On en parle beaucoup moins que de l'article 24, mais l'élargissement des compétences des polices municipales est aussi une partie très importante de la proposition de loi "Sécurité globale".
L'idée des députés porteurs du texte est d'autoriser les agents à intervenir sur toutes les infractions ne nécessitant pas d'enquête, comme le demande Christian Estrosi depuis longtemps. Ils pourraient enfin procéder à des contrôles d'identité et saisir certains objets ayant servi à commettre des infractions. Leur champ d'intervention serait élargi le temps d'une expérimentation de trois ans.
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NICE-PRESSE. La proposition de loi "Sécurité globale" prévoit notamment de confier de nouvelles prérogatives aux policiers municipaux, une évolution que vous défendez depuis plusieurs mois. Êtes-vous pleinement satisfaite par ce texte ?
Oui et non. Nous allons progresser dans le continuum de sécurité, c'est-à-dire le renforcement de nos forces de l'ordre. Pour ce qui concerne le volet sur la police municipale, cela fait des années que des rapports parlementaires recommandent d'étendre leurs compétences. Cette nécessité s'est faite plus présente encore cet été quand Nice a été confrontée à plusieurs fusillades.
Il y a urgence à renforcer nos forces de sécurité, on le sait. Dans le même temps, nous avons dans notre ville, grâce à Christian Estrosi, des policiers municipaux extrêmement efficaces. Depuis des années, nous sommes à la pointe sur le sujet, ce n'est d'ailleurs pas un hasard si les ministres nous ont plusieurs fois rendu visite ces derniers mois.
Je salue donc ce texte qui va permettre, en dehors du terrain de l'enquête, d'aider nos agents dans leurs missions quotidiennes et de traiter directement avec le procureur. Tout cela les conforte, alors qu'ils sont devenus la troisième force de sécurité du pays.
Mais dans le même temps, la loi Sécurité globale n'est qu'une première étape dans leur reconnaissance, puisqu'elle ne répond pas à beaucoup de leurs problématiques.
N-P. : Les policiers municipaux ne risquent-ils pas de perdre en proximité avec les habitants si on leur donne davantage de missions ?
En réalité, c'est l'inverse qui va se produire : on va les libérer et leur donner les moyens d'être mobilisés plus efficacement.
Aujourd'hui ils sont empêchés par diverses règlementations : sur certaines interventions, ils ne peuvent pas agir tant qu'un policier national n'est pas arrivé. L'évolution que permet ce texte va leur libérer du temps pour être au contact de la population et beaucoup moins dans les bureaux.
Leur priorité, ce sont les délits de proximité : l'incivisme, la petite délinquance. Ils ne vont en aucun se substituer à la PN, leurs missions sont bien différentes, même si elles sont évidemment complémentaires.
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N-P. : Toutes les communes n'ont pas les mêmes moyens pour recruter des agents et les équiper correctement. Ne risque-t-on pas de creuser des inégalités entre les territoires ?
Bien sûr qu'il y aura des inégalités, et il y en a déjà. Mais je ne crois pas qu'il s'agisse uniquement d'une question de moyens. À Paris par exemple, pour des raisons strictement politiques, Anne Hidalgo (PS) a retardé le développement de sa police municipale et elle ne veut pas lui donner des armes pour se protéger.
À Marseille aussi, ils ont longtemps été à la traîne. Ce sont pourtant des villes qui ont de gros moyens.
Si Nice est devenue un modèle d'efficacité en la matière, c'est que nous avons fait très tôt de la sécurité l'une de nos priorités.
N-P. : Pourquoi ne pas plutôt accorder plus de budget à la police nationale pour que les municipaux puissent se concentrer sur leurs missions premières ?
Le budget de la police nationale doit être renforcé, pour arrêter de tailler dans les effectifs et pour lui donner de vrais moyens pour travailler. Les municipaux, eux, vont pouvoir se concentrer sur leurs affectations de départ avec ce texte. Leurs moyens dépendront de l'action des différents élus locaux.
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N-P. : Faudra-t-il agir sur leur rémunération ? Ils sont bien moins payés que les nationaux.
Nous devons effectivement revaloriser leurs salaires, qui sont très inférieurs, pour des raisons d'échelons, à ceux des agents de la police nationale.
Le système des primes ne permet pas non plus de leur assurer une bonne retraite. De grands progrès restent à accomplir sur le volet social. Nous n'avons pas été entendus sur ça, mais nous restons très vigilants et nous proposerons des amendements sur de prochaines lois en rapport avec la sécurité pour résoudre le problème.
N-P. : Estimez-vous que, dans le contexte actuel, tous les policiers municipaux devraient être armés, comme à Nice ? Ne pas le faire "est irresponsable, voire coupable" estime par exemple Rachida Dati.
Il faut vraiment prendre conscience des réalités du monde dans lequel on vit. Les crimes ont malheureusement gagné en violence, et le simple fait de porter un uniforme aujourd'hui fait de vous une cible.
Je ne comprends vraiment pas les maires qui choisissent de ne pas donner d'armes à feu à leurs agents. En tant qu'employeurs, ils n'ont pas la responsabilité suffisante pour assurer la sécurité des policiers. C'est un non-sens.

N-P. : La Cour des comptes souligne certaines lacunes dans la formation et le contrôle des municipaux.
À Nice, nous sommes un peu moins concernés puisque des outils très efficaces sont déjà en place mais il y a un problème de formation des agents. Il n'y a pas d'école pour les policiers municipaux. La situation diffère donc grandement d'une commune à une autre.
N-P. : On a vu pendant l'attentat de Notre-Dame que la PM a réagi très vite, elle était la première sur les lieux. Faut-il davantage former les agents aux interventions liées au fait terroriste ?
C'est évident. Le terrorisme, nous l'avons tous compris, peut frapper partout et à tout moment. Nous devons continuer à nous adapter, dans les techniques d'intervention mais aussi dans la protection des effectifs.
Un exemple très concret : le cadre juridique de l’usage des armes de la PM doit évoluer car aujourd’hui les agents municipaux ne peuvent utiliser leur arme qu’en cas de légitime défense. Alors que les nationaux bénéficient de l’article L435-1 CSI qui leur donne un cadre plus large.
Il faudrait tout simplement étendre cet article aux municipaux pour mieux les protéger.
Il faut aussi que l'utilisation des outils que nous avons déjà en notre possession soit autorisée. Je pense par exemple à la reconnaissance faciale, un domaine dans lequel Nice est encore une fois avant-gardiste.
Il faut que nous puissions l'utiliser rapidement. Impossible d'en avoir la certitude, mais peut-être que cette technologie aurait permis d'arrêter ou du moins de contrôler et fouiller le terroriste de Notre-Dame avant qu'il ne commette l'attentat, puisqu'il était présent sur le territoire de manière illégale.
Propos recueillis par Clément Avarguès le 11/12/20