❝ L'entretien -- Avec le déconfinement progressif et l'arrivée de l'été, les jours heureux sont enfin de retour à Nice. Déménagement du Théâtre national, nouveaux évènements programmés dans notre cité, candidature européenne… Patrick Mottard, chargé du spectacle vivant et du développement des nouveaux publics culturels au conseil municipal, est l'invité de Nice-Presse.
Propos recueillis par Lili Claudet et Clément Avarguès
NICE-PRESSE : Comment se déroule le déménagement du Théâtre national (TNN)? Que répondez-vous à ceux qui craignent que Nice perde des places dans les salles ?
Patrick Mottard : "Vous aurez compris que ce n'est pas le cas. Il n'y aura qu'un petit déficit de trente places, et les équipements seront modernisés. Ça a été la vallée des pleurs cette histoire, avec un peu de mauvaise foi.
L'espace aménagé aux Franciscains, qui va être formidable d'innovation, ne va remplacer que la petite salle du TNN. La grande sera au Palais des Expos.
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Il va y avoir quatre ou cinq années de transition. On a travaillé sur différentes salles de substitution (Francis-Gag, Lino Ventura, l'Opéra, Iconic…). J'ai le sentiment que Murielle Mayette-Holtz (comédienne et directrice du TNN, NDLR) ne va d'ailleurs pas les lâcher une fois les chantiers terminés, même si cela reste à organiser. De cette période instable, compliquée, vont sortir des choses nouvelles. C'est une femme exceptionnelle, qui s'adapte à tout. Nous avons beaucoup de chance de l'avoir parmi nous."
Votre délégation, comprend le Spectacle vivant… quel sens a-t-elle pris pendant la crise ?
"Contrairement à ce qu'on pense, le secteur a beaucoup travaillé pendant cette période : sous la forme de préparations de spectacles, de répétitions, de captations… Je n'ai pas connu une année théâtrale normale, mais presque.
Il y a pu avoir le privilège, puis la frustration, de se retrouver dans de belles salles où j'étais seul, ou avec maximum d'une dizaine de personnes (élus, directeurs…). Cette réouverture progressive est donc un soulagement pour tout le monde ! Je suis un élu singulier, puisque je n'ai connu pratiquement que la crise jusqu'à présent. Et la situation reste très particulière.
De manière complètement unanime, y compris du côté des fortes personnalités qui assument leurs mécontentements quand il y en a, tous les professionnels saluent l'action et le soutien de la municipalité depuis le début.
Il y a eu des aides multiples : le financement des captations, l'effacement de certains loyers de salles, ou encore Mon été à Nice qui correspond à des milliers d'heures pour les intermittents du spectacle.
Nous avons aussi anticipé les subventions de 2021 pour accompagner tous ceux qui étaient confrontés à de gros problèmes de trésorerie.
Ce n'est pas fini ! Je suis très heureux de porter ce dispositif : la mairie va acheter des places de théâtre, pour indemniser (environ à moitié) les salles. Mais ce n'est pas qu'une sorte de subvention. Elles vont être proposées à de nouveaux publics."
Ces derniers représentent le deuxième volet de votre délégation. Comment les capter ?
"À l'université, il y a un réservoir incroyable d'étudiants qui n'ont pas de pratiques culturelles. Il ne suffit pas de dire 'il y a des tickets offerts, venez'. Il n'y a rien de plus difficile que de caser des places gratuites.
Il faut créer les conditions pour susciter un réel intérêt, raison pour laquelle il va y avoir des ambassadeurs dans les amphis pour donner envie. Ils vont expliquer en quoi, en gros, être cultivé peut changer nos vies, par le théâtre, la musique, la danse…
Mon leitmotiv, ça a toujours été les publics. Les politiques culturelles françaises sont superbes et admirées, mais elles négligent souvent cette question. On offre beaucoup de choses, mais souvent aux mêmes. Nous mettons les mains dans le cambouis pour changer cela."
Comment explique-t-on que les jeunes se tournent si peu, d'après vous, vers ces pratiques culturelles ?
"C'est le prof qui parle, j'ai enseigné le droit en fac de lettres pendant des années, je peux vous dire que le pourcentage d'étudiants qui avaient une pratique 'correcte' n'était vraiment pas plus élevé qu'en population générale. Ce n'est pas normal. C'est une population que l'on peut facilement habituer à prendre le chemin des salles de spectacle.
Ce n'est pas une question de pouvoir d'achat, mais plutôt l'air du temps, et le fait qu'on ait souvent préféré l'offre au détriment de la demande réelle.
Nous allons aussi travailler pour les seniors, une partie d'entre eux, et c'est émouvant, n'a jamais eu de vie culturelle. On progresse également dans les quartiers.
Le maire avait promis que nous récompenserons les gens qui ont été en première ligne pendant la pandémie, ce n'est pas évident à mettre en place mais nous le ferons."
Certaines choses lancées pendant l'année écoulée ont-elles vocation à être pérennisées ?
"Bien sûr. Les contraintes sanitaires ont par exemple obligé les troupes à réfléchir à des spectacles hors les murs. On a beaucoup plus de lectures théâtralisées, de performances… L'un ne remplacera pas l'autre, mais tout cela va rester.
C'est comme Mon été à Nice : on l'a fait pour répondre à la crise, et on l'aurait organisé cette année encore dans tous les cas. Le maire voulait faire Mon hiver à Nice, Mon automne à Nice (rires)."
Dans quelle configuration allons-nous retrouver la Fête des théâtres ?
"C'est une institution maintenant, qui a été bien installée par mes prédécesseurs, Jean-Luc Gagliolo et l'équipe du théâtre Francis-Gag notamment. Je leur rend hommage, ils sont partis de rien et ils ont réussi à bâtir quelque chose qui fédère les salles.
Cette année, nous parlerons ainsi de théâtre pendant trois semaines, pour susciter du désir, du 8 au 24 octobre. L'idée est de créer des évènements qui éveillent la curiosité du public. Il y aura cette année plus de salles, et plus de spectacles.
La pandémie nous a empêché de faire évoluer le concept comme on l'aurait souhaité, mais il y aura des nouveautés, avec notamment un parrain ou une marraine, quelqu'un de prestigieux."
À quoi peut-on s'attendre au niveau du spectacle vivant dans Mon été à Nice 2 ?
"À tout, puisqu'on a de la musique, qui ira de la variété, des reprises, des auteurs-compositeurs, tous les genres. Il y aura aussi du théâtre, avec des pièces classiques jouées en extérieur, des spectacles déambulatoires, du cirque…
Il y aura sans doute plus de rigueur et d'organisation que l'an dernier, l'expérience aidant, puisque nous avons eu davantage de temps pour organiser tout cela."
Comment allez-vous prendre part à la course dans laquelle Nice est lancée pour devenir capitale européenne de la culture ?
"C'est une grande cause, qui n'est pas uniquement artistique.
Nous devons démontrer notre capacité à mettre la population en adéquation avec un projet culturel. Ce dernier doit engager un réel dialogue, qui change la vision que nous avons de la cité et du monde. C'est donc l'affaire de toute la municipalité, à tous les niveaux. Je serai très mobilisé sur la question, en tant qu'européen plus que convaincu.
Après des décennies d'opposition, j'arrive dans une équipe motivée et pleine de perspectives, dans un mandat que le maire a résolument orienté vers la culture.
Avec beaucoup de sérieux, on aura l'occasion de s'amuser."
-- Interview réalisée le 10 juin 2021