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NICE-PRESSE : Comment s'est passé ce premier week-end de confinement local dans votre commune ?
Lionnel Luca : Très paisiblement, tristement. Heureusement, le soleil donnait un peu de gaieté.
N-P : Dans les grandes villes comme Nice ou Marseille les élus ont beaucoup de données en leur possession, avec même des chiffres quartier par quartier. Comment ça se passe dans une commune de 15.000 habitants pour suivre l'évolution de l'épidémie ?
L. L. : On se reporte à Géodes (Santé Publique France). Nous n'avons pas d'information particulière qui montre une gravité quelconque par ici. On a des gens qui ont été atteints mais qui se soignent, on a très peu de morts, ou alors ce sont des gens qui étaient âgés. Il n'y a pas de psychose à Villeneuve-Loubet. Je suis d'ailleurs toujours étonné de voir comment le quotidien local présente les choses à Nice, on a l'impression d'une apocalypse. Notre référent, l'hôpital d'Antibes, n'est pas du tout saturé.
D'ordinaire, c'est la grippe qui fait tomber les gens comme des mouches : c'est la situation d'un hôpital dans la saison hivernale. Mais attention, nous prenons les choses au sérieux. Tout en soulignant bien que nous ne sommes pas dans une apocalypse de nature à justifier des mesures outrancières. Il y a un "syndrome niçois" assez particulier.
N-P. : Vous vous êtes vivement opposé à l'instauration de ce confinement partiel, pour quelle raison ?
L. L. : La réponse, les azuréens l'ont donnée ce week-end : ils étaient tous à la neige ! Soit on est dans une cohérence et on confine la région, à l'italienne (ce que je ne réclame pas), soit on ne fait rien. Mais à quoi ça rime de confiner uniquement les villes du littoral, qui plus est sur deux jours ? Ça a eu des effets pervers dans l'arrière-pays, avec peut-être d'ailleurs une aggravation de la situation. Avec ce qu'il s'est passé dans les appartements là-bas, on se moque du monde.
La semaine aussi est relativement à risque, on est dans le travail, les repas d'entreprise, les lycées, les écoles… Et le week-end nous serions juste bons à rester chez nous ?
N-P. : Villeneuve-Loubet est tout près de Nice, sujette à une importante flambée épidémique. Que faire ?
L. L. : Nous ne sommes pas dans la même configuration. Nice est une grande ville avec une forte concentration urbaine… À Villeneuve-Loubet, dans les rues vous avez trois-quatre mecs par-ci par-là, ça n'a rien à voir. On a 70% d'espaces naturels, des parcs départementaux…
N-P. : Vous avez critiqué, avec d'autres élus, ce confinement local obtenu de l'État par Christian Estrosi… sans rien proposer comme mesure alternative ?
L. L. : Effectivement, on ne propose rien. On estime que les gens sont assez responsables par eux-mêmes. Les gestes barrières, le port du masque à certains endroits nécessaires sont suffisants. On ne considère pas qu'il faille les fliquer, les considérer comme des gosses en permanence en leur faisant vivre des évènements coercitifs. On déresponsabilise les Français, à défaut de pédagogie. Je suis tout cela de près avec notre brigade de nuit : on a quelques débordements, mais c'est très, très marginal.
"On ne protège pas les gens : c'est un racolage, du clientélisme politique"
Lionnel Luca à "Nice-Presse"
N-P. : À lire vos derniers tweets, vous avez l'air de regretter un "manque d'écoute" dans la prise de décisions ?
L. L. : Le couple-maire préfet ne fonctionne qu'à Nice, c'est un couple pacsé, c'est sûr. Le préfet l'a encore dit hier "c'est le maire de Nice qui m'a dit que…" Ils décident ensemble. Dans ce couple là, je me demande d'ailleurs qui fait le maire, et qui fait le préfet.
La Ville, les élus niçois s'érigent en donneurs de leçons en permanence, depuis le début. "Regardez comme on est les meilleurs, les plus beaux, les plus forts. On fait tout bien" avec le sous-entendu "les autres, vous êtes des cloches". Nous ne sommes pas du tout respectés. Nice veut se confiner ? Qu'ils le fassent ! Mais sans se mêler de nos communes. Je ne me mêle pas de la métropole de Nice, moi.
C'est dans la ville où on a tout fait bien qu'on a le taux de contaminations le plus important de France, ça interpelle ça quand même ? Imaginez le déchaînement médiatique qu'il y aurait contre moi si c'était le cas à Villeneuve-Loubet !
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N-P. : Vous pointez depuis quelques mois un "recul des libertés individuelles".
L. L. : J'ai imposé le port du masque aux abords des crèches et des écoles, parce qu'il y a des concentrations. Mais pourquoi faudrait-il porter le masque au bord de la mer ? C'est ridicule. Laissons les gens sortir, le virus se transmet par les contacts humains, il ne se promène pas dans l'air. On emmerde le monde avec un système nord-coréen sous prétexte de protéger les gens. On ne les protège pas : c'est un racolage, du clientélisme politique. On prend les plus âgés en otage, je pèse mes mots, ce n'est pas de la protection sanitaire.
N-P. : Quels enseignements tirez-vous en tant qu'élu de cette année de crise ?
L. L. : On a un État d'autant plus arrogant qu'il est impuissant. J'aimerais plutôt avoir un "État partenaire", qu'on arrête de considérer les maires des petites communes avec cette désinvolture. Dans ce département déjà, nous ne sommes pas assez entendus. On ne se sent pas très fréquentables, suspects de démagogie… Je le ressens comme ça. Tout cela manque de complémentarité, d'égalité.
"Il faut arrêter d'enfumer les gens : il n'y a aucune raison de repousser les élections"
Lionnel Luca à "Nice-Presse"
N-P. : Y a-t-il eu des moments dans cette crise où vous avez eu le sentiment de manquer de leviers d'actions ? Demandez-vous, comme d'autres élus, de nouvelles prérogatives ?
L. L. : Non, je considère que je n'ai pas à me mêler de tout, contrairement à certains maires. On n'a pas les moyens de tenir. Certains patrons de métropoles ou de régions se sentent fort, à égalité avec l'État. Ce n'est pas mon cas. Je dirige une commune de 15.000 habitants, je ne suis pas en capacité de tout faire. Les questions sanitaires, on ne sait pas faire. Nous n'avons ni les moyens, ni les compétences intellectuelles. On me demande de faire un centre de vaccinations, alors que nous ne sommes normalement pas prêts pour cela, c'est quelque chose de lourd. Il faut être responsable, je ne suis ni chirurgien, ni le docteur Raoult.
N-P. : La campagne pour les élections départementales et régionales, prévues en juin, va commencer. Faut-il maintenir le scrutin, ou le repousser ?
L. L. : Il faut arrêter d'enfumer les gens. Nous allons faire ces élections parce qu'il n'y a aucun danger dans un bureau de vote, beaucoup moins qu'à BricoMarché ou à Cap 3000 le week-end.
N-P. : On peut craindre une forte abstention, qui pourrait nuire à la légitimité des futurs élus.
L. L. : Les absents ont toujours tort. Ceux qui ne votent pas se donnent des alibis commodes : si on est capable de se battre autour d'un caddie pour un paquet de pattes, on est tout à fait capable d'aller mettre un bulletin de vote dans une urne pour préserver la démocratie.
Une commune "en plein boom"
N-P. : Parlons de Villeneuve-Loubet. Vous avez été réélu à la mairie l'année dernière, comment avancent vos projets avec cette crise ?
L. L. : La politique, c'est d'abord de la psychologie. On a envoyé des signaux positifs pendant cinq ans aux entrepreneurs, aux constructeurs, tous les décideurs économiques. Les investisseurs ont bien compris l'engagement municipal en matière d'embellissement, de dynamisme, de requalifications. Nous sortons ce trou à rats qu'était l'A7 pour en faire une vraie vitrine d'une commune azuréenne digne de ce nom. Chez nous, c'est le plein boom. Il y a eu un coup pendant les deux mois du confinement, ça a été difficile pour repartir, mais depuis l'été, ça va. La confiance est là.
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LES CHIFFRES À L'HÔPITAL D'ANTIBES
"L'hôpital d'Antibes est saturé avec 140% de taux d'occupation, il envoie les malades les plus touchés vers la Métropole. Comment Jean Léonetti peut-il être opposé au confinement local?" lançait Christian Estrosi sur BFM le 23 février. Réponse de l'intéressé, sur Twitter : "rappel : l'hôpital d'Antibes dessert une population de plus de 200.000 habitants dont une partie de la métropole niçoise. La ville d'Antibes (…) ne représente que 35% des malades hospitalisés pour Covid-19".
Propos recueillis par Clément Avarguès le 2 mars 2021