Confinés, comme la France entière, depuis le 17 mars dernier, ils continuent leur apprentissage du reportage télé, radio, web… depuis leur salon. Stress, remise en question, débrouille : ils témoignent.
"C'est une toute nouvelle dynamique de travail" confirme Sara Nogueira, 21 ans, en option Information Générale (Info G):
"C'est lourd, parfois compliqué, mais c'est notre seul moyen d'obtenir notre diplôme"
"Il y a d'abord eu une semaine de battement où tout le monde était un peu perdu… Ensuite, les cours ont repris presque normalement."

Pour les étudiants, le travail à la maison demande rigueur et concentration. Les partiels ayant été annulés, c'est au contrôle continu qu'ils vont être entièrement évalués.
"Difficile, parfois, de rattraper de mauvaises notes dans un semestre aussi court, et dans cette situation" relève Antoine Valdivia, en troisième année, comme les autres étudiants avec qui Rivieractu a échangé.
"Nous devions faire 80% de terrain mais vu les conditions, c'est impossible"
À l'EDJ Nice, l'essentiel de l'apprentissage du métier se fait sur le terrain, dans les conditions du réel : reportages télé avec des caméras professionnelles, enregistrements d'émissions de radio en studio… Mais tout cela, c'est fini.
Pour les cours de culture, les étudiants ont accès à des visioconférences, via l'application Zoom. Pour l'exercice du journalisme, l'organisation a changé, mais l'enseignement se poursuit autant que faire se peut.
Le matin, ils ont toujours rendez-vous avec une conf' de rédaction à distance pour proposer leurs sujets aux formateurs. Les différents travaux se font alors en décrochant son téléphone, aucune sortie n'est permise. Puis est fixée une "deadline", heure à laquelle ils doivent rendre leur sujet (vidéo, écrit, son…)
"On ne sera pas prêts"
"On peut toujours se débrouiller pour filmer à l'iPhone, appeler nos intervenants plutôt que de les voir en face… mais ces outils ne sont pas professionnels, et nos formateurs n'auront pas eu le temps de nous apprendre les derniers détails pour réussir" regrette Sarah Durand, étudiante en section journalisme sportif.
"On n'aura pas pu avoir encore quelques semaines les caméras dans les mains pour se perfectionner et arriver réellement prêts dans les rédactions…"
Système D
Une seule manière de s’en sortir : la débrouille. "Je n’ai aucun matériel à ma disposition, j’ai dû aller demander à ma voisine une vieille perche à selfie pour les vidéos." Alice Dubernet, étudiante en Info G, a appris à utiliser les objets du quotidien.
Pour illustrer une revue de presse, elle a par exemple pensé cette semaine à épingler les titres du jour… sur son étendoir à linge.

"Je tourne mes duplex depuis mon salon avec dans les mains, à la place du micro, une brosse à cheveux" raconte encore Sarah Durand.
Un système "D" qui permet aux étudiants de mener à bien leurs projets aussi bien que possible… mais le résultat n'est pas toujours celui escompté .
EN RAPPORT > TÉMOIGNAGES. Avec les chamboulements de l’épidémie, le blues des étudiants en classes prépas
"On a un gros problème de matériel. On n'a évidemment plus accès aux salles de montages, ni aux caméras. Sauf que pour les reportages vidéo, tout le monde n'a pas le dernier iPhone pour faire de belles images, ni d'ordinateur performant et compatible avec les logiciels de montage utilisés dans le métier… Cela crée des inégalités d'opportunités entre les étudiants que l'on n'aurait même pas dans une vraie rédaction!" s'inquiète un étudiant de cette promo, qui préfère ne pas être nommé.
"La pression ne part jamais"
"Rester chez soi, seul, pour bosser, c'est dur, témoigne Antoine Valdivia. Il faut se motiver, déjà, sans l'énergie du groupe. Et puis au final on passe notre temps à compter des morts, à parler de choses horribles, sans avoir qui que ce soit à qui en parler après, et sans la possibilité de prendre l'air pour se changer les idées. La pression ne part jamais. À la longue, c'est lourd comme situation."
"C'est d'autant plus difficile à vivre quand une promo n'est pas soudée, quand le réflexe de prendre des nouvelles des uns et des autres ne s'est pas imposé" poursuit un autre apprenti journaliste de la même classe.

Comment penser l'après ?
À l’issue de la troisième année, tous ont des projets. Enfin, avaient.
"J'étais sensé effectuer un stage chez l’Équipe TV, mais avec le confinement, tous sont stoppés" s’inquiète Tony Molina, en troisième année option sport.
La paralysie générale qui touche les médias chamboule évidemment l’avenir des étudiants. Comment s’améliorer sans stage, comment rester motivé sans projet d'avenir, comment évoluer dans le flou ? Une façon redoutable de se forger un mental d'acier dans un milieu réputé féroce…
La période sera particulièrement dure pour les futurs journalistes sportifs. Les médias de cette branche ont été lourdement impactés par la crise sanitaire, la baisse des budget publicitaires, l'annulation totale des compétitions,… Difficile d'espérer vendre des piges alors que les reporters installés seront sur les dents après cette période de disette.
"Alors trouver un CDD, n'en parlons pas!" croit savoir un étudiant. Diplômés au début de l'été, il ne reste plus qu’à attendre pour les "option sport", en espérant des jours meilleurs.