Jeudi, alors que les opposants à la démolition se réunissent, le TNN est entouré de barrières de chantier. Un symbole. Pendant que le débat commence à Garibaldi, le maire plombe l'initiative dans les médias.
Vingt-deux heures passées devant la façade du Théâtre national d'Yves Bayard, mercredi 19 janvier. Sous les lumières orangées des gyrophares, les ouvriers s'activent pour installer de grandes barrières métalliques devant la façade du TNN. Le permis de démolir est encore chaud. Volonté du maire.
"C'est une provocation écoeurante". Quelques heures plus tard, au cinéma Belmondo de la place Garibaldi, les opposants au projet déploient, devant un parterre très clairsemé de têtes blanches, toute leur indignation.
Ce jeudi, le Club de la Presse 06 propose un débat réunissant tous les détracteurs de la fameuse idée municipale : raser le théâtre et le palais des congrès pour y étendre la Coulée verte en coeur de ville. Une décision validée par les élus en décembre dernier.
Christian Estrosi ne s'est pas déplacé, estimant que sa réélection en 2020 le dispense d'argumenter davantage. Pourtant, avec ce permis de démolir, il est tout de même un peu là.
Quelques minutes avant le débat, le courrier de l'architecte des bâtiments de France, à travers lequel il donne son accord pour la destruction, a opportunément fuité dans "Nice-Matin". Alors que les échanges débutent, le maire a choisi, avec un sens de la communication hautement artistique, d'aller visiter, photographe sous le bras, les travaux de l'une des salles qui va remplacer le TNN dans ses murs actuels. Nouvelle gifle.
Au Belmondo, les contradicteurs défilent, près de la chaise vide laissée par l'édile.
Martine Bayard, fille du défunt architecte et vivant à Paris, déchire d'un air dramatique des feuilles : "Christian Estrosi veut-il être celui qui détruit la culture, ou celui qui la fait briller?". Pas reçue, elle regrette "du mépris".
"La démolition du Théâtre national ne va pas permettre de planter de nouveaux arbres, puisqu'il est construit sur la couverture du Paillon. Ça ne va pas du tout rafraîchir le quartier" analyse l'ingénieur lyonnais Michel Cova.
"Le cynisme de cette mairie qui utilise à tort des arguments écologistes me dégoûte". Avant d'achever : "c'est ce chantier qui va engendrer une monstrueuse empreinte carbone".
Au tour de l'ancien élu socialiste Patrick Allemand, qui lançait l'an passé une première pétition. Lui balaie une stratégie culturelle "suicidaire", le "gaspillage de millions d'euros d'argent public".
"Les médias doivent le dire : ce n'est pas fini, tout est encore possible!"
Patrick Allemand, ex-Vice-président de la Région
La conseillère municipale verte Hélène Granouillac, après avoir présenté un contre-projet chiffré, dénonce, elle, "la gentrification du quartier, qui va chasser les classes populaires et moyennes". Et l'auto-censure du milieu culturel, "perfusé par les subventions, soumis à la peur".
"Quand nous avons accordé 9 millions d'euros de soutien, nous ne savions pas qu'il faudrait passer par ces démolitions" tente le vice-président du CD06 Auguste Vérola. Une mauvaise foi évidente, sauf à penser que le Conseil départemental attribuerait des subventions avec autant de sérieux que le feraient les Sous doués passent le bac.
Alors que l'élu RN Philippe Vardon appelle à la tenue d'un "référendum local", des spectateurs quittent déjà la salle. "C'est foutu cette histoire" lâche une femme à son mari en prenant la poudre d'escampette. Dans un brouhaha complet, Martine Bayard propose d'organiser des manifestations "tous les jours".
Son avocat promet de "déposer des recours aussi rapidement que possible". Vardon, lui, pourrait "faire face aux bulldozers avec son écharpe d'élu".