NICE-PRESSE. À peine votre groupe d'opposition, Retrouver Nice, était installé au conseil municipal qu'il a fallu se retrousser les manches sur des actualités locales parfois dramatique. Quel est votre regard sur ces premiers mois qui se sont écoulés si vite ?
Philippe Vardon : Les Niçois me connaissait, ils ont découvert une vraie équipe, motivée, travailleuse. Nos élus ont montré leur fine connaissance des dossiers pendant les conseils municipaux et métropolitains, ils ont été forces de proposition.
Pendant les intempéries dans nos vallées, nous étions également sur le terrain par solidarité avec les habitants. C'est le sens de l'action publique que nous portons.
N-P. : On vous a entendus principalement sur les questions de sécurité, en allant au front contre les solutions défendues par le maire… sans forcément avoir beaucoup d'impact sur la vie locale. Vous sentez-vous réellement audible ?
P. V. : D'une manière générale, l'opposition ne peut pas vraiment s'exprimer correctement à Nice. En conseil, Christian Estrosi coupe nos micros et réduit autant que possible le temps de parole, les documents nous sont envoyés au dernier moment… Ce sont des conditions de travail très particulières.
C'est aussi période d'expression qui est difficile pour nous, on ne peut plus vraiment aller au contact des gens. La crise sanitaire donne aussi une grande place à la parole institutionnelle : le maire est partout, dans tous les médias. Et sans aucune contradiction, avec de préférence des journalistes nationaux qui ne maîtrisent aucun des sujets locaux.
"Il y a une propagande médiatique exceptionnelle dans cette ville"Philippe Vardon
Les médias niçois appliquent, sans doute par idéologie personnelle, leur propre agenda, qui n'est pas celui de la population d'une manière générale. Pendant la campagne, on a parlé de pistes cyclables, d'environnement… ça n'était pas la préoccupation centrale des gens. Je n'ai pas pu parler de sécurité, alors que sitôt l'élection passée, des fusillades éclataient en ville.
Il y a une propagande exceptionnelle dans cette ville. Les journalistes n'en font pas assez, certains avec une certaine complaisance avec des imams radiaux qui ne sont pas questionnés sur leurs positions troubles. On a reçu des islamistes comme Ramadan et Al-Qardaoui, aujourd'hui interdits de territoire, sans que cela ne gêne personne ! L'influence des radicaux n'a jamais été aussi importante dans notre ville.
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N-P. : Vous reprochez à l'équipe municipale menée par Christian Estrosi de ne pas avoir assez de résultats contre l'insécurité, notamment après la vague de fusillades cet été. Des millions d'euros ont été dépensés dans la politique de la ville, le maire a obtenu de nouveaux effectifs dans la police nationale et a encore renforcé la municipale… Que pourrait-il bien faire de plus ?
P. V. : Nous avons un maire qui est presque devenu socialiste. Dans certains quartiers, comme les Moulins, il a dépensé énormément pour rénover et y amener de l'activité. Là-bas, on déverse des millions, les associations et les imams sont choyés. Résultat, on n'y a jamais connu une situation aussi catastrophique ! Je le sais, j'y ai grandi. On a terminé 2020 avec une fusillade, on a commencé 2021 avec une fusillade ! Refaire les façades ne suffit pas.
"On a beaucoup de policiers municipaux, mais ils doivent être dans la rue, pas derrière des écrans de vidéosurveillance"Philippe Vardon
N-P. : Le maire n'est pas responsable de la lutte contre cette criminalité, surtout quand il s'agit de trafic de drogues, d'armes de guerre…
P. V. : Non, mais Nice n'est pas une île. On paie aujourd'hui aussi ses erreurs passées. Il a fait partie d'un gouvernement (François Fillon, sous Nicolas Sarkozy, entre 2008 et 2010, ndlr) qui a supprimé énormément de postes dans les forces de l'ordre, par exemple.
N-P. : C'était il y a dix ans.
P. V. : Quand bien même, il continue à soutenir un gouvernement tout aussi laxiste. Avec Jean Castex et le président, ils se font des bisous, se trouvent beaux… et pendant ce temps, on manque de policiers, l'autorité n'est plus respectée et les délinquants ne sont pas réellement sanctionnés. Sans parler de l'immigration incontrôlée.
Il a souvent fait la leçon à ses collègues, les autres maires. Il a même réclamé une amende contre ceux qui n'obtenaient pas assez de résultats : c'est lui qui a voulu se placer en responsable de tout.
"Nous prenons dangereusement le chemin de Marseille : l'insécurité explose à Nice"Philippe Vardon
N-P. : Au-delà des quartiers populaires de la ville, vous avez également pris position sur les troubles constatés dans le centre, à Gambetta mais aussi au Port. Il y a beaucoup de caméras et le maire a obtenu les renforts de police qu'il a demandés.
P. V. : Ça ne suffit pas, à l'évidence. On a beaucoup de policiers municipaux, mais ils doivent être dans la rue, pas derrière des écrans de vidéosurveillance. Il faut du bleu dans les rues, c'est cela qui dissuade les délinquants. Il faut les harceler, les déloger partout où ils sont. Il faut aussi de vrais postes de police municipale, pas un bureau barricadé avec deux standardistes comme à Trachel, où on assiste à une dégradation absolue (la police y a fait une descente depuis cet entretien, ndlr).
Pour ce qui est du Port, on y a amené le tramway, il fallait bien anticiper qu'on allait y attirer des flux problématiques. À Garibaldi aussi, il y a une paupérisation manifeste depuis le premier confinement, avec des marginaux, des bagarres, beaucoup de saleté… et la mairie ne fait rien.
Nous prenons dangereusement le chemin de Marseille, c'est évident. L'insécurité explose à Nice. Ce n'est pas un sentiment, c'est un fait inédit, catastrophique. Et tous les Niçois le savent : ça n'était pas comme ça avant !
Pour le reste, l'essentiel des efforts du maire est placé dans la communication.
"Il ne faut pas détruire Acropolis, parce que la vérité c'est que les Niçois y sont attachés"Philippe Vardon
N-P. : Restons dans le centre-ville. Vous avez également beaucoup protesté contre le projet de destruction du TNN et du palais Acropolis pour étendre la Coulée verte et déplacer l'espace dédié aux congrès à l'Ouest. C'est pourtant le principal projet que le maire a porté durant la campagne, et il a été réélu.
P. V. : Très mal réélu ! 72,2% des Niçois n’ont pas voté au second tour. Il n'est pas légitime pour mener ce projet, les Niçois n'en veulent pas. Qu'il fasse un référendum, et il verra. La démocratie locale, ça ne peut pas être tous les six ans. Sur ce sujet, nous allons continuer de nous mobiliser.
C'était un non-sens total dans le monde d'avant, ça l'est d'autant plus avec la crise sanitaire. Le temps des salles immenses est révolu, et les espaces d'accueil doivent être dans le centre, pas à l'Ouest dans un quartier où les immeubles de bureaux n'ont jamais été loués par personne. Christian Estrosi ne comprend rien à l'évènementiel.
Il ne faut pas détruire Acropolis, parce que la vérité c'est que les Niçois y sont attachés et que c'est le quartier autour qu'on a laissé s'effondrer sur lui-même.
"Nice Est n’existe pas dans 'l’Estropolis' !"Philippe Vardon
N-P. : Vous plaidez pour une rénovation complète de la zone sans déplacer le palais des congrès ?
P. V. : Oui. Pendant longtemps, ce quartier on l'avait sur des cartes postales ! Depuis, il crève, il est livré à lui-même.
Plutôt que de détourner l'enveloppe du plan de relance pour financer des projets démesurés, la Ville devrait s'occuper des entreprises, du tourisme, de l'attractivité et, plus basiquement, de la propreté. Sans parler de la circulation et du stationnement qui sont épouvantables.
L'Est n'existe pas dans "l'Estropolis" ! À Saint-Jean-d'Angely, il y a un pôle universitaire au milieu de rien. La ville ne s'arrête pas rue Barla. Qu'est-ce qui est fait pour Saint-Roch ?
La question est finalement la même que pour le stade du Ray : les gens y étaient attachés, pourquoi les bousculer ? Il y a des lieux de mémoire dans cette ville : pour la rendre agréable, il faut les respecter sans tout bétonner.
Le maire se soumet à la dictature de la loi SRU. On voit partout que la bétonnisation progresse et avec elle, la paupérisation. Les habitants de Nice Nord veulent-ils en plus de cela subir l'immigration que ces logements sociaux ne vont pas manquer d'apporter ? Je ne le crois pas une seconde.
Résultats, qu'est-ce que l'on a ? Une ville qui perd des habitants chaque année.
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N-P. : Après ces premiers dossiers, est arrivé la seconde vague de Covid-19. La gestion de la crise par la municipalité a fait figure d'exemple ailleurs dans le pays.
P. V. : Sans aucune constance. On a eu des restrictions à la pelle, désormais le couvre-feu à 18 heures… et puis, au final, 5.000 personnes sans gestes barrières au concert de The Avener ou le Tour de France ! Souvent, Estrosi varie. Il a été le plus grand fan de Didier Raoult au printemps. Aujourd'hui, c'est l'avocat de la campagne vaccinale du gouvernement que tout le monde estime ratée.
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D'une manière plus générale, je pense que seul le politique est responsable, plus que le citoyen. Les Niçois sont pointés du doigt, mais regardons de près ce qui est mis en place. Aux heures de pointe, impossible de trouver du gel hydroalcoolique dans le tram où les gens sont massés ! Qu'on regarde ce que fait Lignes d'Azur avant de culpabiliser les gens.
N-P. : Les régionales sont prévues en juin. Christian Estrosi estime que ce n'est pas encore le moment de faire campagne, dans ce contexte. Partagez-vous ce sentiment ?
P. V. : Encore une fois, la vie démocratique n'est pas une option. Ce n'est pas en allant voter qu'on se contamine, pas plus en tout cas qu'à Carrefour le soir, quand le magasin est bondé à cause du couvre-feu absurde que le maire a demandé.
Les gens ont besoin d'espoir et de repères. Nous sommes prêts, nos élus font leurs preuves… Notre campagne commencera en février, pour les départementales comme pour les régionales.
Propos recueillis par Clément Avarguès (@ClementAvargues) le 7 janvier 2021