Le "monde d'après" sera encore plus bleu. En tout cas à Nice : en ce mois de septembre, le maire et président de la Métropole dévoile un plan d’action pour la mer, passant par la requalification du Port, la protection de la biodiversité et le renforcement des activités économiques vertueuses.
Grands travaux, soutien d'envergure pour les pêcheurs niçois, initiatives contre la pollution atmosphérique et plastique… Christian Estrosi compte bien faire bouger les lignes. Avec une promesse : "Demain, nous serons un territoire écologiquement exemplaire."
NICE-PRESSE : Que retenez-vous de ces deux jours d’Assises de l’économie de la mer ?
Christian Estrosi : « Nous les avons voulues à Nice. C’est un symbole, puisque la réalité, c’est que les choses sont parfois bien plus complexes en Méditerranée qu’ailleurs.

Un contexte particulier a porté ces Assises. Pensons à cet été : plus de 50 degrés au Canada, New-York sous les eaux, une tempête Alex puissance 100 en Allemagne et en Belgique, des incendies partout autour du bassin méditerranéen, le rapport du GIEC qui est très inquiétant… Tout cela nous incite collectivement à aller bien plus loin que ce que nous avions pu prévoir.
Comme je le dis souvent, « tout ce qui n’est pas fait tout de suite n’est jamais fait. »

Raison pour laquelle vous avez dévoilé votre plan pour l’économie bleue dès le 10 septembre…
« Deux rendez-vous se suivent. Ces Assises maritimes, puis le Forum Transition. Il y a donc eu les annonces sur la transition maritime, et nous avancerons plus globalement avec la transition écologique sur le volet terrestre, d’ici quelques jours. »
L’une des mesures annoncées est très critiquée par l’opposition ces jours-ci : cette idée de taxe « pollueurs-payeurs » de 60 euros sur les voitures embarquant dans les ferries Nice-Corse.
« Les ferries, c’est une double pollution, qui vient de la terre et de la mer. Chaque escale, c’est une tonne de CO2 pour le bateau lui-même, et une autre tonne pour les voitures qui débarquent et qui embarquent.
Cette taxe, c’est un élément de notre politique globale. Nous nous inscrivons dans un schéma d’économie durable et de transition écologique. Des experts identifient les sources de pollution auxquelles il convient de s’attaquer. À nous ensuite de proposer des réponses.
En attendant, doit-on faire financer cette transition par le contribuable, ou plutôt par les usagers des ferries ? »

Beaucoup d’usagers sont des Niçois, 40% d’après Nice-Matin…
« Ce chiffre est erroné, 40% ce sont les habitants de toutes les Alpes-Maritimes. Et quand bien même ! Si je dois prendre une part d’impopularité, j’assumerais. Quand, il y a 11 ans, j’ai décidé de démolir la gare routière pour faire la Coulée verte, on aurait pu me dire que les usagers étaient pourtant Niçois. Oui, et qui aujourd’hui voudrait qu’on la reconstruise ? »
Corsica Ferries se pose la question de son départ de Nice si cette taxe était bien instaurée. C’est une crainte pour vous ?
« Que ce soit Corsica Ferries ou d’autres, on ne va pas mettre un terme aux liaisons avec la Corse. Regardez, avec Monaco, nous allons ouvrir une ligne zéro carbone. Je crois aux navires du futur, à l’électrique, à l’hydrogène. La mobilité de demain doit se penser autrement. »
C’est aussi l’évolution du Port qui est en question avec ce type de débat…
« Bien sûr ! Depuis trente ou quarante ans, on embarque des voitures sur les ferries et on les emmène en Corse. Est-ce que la relation entre le littoral et la Corse doit conserver ce modèle d’il y a cinquante ans ? Le Port de Nice a‑t-il vocation à rester replié sur ça ?
J’entends ceux qui me parlent de 10,5 millions de pertes avec cette décision. Je leur dis que nous multiplions ce qui est généré par le Port de Nice par quatre ou cinq en nous tournant vers une autre économie.
Je lance une étude pour savoir si son avenir, c’est plus l’activité marchande, ou davantage le yachting-plaisance-pêche. On verra bien ce qu’elle donnera. »
On sait que chaque aire marine protégée a ses propres règles, vous souhaitez en créer une entre l’aéroport et le Cap de Nice : à quoi faut-il s’attendre ?
« Nous avons un sanctuaire comprenant des baleines, des cachalots, une trentaine d’espèces de dauphins différentes, des tortues… Il y aura plusieurs zones. Le Comité scientifique local va déterminer dans cette aire où la plaisance peut trouver une place vertueuse, sans aucune dégradation du biotope (lieu de vie, NDLR), et comment nous pouvons développer une pêche artisanale et durable, qui va renforcer notre indépendance et notre autonomie alimentaire »

Des pêcheurs nous expliquaient cette semaine (dans ce reportage) que « ce plan a l’air très bien, d’autant plus que nous étions abandonnés depuis des années ». Comprenez-vous ce sentiment ?
« Cela fait soixante ans qu’ils le sont, plus aucun maire ne s’occupaient d’eux.
J’ai décidé de me saisir de ce sujet puisque je vois aussi à quel point le pêche peut fournir aux restaurateurs des produits d’excellence, peut créer une animation grâce à un vrai marché de la pêche et contribuer à l’économie de la cité.
Nous allons donc remettre en place toute une chaîne, de la formation à l’espace de vente, en passant par les équipements fournis aux travailleurs de la mer. »
Qu’avez-vous prévu au niveau de la formation ?
« La Métropole possède son Centre de formation et d’apprentissage à Carros, dont nous allons aménager une antenne dans le bassin de la Tour rouge, avec des professeurs agrées.
Les pêcheurs auront une accréditation, et une rémunération supplémentaire pour assurer un temps d’alternance aux étudiants.
Nous allons voir avec la Région comment également proposer une formation professionnelle qualifiante aux pêcheurs. Je pense au lycée que nous allons aménager en lieu et place de celui de Guillaume-Apollinaire à l’Est de Nice, je vous l’annonce. »
L’électrification des quais au Port Lympia sera prête dans combien de temps ?
« Ce sera fait d’ici 2024, elle est déjà en cours. »
Le constat effectué dans le plan de requalification du Port est aussi que la voiture y a pris une place bien trop importante, et qu’il faut, en partie, qu’elle en sorte ?
« Absolument. Le parking Fodéré (également parc-relais) compensera les places supprimées de celui du Phare, qui sera remplacé par une grande terrasse arborée. Le quai Lunel sera complètement piétonnisé, les véhicules devront passer par le boulevard Stalingrad, à double-sens.
De nouvelles enseignes de qualité vont pouvoir s’installer pour exploiter ces terrasses et ainsi fortement contribuer à l’attractivité du secteur. »
Des visuels prévisionnels ont été diffusés, mais ils sont amenés à évoluer puisque vous insistez sur le principe de concertation…
« Évidemment : des bureaux d’études vont être mis en concurrence, avant qu’un projet soit présenté pour une concertation publique. Les riverains vont choisir ce qui sera le plus compatible avec la vision qu’ils ont de leur quartier. »
Parlons de la création de cette Maison de la Méditerranée : quels sont ses objectifs ?
« Les grands axes du tourisme à Nice, ce sont désormais la culture, l’environnement et les grands séminaires. Ce lieu y contribuera.
Il permettra également d’héberger une partie du Conservatoire du littoral, il mettra en valeur notre biodiversité, il sera un lieu de formation et d’éducation, la prud’homie des pêcheurs y aura une place… Ce bâtiment nous en disposons, à côté de Terra Amata : il sera restauré. »
Vous souhaitez emmener notre base nautique « vers l’excellence » : comment faire ?
« Elle mérite de monter en gamme, sur les dériveurs, la voile, le kayak, la plongée, etc. Nous lui adjoindrons une piscine de cinquante mètres, et une fosse pour passer des brevets de plongée.
On dit souvent que nous serions des montagnards : cette base permet aux écoliers de devenir de petits marins. »
Contre la pollution de la mer, vous comptez « totalement éradiquer le plastique à usage unique dans toute la Métropole ». De quelle façon ?
« En trois phases, d’ici 2024. Dès janvier 2022, le plastique à usage unique sera interdit dans les bâtiments administratifs, les marchés publics et les conventions d’occupation du domaine public. En janvier 2023, interdiction dans la grande distribution et les commerces. Et enfin, janvier 2024, interdiction dans l’ensemble des activités commerciales de la Métropole.
On avance sur cette question. Prenez l’IronMan de dimanche : nous étions déjà sur du zéro plastique !»