Perchée dans l’arrière-pays niçois, à quelques encablures de la frénésie du littoral, la chapelle du Rosaire, plus connue sous le nom de chapelle Matisse, se dresse comme une ode à la lumière et à l’art. Ce joyau, né de l’alliance entre la foi et la création artistique, fascine autant par son histoire singulière que par son architecture… atypique.
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C’est dans les méandres de la Seconde Guerre mondiale qu’émerge le projet de la chapelle. En 1941, Henri Matisse, affaibli par une lourde opération du cancer du côlon, fait la connaissance d’une infirmière de nuit, Monique Bourgeois, lorsqu’il vivait au Regina, à Nice.

Quelques années plus tard, en 1943, les deux se retrouvent à Vence par hasard. Monique, devenue sœur dominicaine, partage avec Matisse un problème qui freine leur vie spirituelle : les sœurs n’ont pas de lieu de culte. Matisse décide alors de créer une chapelle, mais pas n’importe laquelle.
Réputée pour l’éclat de ses vitraux
« Il a fait don de son art, intégralement, pour porter ce projet » affirme Gaëlle Test de Sagey, responsable des lieux. « Il a conçu les vitraux, les céramiques et même la moindre ligne des dessins qui ornent cet espace. »

Et le résultat est à couper le souffle. La chapelle, inaugurée le 25 juin 1951, est un chef-d’œuvre de minimalisme et d’éclat. Les vitraux monumentaux, véritables partitions de couleurs, transforment la lumière naturelle en une symphonie visuelle.
« La luminosité remplace l’absence d’orgue. Matisse disait que la lumière elle-même devait être la musique » raconte Gaëlle. Chaque heure du jour offre une palette différente, passant d’un bleu profond à un vert éclatant, jusqu’à un jaune étourdissant.
Les murs blancs, loin d’être neutres, prennent vie grâce aux carreaux de céramiques. Un choix esthétique qui a suscité quelques tensions.

« Picasso, jaloux du projet, a critiqué Matisse, lui conseillant de ne pas peindre sur des murs blancs. Ce dernier, vexé mais inspiré, a exigé des carreaux fabriqués à Vallauris, dans l’atelier même du céramiste de Picasso » précise Gaëlle.
Ces carreaux, rectangulaires, pourtant fragiles et imparfaits, font aujourd’hui partie intégrante de l’identité de la chapelle.

L’œuvre la plus controversée reste sans doute le Chemin de Croix, que Matisse a réinterprété avec une audace inédite.
« Il ne s’agit pas ici de raconter l’histoire, mais de transmettre la violence » souligne la responsable. Une vision qui, à l’époque, choque profondément. Des catholiques conservateurs s’opposent fermement à cette représentation brute et minimaliste, symbolisant davantage la douleur universelle que le récit biblique.
Ancienne maison de soins devenue musée
Après avoir été une maison de soins pour personnes convalescentes, avec des problèmes pulmonaires - « Vence bénéficie d’un micro climat avec un air très pur, qui n’a rien à avoir avec le bord de mer » - l’édifice s’est métamorphosé en musée il y a seulement huit ans.

Les visiteurs y découvrent depuis la chapelle, mais aussi des œuvres préparatoires, souvent prêtées par le Musée Matisse de Nice. « Un frère dominicain, architecte du patrimoine, a repensé chaque détail, des matériaux aux espaces, pour offrir une nouvelle vie à cet endroit préservé. »
Aujourd’hui, la Chapelle Matisse est bien plus qu’un lieu de culte. Même à des milliers de kilomètres, cette dernière continue de captiver. Une reproduction fidèle a récemment été exposée à Tokyo, séduisant le public japonais.

Pour les visiteurs, se rendre à Vence, c’est marcher dans les pas de Matisse et ressentir une connexion intime avec lui et la nature environnante. Comme le dit Gaëlle Test de Sagey, « cette chapelle n’est pas seulement un lieu d’histoire ou d’art, c’est une invitation à voir autrement, à méditer sur la lumière et la fragilité du monde. »
En savoir +
- Documentation sur le site du Musée Matisse



