Dans les transports en commun, certaines femmes disent vivre un climat d’insécurité quotidien, entre gestes déplacés et regards insistants. Alicia, rencontrée à la gare Saint-Lazare à Paris, confie : « Dans les transports en commun, des hommes se rapprochent de moi, essayent de me toucher. L’un d’eux m’a suivie un soir jusqu’à chez moi. Je ne sors plus seule la nuit ».
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Ce sentiment d’inquiétude, ravivé par une récente tentative de viol sur le réseau ferré d’Île-de-France, conduit de nombreuses femmes à modifier leurs habitudes ou à restreindre leurs déplacements.
Un homme a été mis en examen la semaine passée après avoir tenté de violer une passagère brésilienne dans une rame de RER du Val-de-Marne. Une autre voyageuse avait eu le réflexe de filmer la scène, provoquant la fuite de l’agresseur.
La question de la sécurité sera abordée cette semaine aux Rencontres nationales des Transports publics, où élus et opérateurs se retrouvent à Orléans.
D’après la Mission interministérielle pour la protection des femmes (Miprof), sept femmes sur dix ont déjà été victimes de comportements sexistes ou sexuels dans les transports franciliens. Plus de la moitié affirment ne pas s’y sentir en sécurité (56%), un pourcentage qui grimpe à 81% après 22 heures.
Juliette, 29 ans, juriste en banlieue, confie qu’elle « refuse des invitations pour éviter les transports le soir ». Kaïla, 20 ans, en alternance dans l’hôtellerie, se dit « inquiète » lorsqu’elle termine tard : « Je demande à mon patron de pouvoir partir plus tôt ».
L’insécurité dans les transports, un frein quotidien pour les femmes
Anaëlle, analyste financière, explique se « placer à côté d’une autre femme ou dans un coin pour surveiller ». « À la moindre menace, je descends du wagon. Je prends un taxi », dit-elle.
Selon la Miprof, 93% des femmes essaient de s’asseoir à proximité d’une femme, d’un couple ou d’une famille, et 68% déclarent adapter leur tenue vestimentaire pour se sentir plus à l’aise dans les transports.
« Quand je sors, je porte un pantalon, des baskets, une veste à capuche. Je mets ma mini-robe dans mon sac », décrit Adèle, étudiante. Lisa, 25 ans, préfère la voiture le soir, encore marquée par une agression subie à 15 ans. Elle évite désormais de suivre des cours du soir à Paris.
« Les femmes expriment plus de peur que les hommes dans l’espace public », observe Raphaël Adamczak, chercheur en psychologie sociale. Ce sentiment d’insécurité, souligne-t-il, peut limiter le choix du logement, des horaires de travail ou des activités, restreignant l’accès à la culture et à la vie sociale, et accentuant les inégalités entre les sexes.
« Le sentiment d’insécurité pousse les femmes à refuser des emplois, à payer des taxis au lieu de prendre les transports publics. Cela nuit à leur autonomie financière », ajoute Anne-Cécile Mailfert, présidente de la Fondation des Femmes.
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Les opérateurs de transports d’Île-de-France ont mis en place plusieurs dispositifs : numéro d’urgence (3117 ou 31177 par SMS), coopération avec des communes pour permettre l’intervention rapide de la police municipale, et possibilité de descendre entre deux arrêts après 22 heures pour les passagères.
Tous les nouveaux trains, métros et bus sont équipés de caméras, précise IDF Mobilités. La région souhaite aussi exploiter les 80 000 caméras du réseau grâce à l’intelligence artificielle, testée pendant les Jeux olympiques, afin de repérer les comportements suspects.
« Des marches exploratoires sont organisées avec des groupes d’usagères qui partagent leur ressenti sur les trajets : tunnel anxiogène, éclairage insuffisant », explique Christiane Dupart, de la Fédération nationale des associations d’usagers des transports (Fnaut). « Il faut intégrer les femmes dès la conception des espaces publics », insiste-t-elle.
La mise en service d’un téléphérique urbain dans le Val-de-Marne a relancé les débats sur la sécurité. La députée de Seine-Saint-Denis Nadège Abomangoli l’a qualifié de « nid à agressions sexuelles » et suggéré la création de cabines non mixtes.
« Cela envoie le signal que l’espace public est pour les hommes, sauf ces petits espaces où les femmes ont le droit d’être », déplore Raphaël Adamczak. « Ce n’est pas aux femmes de s’isoler des hommes », conclut Céline Piques, porte-parole d’Osez le Féminisme.
Avec AFP



