FACE À VOS QUESTIONS - Santé, écologie, grands projets… Charles-Ange Ginésy, président du Conseil départemental des Alpes-Maritimes depuis 2017, a accepté, pendant une heure cette semaine de répondre aux interrogations des lecteurs de Nice-Presse.

Certains élus se sont écharpés sur la question : où en sommes-nous concrètement de la reconstruction de nos vallées après la tempête Alex ?
On ne retrouvera jamais la configuration initiale que nous connaissions tous avant la catastrophe. Il y a eu tellement de dégâts.
Mais nous avons avancé. La reconstruction des routes, notre responsabilité première, est très satisfaisante. Il n'y a aucun vrai retard de la Roya sur la Vésubie, je peux l'assurer. Nous avions des travaux de natures différentes à mener. Dans la Roya, 70 kilomètres de routes ont été dévastés, ne l'oublions pas.
Nous tenons nos délais, tout le monde peut à nouveau circuler. C'est essentiel ! Maintenant, nous allons peaufiner ce qui a été entrepris. Vous imaginez bien qu'installer des passerelles en fer par endroits, ça reste du provisoire.
Il y a eu une difficulté sur la RD91, puisque toute la paroi a été arrachée. Mais l'accès sera réouvert.
"Nous avons à coeur la notion de résilience, puisque tout ce qui a été reconstruit doit prendre en compte, évidemment, les risques de prochaines intempéries, d'accidents… Pour nous, c'est capital"
Charles-Ange Ginésy à Nice-Presse
Outre la voirie, nous avons la question des centres d'incendie et de secours, endommagés ou détruits. Tout progresse bien, notamment la reconstruction de la gendarmerie de Saint-Martin-Vésubie. Le parc Alpha, d'autre part, a pu rouvrir ses portes.
Avec le parc du Mercantour, nous avons engagé plus de 3 millions d'euros de reconstruction des sentiers détruits. Pour l'activité touristique cet été, c'était très important.
3 millions d'euros ont été débloqués par le Département pour soutenir les entreprises, les artisans et les agriculteurs. 595 sociétés ont été accompagnées. Avec 2 autres millions, nous avons pu reloger 178 familles.
Santé

On l'a vu, le Département n'a pas attendu le gouvernement pour ouvrir la 3ème dose pour tous. Quel est le maître-mot de votre action dans cette crise sanitaire qui dure ?
Un Département a le bonne taille pour être efficace dans une situation de ce type, en lien étroit avec les communes. Nous avons fait nos preuves ! Rappelez-vous de mars 2020 : grâce à nos stocks, des masques et du gel hydroalcoolique ont pu être distribués aux forces de l'ordre, aux maires, pour assurer la continuité du service public, alors même que l'État semblait manquer de tout.
Tout de suite, nous avons agi en soutien des entreprises, avec des aides concrètes.
Dès que le vaccin est arrivé, nous avons déployé huit centres pour aider les métropoles, en complémentarité. Résultat, dans les Alpes-Maritimes, nous sommes bien plus vaccinés qu'ailleurs en France.

Quelle visibilité avez-vous pour la suite ?
Difficile à dire. Pour autant, nos dispositifs sont en place. Nous avons ouvert un nouveau centre vaccinal à Saint-Jeannet. Celui de Cap 3000 marche fort aussi.
Au niveau des informations, nous ne savons pas grand-chose, et je le regrette.
Les agences régionales de santé (ARS), pour nous c'est très loin. Il faudrait qu'elles soient départementales, ce serait bien plus efficace. Pourquoi attendre les directives de Marseille alors que nous sommes pleinement mobilisés localement ?
Vous évoquiez à l'occasion des élections départementales un projet de "centre d'hypervision des risques". Où en sommes-nous ?
L'idée, c'est de regrouper les secours départementaux et les forces du national, dans un dispositif unique. D'un côté, le préfet, la gendarmerie, la police nationale, et de l'autre le coordination des unités locales, les pompiers, la FORCE 06 (Force Opérationnelle Risques Catastrophes Environnement, ndlr), pourraient agir en coordination, partager leurs informations en temps réel.
Nous avons soumis le projet au ministère de l'Intérieur, on sait que ça va prendre un peu de temps, mais le dossier progresse.
"Nous agissons pour garantir un équilibre entre tous les territoires du département"
Charles-Ange Ginésy à Nice-Presse
Vous souhaitiez lutter davantage encore contre les déserts médicaux. Comment ?
Ce combat, je le mène depuis trente ans. On le voit, il se pose partout en France.
Comment garder nos médecins dans le Moyen et le Haut-pays ? En renforçant les pôles de santé. On y travaille, avec la réhabilitation des hôpitaux ruraux, que ce soit à Tende, à Roquebillière ou à Puget-Théniers.
Nous avons également voté un coup de pouce de 5.000 euros accordés à celles et ceux qui veulent s'installer en montagne.
Développement des territoires

On parle beaucoup du dynamisme de Nice, de Cannes… mais comment faire pour accompagner celui de tout le département, aussi bien dans l'Ouest et sa ruralité, qu'à l'Est, près de la frontière italienne ?
Il y a un sujet, puisque les Alpes-Maritimes c'est une bande littorale qui va de Menton à Théoule-sur-Mer, avec 30% du territoire sur lequel on trouve 90% de la population. Ailleurs, on peut trouver des communes avec trois habitants au kilomètre carré !
Pour assurer un équilibre, nous avons les "contrats territoriaux". Nous agissons en soutien des métropoles et des villes. Quelques exemples de co-financement : le prolongement de la voie Mathis et le stade Allianz Riviera à Nice, les travaux de la Croisette à Cannes, le "pôle parfum" à Grasse…
Avec le SDIS, le service départemental d'incendie et de secours, nous assurons également un solide maillage. Avec le SICTIAM, nous apportons la fibre partout.
Vous disiez cet été chez nos confrères de Valeurs actuelles que travailler avec la Métropole Nice Côte d'Azur reste difficile. Elle serait "bunkerisée". C'est-à-dire ?
Elle a choisi de récupérer plusieurs compétences du Département, comme par exemple les routes. Ce n'est pas le cas du côté de Menton, d'Antibes ou de Grasse. À partir de là, elle agit seule, puisqu'elle n'a plus besoin, sur certains dossiers, d'avoir une relation de partenariat avec nous. Elle est dans son couloir.
Culture & tourisme

On connaît celui de Nice, celui de Cannes, mais quel est le cap du Département en matière de culture ?
On fait déjà beaucoup, et nous allons accélérer.
Notre musée de Tende réunit par exemples toutes les merveilles des vallées. Le Département est partout : avec celui des arts asiatiques, du Port Lympia… Nous avons également lancé le musée numérique, avec des oeuvres en réalité virtuelle accessibles dans le monde entier.
Malgré la crise sanitaire, notre action ne s'est pas démentie, avec le festival C'est pas classique il y a quelques jours, ou encore Les Estivales. 400 rendez-vous ont été assurés pendant l'été 2020, 480 en 2021. Nous avons fait travailler les artistes. Nous atteindront sans doute les 500 l'an prochain.

"Je sens un vent de fronde monter"
Charles-Ange Ginésy à Nice-Presse
Le projet d'extension de la Coulée verte à Nice va engendrer la démolition du Théâtre national. Des subventions ont été votées par le Conseil départemental. Pourquoi le soutenez-vous ?
Nous allons en débattre [cet interview a été réalisé le 14 décembre, avant le débat mené en séance le 17, ndlr]. La démolition du TNN, mais aussi du palais Acropolis, pose problème. Il y a un vrai débat sur le sujet, qui est né cet été et qui est monté en puissance depuis.
Le contrat passé sera maintenu, mais nous aurons des choses à dire sur l'utilisation des sommes accordées. Christian Estrosi devrait organiser de nouvelles réunions de travail pour reconsidérer ce projet.
Il n'y a aucune unanimité à ce sujet et, plus grave, je sens un vent de fronde monter, que j'entends très haut. Des artistes, des habitants viennent me voir. Tous me disent : vous ne pouvez pas rester insensible.
Le secteur culturel est opposé à la démolition du Théâtre national. Même chose pour Acropolis, où Daniel Guichard me disait il y a peu : 'mais vous seriez complètement dingues de détruire quelque chose d'aussi unique !'

Pourquoi avoir agi pour le maintien du Comité régional de tourisme (CRT) Côte d'Azur ? La Région pointe "un doublon" et du "gaspillage".
- Relire pour comprendre : Le Département va sauver le CRT Côte d'Azur, "légitime, utile et efficace"
Un doublon ? Certainement pas. Encore une fois, la bonne échelle est départementale. La Côte d'Azur a sa spécificité. Nous n'avons pas le même "produit à vendre" que la Côte varoise, ou les Bouches-du-Rhône.
Je rappelle également que la Chambre régionale des comptes (CRC) a loué nos résultats. Ils sont bien meilleurs que le comité régional marseillais.
Écologie & numérique
"Profiter du spectacle de notre nature, oui, la dégrader, hors de question"
Charles-Ange Ginésy à Nice-Presse
Comment faire évoluer ce tourisme qui nous fait vivre vers plus de responsabilité environnementale ?
Nous soutenons l'artisanat, l'agriculture, les acteurs du Moyen et du Haut-pays. Ça passe par les guides de montagne, les moniteurs de ski, par le personnel qui travaille toute l'année ici. Nous voulons nous positionner sur des produits de niche, éco-responsables.
On ne peut pas dire 'sur ce département de plus d'un million d'habitants, on va recevoir des millions de touristes et ne rien faire pour assurer une protection de notre territoire'. Profiter du spectacle de notre nature, oui, la dégrader, hors de question.
Quelles sont vos ambitions pour la transition écologique ?
L'un de nos plus gros projets concerne les énergies renouvelables. Les éoliennes, ce n'est pas adapté aux Alpes-Maritimes. Et les élus n'en veulent pas.
Nous levons déjà des fonds, plus de 5 millions d'euros, pour avancer sur ces énergies renouvelables, en partenariat avec le privé. L'hydrogène, par exemple, me semble très adapté. Cannes a beaucoup avancé sur ça. L'énergie marine nous intéresse beaucoup également.

Vous lanciez il y a trois ans un "Green Deal", un vaste plan d'actions pour le développement durable. Pour quel bilan ?
De la croissance ! Et elle a bénéficié aux acteurs du tourisme, de l'agriculture.
Dans les Alpes-Maritimes, nous tenons le niveau en matière de surfaces agricoles utiles, par exemple, contrairement à beaucoup d'autres départements. Notre action porte ses fruits.
En matière de lutte contre la pollution de l'air aussi : nous récompensons les entreprises qui progressent sur cette problématique, nous accompagnons l'aménagement de pistes cyclables - pour le vélo-loisir, mais aussi pour aller au boulot chaque jour -, d'initiatives pour le covoiturage.
Après, faisons attention à la pollution qui vient de nos voisins italiens, on ne peut pas gérer les courants d'air. Nous, nous n'avons pas d'industrie.
"J'aimerais inventer l'EHPAD 4.0. Celui qui rendrait les infirmières heureuses et soulagées"
Charles-Ange Ginésy à Nice-Presse
Vous agissez beaucoup pour l'intelligence artificielle (IA). Qu'apporte-t-elle concrètement dans notre quotidien ?
L'exemple le plus significatif, c'est dans le médical. Les grandes entreprises du numérique, comme Apple ou Facebook, centralisent nos données. Nous ne le faisons pas assez, alors que cette "data" peut donner lieu à de grandes innovations dans nos hôpitaux. Certaines données peuvent permettre d'avancer contre le cancer du poumon. Chez nous, nous avons le chance d'avoir de très grands professionnels de la médecine, que l'on peut aider avec la technologie.
Pour aller plus loin, j'aimerais inventer l'EHPAD 4.0. Celui qui rendrait les infirmières heureuses dans leur travail.
Il faudrait agir sur les tâches trop répétitives, certaines peuvent être mécanisées, d'autres pourraient être repensées pour soulager l'encadrement humain.
Dans les EHPAD, je veux aussi avancer sur le "temps de répit" : accueillir à temps partiel certains seniors, pour laisser du temps utile à leur famille. Certains proches doivent abandonner leur travail pour venir en aide à leurs aînés. Ça crée parfois des situations dramatiques. Une organisation 4.0, aidée par le numérique, permettra d'y répondre efficacement.