SOCIÉTÉ — Travailler pour Uber Eats est devenu un métier à risque(s). Entre les intempéries, la concurrence et les dangers de la route, les livreurs sont confrontés à une réalité glaçante : plusieurs d’entre eux ont perdu la vie, et les accidents ne diminuent pas pour autant.
"La sécurité fait partie de nos préoccupations au quotidien et nous sommes résolus à proposer une application qui permette de réaliser son activité de façon sereine" assure-t-on du côté de la multinationale. S’il n'existe pas aujourd’hui de statistiques officielles sur la fréquence des accidents des livreurs français, les chutes et les blessures — avec parfois plus de peur que de mal — sont le quotidien de ces travailleurs précaires.
Des livreurs très vulnérables
Arthur Hay, secrétaire général de la première section CGT de coursiers à vélo, connaît bien le fonctionnement des plateformes. Ancien employé d’Uber Eats, il se bat pour que les livreurs soient correctement traités et indemnisés.
"Lorsqu’on paye les gens à la course, cela entraîne plus de pression, il faut toujours aller plus vite, c’est donc générateur d’accidents" explique ce membre du CAVAL (Coordination d’Action Vers l’Autonomie des Livreurs) à nos confrères de l’Humanité.
Et même si depuis le 1er juin 2018, Uber propose à ses coursiers une "protection partenaire" avec l'assureur Axa — où l’assurance revendique couvrir 10.000 coursiers — les syndicats et les collectifs de livreurs dénoncent des garanties "low-cost" et des difficultés administratives contraignantes pour les coursiers à vélo blessés ou agressés.
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Des accidents mortels
Il y a un an, un livreur, tout juste âgé de 18 ans, trouvait la mort alors qu’il était arrêté à un feu rouge. Un poids lourd l’a percuté et traîné sur une cinquantaine de mètres.
"Nous regrettons que depuis le temps que nous alertons sur les dangers de notre statut et du salaire à la course, rien de sérieux n'ait été mis en place pour garantir notre sécurité sur la route", a réagi le Collectif des livreurs autonomes parisiens (CLAP).
Ce n’est malheureusement pas un cas isolé puisque plusieurs coursiers ont été percutés par des voitures, comme le 29 décembre dernier à Beauvais, où la victime n’a pas pu être réanimée par les secours.
Deliveroo aussi a eu son lot d'accidents, parfois mortels.
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Les faibles revenus des coursiers les poussent à prendre plus de risques pour gagner davantage. Et ce ne sont pas les augmentations symboliques des tarifications de Uber Eats qui pourront changer cela dans l'immédiat.
L'entreprise a fait tomber la commission qu'elle perçoit sur chaque commande de 25 % à seulement 5%. Une annonce sensée faire passer l'abaissement du prix au kilomètre de la course de 1,40 à 0,85 euro à Paris et de 1,30 à 0,80 euro en Province.
Un GPS adapté aux voitures… mais pas aux vélos
C’est l’enquête de Cash Investigation (France 2) du 23 septembre 2019 qui a permis d'apprendre que le GPS utilisé par les auto-entrepreneurs-coursiers de la plateforme n'est pas spécialement destiné à leur activité… puisqu'il est à la base prévu pour les voitures.
Les livreurs sont engagés sur des voies rapides, sur lesquelles il est interdit et parfois extrêmement dangereux de circuler.
Un bouton d’urgence a été mis en place par Uber Eats afin de mieux sécuriser les trajets en cas d’accident, mais pas sûr que les proches du coursier soient rassurés de le savoir sur une voie qu’il n’a pas le droit d’emprunter…
Et quel est le prix du danger ? Le site Les Coursiers Français indique qu’un livreur peut toucher sur un mois complet de travail 1.858,50 euros net.
La réalité montre qu'une grande partie des livreurs peine à atteindre le SMIC.