Vice-présidente du Conseil régional en charge de l’Art de vivre, du patrimoine et des traditions, Virginie Pin supervise un territoire d’une richesse exceptionnelle : plus de 2200 édifices protégés, huit sites classés au patrimoine mondial de l’Unesco et 120 écrins labellisés « Musées de France ». Dans Nice-Presse Dimanche, l’élue dresse les grandes priorités de la Région Sud, notamment dans les Alpes-Maritimes.
La Fondation du patrimoine alerte : 67.000 édifices seraient aujourd’hui dans un état critique en France. Partagez-vous ce constat chez nous ?
Oui, et c’est un signal d’alarme. Dans notre région, le patrimoine est immense et fragile : 2.200 édifices protégés, 8 sites classés à l’UNESCO, 120 musées de France. Beaucoup appartiennent à de petites communes qui n’ont pas les moyens de les entretenir seules. En 2025, nous avons investi 6,3 millions d’euros dans la restauration dans les six départements, soit 10 % du budget total de la culture (61 millions d’euros). C’est un effort considérable dans un contexte financier contraint, alors même que certaines régions ont supprimé leurs crédits. Chez nous, la culture reste un pilier !

Comment éviter que la préservation du patrimoine ne devienne un privilège des grandes villes ?
C’est une question essentielle. Dans une période anxiogène, beaucoup de gens se recentrent sur ce qui les relie : les lieux, les traditions, la mémoire collective. Une chapelle de village, un costume provençal, une fête locale, c’est bien plus qu’un décor : c’est un repère identitaire.
Dans nos zones rurales, ce lien est vital. Quand un habitant voit renaître le lavoir où allait sa grand-mère ou la chapelle du hameau, c’est une manière de réaffirmer l’appartenance à un territoire. Et c’est valable aussi pour les zones périurbaines. Le patrimoine, c’est du lien social.
Quels sont les principaux projets achevés et actuellement soutenus dans les Alpes-Maritimes ?
La priorité est donnée à l’arrière-pays. Entre 2017 et 2024, 210 projets ont été accompagnés dans la Région, pour 4,8 millions d’euros investis. Rien que dans les Alpes-Maritimes, huit projets ont bénéficié de 458.000 euros de soutien.
Nous avons participé à la restauration de fontaines et lavoirs à Saint-Jeannet, Tourrettes-sur-Loup, Andon ou Venanson, au conservatoire de la châtaigne d’Isola, ou encore à la chapelle de Guillaumes. Nous avons aussi accompagné la restauration d’équipements majeurs.
À Nice, le musée des Beaux-Arts Jules Chéret, le musée Masséna et le Palais Lascaris. À Menton, le Palais Carnolès. Dans la Roya, la Région soutient plusieurs églises et chapelles comme Notre-Dame-des-Monts ou Sainte-Catherine de Breil-sur-Roya, souvent dans des zones encore marquées par les intempéries.
Quels sont les grands axes de votre « Plan Patrimoine » ?
Nous l’avons lancé en 2016. Il repose sur plusieurs dispositifs : les appels à projets pour le petit patrimoine rural non protégé, le plan concerté de valorisation des monuments et la conservation des musées de France.
À Nice, par exemple, nous avons soutenu la restauration du monastère de Cimiez, de l’abbaye Saint-Pons et des églises Notre-Dame-du-Port et Saint-Jacques-le-Majeur. Ce sont des lieux vivants, fréquentés, qui font partie du quotidien des Niçois.
Quelle part le patrimoine occupe-t-il dans l’attractivité touristique ?
Importante ! 21 % des touristes déclarent venir en Provence-Alpes-Côte d’Azur pour le découvrir, autant que pour la randonnée. C’est même la deuxième motivation, derrière la mer. Dans les Alpes-Maritimes, cela représente environ 17 % des visiteurs. Dans les villages de montagne ou du haut pays, le patrimoine est souvent la première ressource touristique. Il attire des visiteurs, fait vivre les artisans locaux et alimente le « slow tourisme ». Lequel ’appuie sur les chapelles, les lavoirs, les fours anciens…
Sa sauvegarde passe aussi par les savoir-faire. Comment se porte ce secteur ?
Plutôt bien, et c’est une excellente nouvelle. Nous soutenons activement les métiers d’art et du patrimoine vivant, en partenariat avec les chambres de métiers. Lors de la dernière remise des prix à l’Hôtel de Région, nous avons récompensé un fabricant de berlingots à Carpentras ou encore un artisan de fabrication de voiles pour bateaux à Marseille.
Ce sont les derniers à exercer leur profession. Sans eux, ce savoir-faire aurait déjà disparu. Dans les Alpes-Maritimes, l’écosystème est très riche : Grasse, Vallauris, Valbonne, Biot, Nice… autant de lieux où perdure une excellence artisanale. Ce sont souvent des jeunes qui relancent ces métiers : ferronnerie, couture, céramique, design. Nous travaillons avec les lycées et les pôles d’apprentissage pour leur ouvrir des débouchés. Parce qu’il n’y a pas de patrimoine sans transmission.



