L'élu niçois chargé du cinéma a brossé, au cours d'une émission de radio, le portrait d'une municipalité incapable de proposer des programmations à la hauteur en matière de 7e art, d'opéra et d'expositions.
Mise à jour : "Un mauvais procès": convoqué par Christian Estrosi, Henry-Jean Servat s'explique
C'est ce qu'on appelle "répondre sans langue de bois". Invité le 17 juin de la radio Émotion, l'écrivain Henry-Jean Servat a été interrogé sur une variété de sujets, sur lesquels il a pu donner des opinions… étonnantes.

Conseiller municipal délégué au cinéma et au droit des animaux, il appartient à une majorité communale, celle de Christian Estrosi, où on ne remet jamais en cause les décisions du maire. Ce qu'il ne s'est pourtant vraiment privé de faire au cours de l'émission.
Première cartouche pour la démolition, l'hiver dernier, de l'ancien bâtiment abritant le Théâtre national, pour y étendre la Promenade du Paillon. Le projet majeur de l'actuel mandat.
"Le projet d'Estrosi a fait des dégâts"
"J'avais fait pour Libération un papier sur l'inauguration du Théâtre de Bayard. Il y avait Jacques Weber dont on dit beaucoup de mal au conseil municipal (Christian Estrosi l'y a traité de "grande gueule", ndlr) mais qui est mon copain. Je suis dans une majorité (…) mais je trouve que ce n'est pas bien, c'est dommage" a regretté Henry-Jean Servat.
Avant de nuancer un brin : "Le maire doit avoir une idée directrice, parfois ça fait du dégât, des dommages collatéraux. Peut-être qu'il avait raison".
Les statues d'Orlinski ? "J'en ai jeté une"
Pour la saison estivale, la municipalité a décidé de louer à Orlinski une série de ses immenses animaux colorés, pour proposer un parcours artistique en ville. Pas du goût d'Henry Jean Servat : "elles sont horribles ! Ce ne sont même pas des oeuvres. C'est un mec qui a fait un dessin et qui l'a envoyé dans une usine. Je trouve ça moche, c'est de la confection industrielle".
"C'est une mode. On m'en a offert une, je l'ai jetée. Dans le Vieux-Nice, il y a des choses autrement plus formidables (à exposer). Mais bon, comme on dit, pour un crapaud, ce qui est beau, c'est sa crapaude…"
L'Opéra de Nice "dans une tendance woke"
On apprenait cette semaine, dans les documents du conseil municipal (délibération 1.8), qu'il a démissionné du conseil d'exploitation de l'Opéra Nice Côte d'Azur. Mais pourquoi ? "Je ne suis pas d'accord avec la tendance woke de ses programmes. Je ne devrais pas le dire mais j'ai démissionné du conseil de l'opéra. Moi, je m'y connais. Les oeuvres, il ne faut pas leur faire dire ce qu'elles n'expriment pas, on n'a pas besoin de les trafiquer".
Avant de tacler finement la programmation actuelle : "On a d'ailleurs fait salle comble quand j'ai fait projeter Don Juan. C'est l'une de leurs meilleures entrées"
Un jugement qui plaira au maire, qui participait lui-même à la présentation de la nouvelle saison de l'institution le 1er juin dernier.
"À Nice beaucoup de ceux qui s'occupent du cinéma n'y connaissent rien"
Pourquoi n'a-t-il pas pu avancer comme il l'aurait voulu sur le sujet du cinéma, l'une de ses délégations dans l'assemblée communale ? "Avec la cinémathèque, ça ne s'est pas passé aussi bien que je le voulais. Il faut dire qu'à Nice beaucoup de ceux qui s'occupent du cinéma n'y connaissent rien. Peut-être qu'on m'a pris au début pour un saltimbanque ou un amuseur. J'aimerais faire plus, et mieux".
Même constat au moment de la course - perdue - pour devenir la prochaine capitale européenne de la culture. "On ne m'a pas souvent demandé mon avis. Mais j'avais l'impression, pendant les réunions auxquelles j'ai pu assister, que les gens n'avaient pas vraiment conscience de la légende de Nice, notamment au sujet du cinéma".
Pas plus de sujets de réjouissances sur ses autres prérogatives : "J'ai tenté de faire des expositions. À Nice, je n'y arrive pas. À Saint-Tropez, c'est formidable. Moi je tente de faire les choses, si ça ne marche pas, je ne suis pas malheureux, je vais les faire ailleurs".
Pour conclure, Henry-Jean Servat s'est dit "reconnaissant vis-à-vis d'Estrosi. Aucun souci avec lui, je suis loyal, il me laisse les coudées franches". Et ça se voit ! Ou plutôt, ça s'entend.