd'hui 10 fois plus de personnes qui sollicitent notre prime à l'achat d'un véhicule électrique.
De même, jusqu'en 2019, nous étions sur la liste des villes de France pour lesquelles l'Union européenne recommandait la vigilance à propos de la pollution atmosphérique : nous n'y sommes plus, grâce à la reconnaissance de notre trajectoire.
Sur ce sujet, il n'y a pas de politique politicienne. Il y a une trajectoire longue, pour faire évoluer des choses qui ne se règlent pas d'un claquement de doigts. Il faut 10 ans pour faire une ligne de tramway.
"Je suis arrivé en 2008 avec une feuille blanche, alors qu'on ne parlait pas d'écologie, pas de pollution. J'ai anticipé, alors qu'aucun de mes opposants ne le faisait"
Christian Estrosi à Nice-Presse

GRANDS PROJETS
Un sujet dont nos lecteurs parlent beaucoup : la démolition du TNN et d'Acropolis. Que répondez-vous à ceux qui, dans la rue ou les réseaux sociaux, vous ont peut-être déjà dit, comme à nous, qu'ils n'en voient pas l'intérêt, que c'est du gaspillage ?
Non, on ne me dit pas ça dans la rue. D'ailleurs, mon projet ne changera pas, et mieux, il va se renforcer.
Aujourd'hui, le Théâtre et Acropolis sont de vraies usines à béton. En les rasant, nous suivons une logique environnementale, puisque nous allons désartificialiser les sols, végétaliser pour lutter contre les fortes chaleurs et la pollution de l'air.
Nous n'allons pas "bétonner" des sols ailleurs quand nous faisons l'extension d'un parc en centre-ville, ça n'aurait pas de sens ! Nous allons réhabiliter des friches.
Le nouveau parc des Congrès intégrera la structure du MIN Fleurs à l'Ouest, le Palais des Arts et de la Culture celui des Expositions et l'une des nouvelles salles de spectacle du TNN s'installe, elle, aux Franciscains. On va gagner 8 hectares d'espaces verts avec la Coulée verte, et 5 autour du MIN, où nous allons installer une forêt.
Artistiquement, nous allons renforcer notre offre dans le cadre de notre candidature pour devenir la capitale européenne de la culture 2028.
"Nous n'allons pas y aller avec un chariot à bœufs. Je veux y aller avec une Ferrari. En 2013, Marseille aurait-elle gagné sans le MUCEM ?"
Christian Estrosi à Nice-Presse
Vous écartez donc l'idée d'un référendum local sur cette question, comme le demande l'opposition ?
J'ai été élu en 2008, conforté en 2014 et en 2020, avec le score le plus important de mes trois renouvellements. Dans tous les bureaux autour du TNN et d'Acropolis, j'ai fait entre 58% et 69% ! Les principaux concernés sont les premiers à voter pour les perspectives que j'offre.
Peut-on imaginer des référendums sur d'autres dossiers ?
Il n'y en aura pas sur les projets annoncés pendant la campagne, puisque les électeurs ont déjà pu voter. Par contre, si d'autres grands sujets, nouveaux, sont imaginés pendant le mandat, nous pourrons lancer un référendum local.
Peut-être que nous devrons voter sur la réflexion en cours à propos de la Promenade des Anglais et la place que les piétons et cyclistes doivent y avoir.
Beaucoup de projets sont sur la table, mais avons-nous les moyens de ces ambitions ? Quelle est la santé financière de Nice ?
Notre situation est stable et solide.
Ma préoccupation, c'est que chaque euro investi renforce l'attractivité de notre ville, qu'il y ait des effets leviers multipliés par dix.
"Dans l'Éco-Vallée, on a investi 100 millions d'euros, ils ont généré 900 millions d'euros d'investissements privés"
Christian Estrosi à Nice-Presse
Lesquels nous rapportent : de nouveaux emplois, de la croissance, des recettes fiscales… Nous sommes à +1.5% emplois créés entre décembre 2019 et décembre 2020.
Le chômage recule à Nice, plus que dans le département. Avec les ouvertures d'Ikea, du Plaza, du Sheraton, du Megarama… nous allons générer plus de 25.000 emplois sur les années qui viennent.
Aujourd'hui, tout cela nous permet de renforcer la stabilité de notre part d'autofinancement. Nous maintenons notre capacité de remboursement de nos emprunts à 12 ans. Nous avons aussi signé un plan de relance à 2.5 milliards d'euros avec le gouvernement, près de 60% de nos investissements sont aujourd'hui financés par l'État. Jamais un gouvernement ne nous a autant aidés.
Avec la Métropole, nous faisons énormément d'économies dans notre fonctionnement, puisque beaucoup de services, de ressources humaines, etc sont mutualisés.

SÉCURITÉ
Plusieurs fusillades liées au trafic de drogue ces dernières semaines, un sentiment d'insécurité grandissant d'après les questions qui nous ont été envoyées… Quel message adressez-vous aux Niçois ?
Je veux essayer de les rassurer.
Pendant des années, j'ai réclamé une convention de partenariat entre la Justice, l'État et la Ville sur la lutte contre le trafic de drogue. Depuis deux ans, nous l'avons enfin obtenue. Les résultats sont remarquables.
Un point de deal a encore été démantelé mercredi matin, avec plusieurs armes et 100.000 euros saisis. Des opérations comme ça, depuis deux ans, il y en a eu 40. Les filières tombent les unes après les autres.
Ça génère des fusillades parce que les trafiquants sont énervés à propos de toutes les batailles que nous gagnons. Nous n'avons pas d'échec.
"Cette guerre que j'ai déclarée, que nous allons gagner, elle nous conduit à des succès répétés, les uns après les autres. Je ne lâcherai rien"
Christian Estrosi à Nice-Presse
Quand je m'ausculte le matin, je m'inquiète. Quand je me compare, je me rassure : regardez l'état de Marseille ou de Bordeaux. On fait ici bien plus ici qu'ailleurs.
Vous communiquiez l'an passé sur "Nice, ville la plus sûre de France". Les chiffres du ministère de l'Intérieur sont plutôt bons, ceux de la police municipale témoignent, eux, d'une explosion des arrestations liées au trafic de drogue. Concrètement, où en est-on de cette insécurité, qui reste l'une des préoccupations majeures des Niçois ?
Nous faisons beaucoup plus d'interpellations grâce à nos agents - en étant souvent primo-intervenants - et à nos caméras de vidéoprotection : ça fait monter les statistiques.
C’est la même chose que pour les chiffres de la police nationale avec les femmes victimes de violence : ils augmentent parce que les victimes vont davantage porter plainte, depuis qu'elles sont bien mieux accompagnées.

CULTURE
Nice est candidate pour devenir la prochaine capitale européenne de la culture : comment est-ce qu'on avance ?
L'ancien ministre Jean-Jacques Aillagon, qui a piloté notre comité pour l'UNESCO, va sans doute présider celui-ci. J'ai complètement restructuré ma propre administration. Nous avons vu arriver de grosses pointures, avec Muriel Mayette-Holtz au Théâtre national et Bertrand Rossi à l'Opéra (tous deux marraine et parrain de "Nice-Presse", ndlr). Thomas Aillagon, avec toute sa polyvalence, rejoint la Direction générale de la culture : nous sommes en ordre de marche.
En 2022, nous franchirons un tournant décisif pour les studios de cinéma de la Victorine, puisque nous allons accueillir plusieurs fonds d'investissement. Nous avons des conservateurs de haut niveau dans nos musées.
Je veux parler du MAMAC, le Musée d'Art Moderne et d'Art Contemporain.
Son offre va être améliorée : nous allons complètement revoir sa scénographie, et mettre en valeur le bâtiment grâce à l'extension de la Coulée verte. Ce sera un vrai château perché sur une colline florentine.
Nous augmenterons sa capacité de 600 mètres carrés.
Dans un sujet publié par Nice-Presse cette semaine, certains artistes locaux disent "galérer à Nice". Le producteur Gil Marsalla estime que "le spectacle et la culture sont détruits, le public ne vient plus". Que faire ?
Dans le monde entier c'est pareil. Mais je ferais observer à Gil Marsalla que pendant la pandémie, il valait mieux être artiste à Nice qu'ailleurs !
Ils ont tous été soutenus sans exception, avec "Mon été à Nice" où nous avons pu accompagner près de 400 associations. Nous avons prêté des salles, proposé des aides aux loyers,…
"Nous aurons des jours meilleurs, mais aucune ville en France ne s'implique autant que la nôtre"
Christian Estrosi à Nice-Presse
Avec notre candidature pour être capitale de la culture, je veux investir tout le monde, de la plus petite troupe de théâtre, tous ceux qui vont dans les écoles… Je subventionne beaucoup ces associations, nous le ferons d'ailleurs de plus en plus.

POLITIQUE
On vous connaît homme de droite, gaulliste social… Pourquoi soutenir aujourd'hui Emmanuel Macron pour la prochaine présidentielle ?
Pour deux raisons.
J'ai refusé de participer à des gouvernements, j'ai préféré me consacrer à ma ville, c'est le carburant qui me fait avancer aujourd'hui. Et le président de la République a répondu à absolument toutes les demandes que j'ai pu lui formuler au nom des Niçoises et des Niçois. Je le remercie pour ça.
La deuxième raison, c'est que je suis un gaulliste social.
Emmanuel Macron est le seul qui me semble incarner cette filiation dans cette présidentielle, avec l'étoffe d'un chef d'État, au sens noble du terme.
Il a cette capacité à prendre des décisions difficiles, à gérer les crises avec sang froid, à se tourner vers les plus faibles avec le "quoi qu'il en coûte"…
"Si aujourd'hui vous avez tous les commerces qui sont ouverts à Nice, et la moitié qui sont fermés à Vintimille et Sanremo, c'est que des choix ont été faits"
Christian Estrosi
Les autres pays européens n'ont pas nos résultats. De même, sur la scène internationale, toutes les chancelleries disent que la France est de retour.
C'est tout cela qui m'importe, plus que de savoir s'il est de droite, de gauche… Je sais que l'on peut se poser cette question sur moi aujourd'hui.
"J'ai été un jeune député intempestif, qui a réclamé des choses excessives, je me suis laissé emporter. Aujourd'hui, je suis dans une mesure et une nuance permanentes"
Christian Estrosi
Le pays a besoin d'apaisement et de mesure : Emmanuel Macron et moi, nous regardons l'horizon.
Beaucoup de rumeurs circulent sur les prochaines élections législatives dans les Alpes-Maritimes : allez-vous soutenir des candidats ?
Les législatives dépendront beaucoup de la présidentielle. Je ne sais pas dans quelle configuration nous serons, peut-être qu'il y aura des coalitions. Je ne veux pas parler trop vite, m'enfermer dans ce sujet à un moment où je veux rassembler.
Mais naturellement, en temps voulu, je soutiendrai des candidats.