Ce dimanche 15 octobre, Anthony Borré, premier adjoint de Christian Estrosi et vice-président de la métropole Nice-Côte d'Azur, est notre invité spécial. Première partie de cet entretien, consacrée à la sécurité.
Dans un deuxième volet, Anthony Borré s'exprimera sur l'avenue Jean-Médecin et la rénovation du centre-ville, notamment autour de Notre-Dame. Dans un troisième, enfin, il sera question d'Airbnb et des questions de logement.
Nice-Presse : avez-vous mis en place un dispositif spécial pour protéger la communauté juive à Nice, dans le contexte préoccupant que nous connaissons depuis l'attentat ayant ciblé Israël ?
Anthony Borré : Nous avons eu plusieurs échanges avec le préfet cette semaine, et décidé d'une batterie de mesures. Le niveau de sécurité a été renforcé dans notre ville (cet interview s'est tenu une heure avant l'attentat d'Arras et le passage au niveau supérieur de Vigipirate, ndA). La police municipale est déjà mobilisée toute l'année autour de nombreux points d'intérêt, notamment les écoles, mais évidemment, je ne peux entrer dans le détail de notre dispositif.
C'est à l'échelle nationale que nous observons une progression des actes antisémites. À Nice, nous les combattons depuis longtemps. La Mairie a tout fait, avec force, par exemple, pour interdire la venue de Dieudonné.

Ce que je constate, c'est aussi cet antisionisme, autour de cet antisémitisme. Je vous donne un exemple. Je lis dans Nice-Presse que le "Collectif citoyen 06", régulièrement invité dans tous les médias, où ces militants sont présentés comme des experts de l'écologie, dénonce le fait que le drapeau israélien soit hissé sur la façade de l'Hôtel de Ville. Je me permets de dire que ces propos sont scandaleux.
Ils accusent plus largement Christian Estrosi de manquer de nuance, et "d'attiser la discorde et la haine".
C'est extrêmement grave. Les masques tombent. Derrière ces soit-disant écologistes, nous avons des personnes engagées politiquement, qui sont dans une démarche d'attaque contre Israël, de défense de la barbarie. C'est inacceptable.
Dans notre ville, les chiffres de la délinquance en 2022 sont nuancés. Quelques baisses, mais une hausse des vols sous la menace d'une arme et des coups et blessures volontaires. On s'attend à du mieux pour 2023 ?
Nice est la 5e ville de France, et elle passe, l'été, de 350 000 à 800 000 habitants. Pour autant, elle ne figure pas dans le classement des dix communes les moins sûres de France. Je suis convaincu que nous aurons des résultats qui vont dans le bon sens, grâce à une action intense, et à la coopération entre la police municipale, nationale et la justice.
De janvier à octobre, les policiers municipaux ont mené 5 062 interpellations, dont 921 liées aux stupéfiants. La justice a réquisitionné les images des caméras à 1 462 reprises, pour résoudre des affaires. 2 700 PV ont été dressés pour des incivilités.

On parle parfois des Moulins, des Liserons, de l'Ariane. Mais même dans le centre historique, on entend un sentiment d'insécurité. Vous le comprenez ?
Je l'entends évidemment, mais je ne le partage pas du tout. On a eu un sujet sur la place Garibaldi, par exemple, et les commerçants eux-mêmes me disent que ça va mieux.
Je ne dis pas que la situation est rose, mais si on regarde les choses de manière sereine, est-ce qu'il y a eu, ces trois derniers mois, des agressions sur Masséna, Garibaldi, Saint-Roch ? Quelques unes, mais pas plus de trois ou quatre.
Sur le centre historique, ce que je constate, et ce qui me préoccupe beaucoup, c'est une forme d'occupation du domaine public par des personnes sans domicile, qui sont, pour la plupart, étrangères. La police municipale n'a pas les moyens nécessaires pour lutter contre ce phénomène (puisqu'elle ne peut pas forcer les SDF à rejoindre des structures sociales, ndA).
Le député Éric Ciotti (LR) estime que les dérives de l'islam radical se sont aggravées chez nous depuis 2016. Partagez-vous ce constat ?
Je n'aime pas les propos simplistes. Quand on est, comme lui, le président d'un parti politique, on doit d'abord parler de l'état du monde et du pays avant de régler de petits comptes locaux.
Est-ce que, en France, il y a un sujet sur les atteintes à la laïcité ? Est-ce que dans notre pays, il y en a un sur la montée de l'islamisme radical ? La réponse est doublement oui. C'est un sujet national.
Oui mais c'est chez nous, avant l'été, qu'il y a eu plusieurs incidents graves dans des écoles, et chez nous aussi, des années auparavant, qu'il y a eu tant de départs pour le djihad…
Je ne suis pas tout à fait certain que ce soit très différent dans d'autres grandes villes de France. Des prières dans des cours de récréation, il y en a eu ailleurs. Sur ces sujets, il est inutile de pointer du doigt tel ou tel territoire. Il faut au contraire mettre en place des actions très concrètes, pour lutter contre tout cela. À Nice, nous formons nos personnels à mieux détecter ces dérives, en lien avec le Rectorat. Ici, nous dénonçons les choses : nous ne passons pas sous silence ce qu'il faut combattre.

Ces deux dernières années, combien de délinquants ont été expulsés des logements sociaux ?
Le bailleur Côte d'Azur Habitat, que je préside, a en effet mis en place des procédures d'expulsions, depuis 2021. 150 ont pu aboutir jusqu'à présent, c'est très concret. Elles ont une vertu d'exemplarité : quand une famille perd son logement, dans un quartier, on le sait. Ça dissuade.
Nous travaillerons bientôt, en interne, à d'éventuelles adaptations, pour rendre cela encore plus efficace.
Il y a des difficultés ?
C'est à la justice de trancher après que nous ayons transmis les dossiers : le temps de traitement est extrêmement long. On met actuellement un an et demi à expulser ! Il y a 18 cas pour lesquels nous attendons encore le concours de la police nationale pour le faire. Nous règlerons ça avant la trêve hivernale.
Des vigiles privés pour protéger les abords des HLM étaient promis pour juillet, puis pour décembre. Quand arriveront-ils ?
Nous serons, je l'espère, dans le délai du début d'année 2024. Nous avons déjà deux agents qui ont été recrutés, pour former la direction du groupement d'intérêt économique que nous allons créer. Ils sont en train d'identifier les personnels nécessaires.
Cela concernera combien de bailleurs à Nice ?
Je vous l'annonce, quatre. Côte d'Azur Habitat, CDC Habitat, Logirem, et Erilia. Il ne manque qu'Habitat 06, le bailleur du conseil départemental, qui a refusé d'y prendre part. Je le regrette, parce qu'il est présent dans le quartier des Moulins, et qu'il gère une résidence, Les Quatre Vents, qui concentre bien des difficultés.
Le nombre d'attaques au couteau vous inquiète ?
Quand vous êtes adjoint à la sécurité, vous vous inquiétez de tous les sujets. Sur celui-ci, j'aimerais souligner que certains chiffres sont inexacts. Éric Ciotti propage de fausses informations. Il relaie les données des pompiers, qui incluent les accidents domestiques comprenant des couteaux. Ce ne sont pas du tout des agressions dans la rue !
Je vous donne une étude que j'ai pu demander à la police nationale. Depuis le début de l'année à Nice, on compte 22 attaques au couteau. 6 ont eu lieu sur la voie publique. Et pas toujours, en plus, "gratuites", dans le sens où on a des différends personnels qui se règlent dans la rue. Ce n'est pas un passant qui serait ciblé, comme ça.

Les Alpes-Maritimes ont un nouveau préfet, Hugues Moutouh, depuis quelques jours. Vous lui demandez davantage de policiers nationaux ?
Il y a eu plusieurs années de baisses des effectifs, les choses s'inversent depuis 2020. Ce que je réclame, c'est l'arrivée de ceux qui ont été promis. Ce sera le cas quand ils auront été formés. La question des effectifs n'est pas la seule qui m'importe. Il y a un sujet sur les moyens dont disposent nos policiers, sur les places en prison, et dans les centres de rétention administrative destinés aux sans-papiers. Que l'on applique aussi toutes les OQTF (obligations de quitter le territoire français, ndA). Pour l'instant, ce n'est toujours pas le cas.
Vous annonciez dans Nice-Presse l'an passé l'ouverture d'un hôtel de police mutualisé (police nationale + municipale) à Saint-Augustin. Où en sommes-nous ?
Nous y travaillons. Il suit le même calendrier que l'Hôtel des Polices installé dans l'ancien hôpital Saint-Roch. Une ouverture d'ici fin 2025, donc. Je souligne que le coopération des forces de l'ordre fonctionne déjà très bien : cette semaine, nous avons mené ensemble une opération contre les consommateurs de drogues, avec de bons résultats à la clé.

L'expérimentation de la vidéo-verbalisation sur les pistes cyclables s'achevait au premier semestre dans les 9 zones concernées. Ce système va-t-il être étendu à toute la ville ?
Les résultats sont très, très encourageants. Sur les axes Durante/Congrès et Buffa/Dante, plus de 1 000 détections ont été relevées chaque mois, tous véhicules confondus, incluant les scooters. 2 721 contrevenants pour stationnement ont été verbalisés. Nous souhaitons, forts de ces résultats, généraliser le dispositif.
L'étude d'impact est terminée, et nous l'avons transmise à la CNIL, la commission nationale de l'informatique et des libertés, pour qu'elle puisse nous autoriser à étendre à toute la ville cette vidéo-verbalisation. Dès que nous aurons un feu vert, cela sera possible. Nous sommes équipés pour.