Les vendredis 2 et 9 avril, Nice-Presse a pu suivre les opérations de la première police municipale de France, du Centre opérationnel de commandement tapissé d'écrans de contrôle jusqu'aux brigades de nuit mobilisées partout dans Nice, notamment contre le trafic de drogues.

Le petit bâtiment tout de métal et de verre passerait presque inaperçu, malgré son aspect martial, si peu niçois. Tout juste se dit-on que ses grandes ouvertures doivent donner un sacré panorama sur ce quartier historique de Nice Nord. En réalité, dans le Centre opérationnel de commandement (COC) de notre ville, les fenêtres sont - presque - toutes comblées par des centaines d'écrans de contrôle.
Sept jours sur sept, vingt-quatre heures sur vingt-quatre, près d'une centaine d'agents de la police municipale se relaient pour garder un oeil en 16/9 sur la cinquième ville de France.
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Les étages de ce bâtiment ultra-sécurisé, dans lequel on ne fait pas un pas sans devoir déverouiller de lourdes portes avec un badge, abritent l'une des fiertés de notre cité : le Centre de supervision urbain (CSU).
Grands axes, écoles, places, parcs, transports… partout, les caméras de vidéo-protection veillent. On en compte plus de 3.370 dans l’espace public. Une présence massive qui engendre des critiques régulières du côté de l'opposition… Qu'importe ! Les Niçois en veulent encore davantage. Comme nous le révélions en exclusivité le 14 avril, 64% des habitants trouvent "utile" d'en installer de nouvelles, d'après un sondage réalisé par l'Ifop.
« J’ai entendu les ricanements sur nos caméras, nos policiers municipaux, nos bornes d’appel d’urgence, souffle le maire Christian Estrosi à Nice-Presse. Ces outils ont permis qu’un carnage plus grand encore ne soit pas commis à Notre-Dame (lors de l’attentat islamiste du 29 octobre 2020, NDLR). Et les images de nos caméras aident les juges à résoudre des centaines d’affaires chaque année ».
"La Smart City fait ses preuves tous les jours, dans tous les domaines"
Christian Estrosi
La Ville nous a donné un accès total au bâtiment. Grégory*, 40 ans, responsable de service ce vendredi 2 avril au soir, nous ouvre toutes les portes. Et il y en a pas mal !
Les agents veillent sur les dépôts sauvages, les grands axes -- où le couvre-feu a l'air respecté à la lettre, pas un chat ne se promène place Masséna -- mais aussi, avec une vigilance particulière, sur les lieux de culte, week-end de Pâques oblige.
Derrière une double-porte sombre se cache la "salle de crise". Comme dans une série américaine, on y trouve une grande table bardée de micros, de téléphones et de câbles reliés à deux murs d'écrans. La pièce est mobilisée pour les évènements majeurs, les attaques, comme les gros barnums (Carnaval,…) sur lesquels il faut garder un œil attentif.
D'ici, toutes les opérations sont lancées, puis coordonées. On reçoit au COC tous les appels des Niçois, on receptionne les alertes émises par les 1.200 boutons mis à disposition dans les commerces, CHU, écoles et salles de spectacles, mais aussi celles provenant des bornes installées partout en ville.
Écrin technologique, c'est dans ce bâtiment que diverses expériences sécuritaires ont été menées : test de la reconnaissance faciale, analyse des émotions sur les visages des passagers du tram',… Puisant dans une énorme base de données, la Ville a également mis au point un "logiciel prédictif", capable d'anticiper les faits de délinquance. Ainsi, les agents savent à l'avance la date et l'endroit de la cité où il y a le plus de risques que des délits soient commis.

"Nous nous adaptons à une réalité de plus en plus violente"
Grégory, policier municipal
"Nice est en pointe sur ces sujets, si bien qu'on reçoit très souvent de la visite" nous raconte, pas peu fier, Gregory, tout en gardant un oeil sur ses moniteurs. "Des petites communes et de grandes métropoles viennent nous voir. Nous recevons également les représentants de nombreux pays étrangers passionnés par la Smart City (ville intelligente, NDLR)…" Qatar, Colombie, Espagne et Chine pour les derniers.
Nice déploie sans cesse son réseau de caméras, remplace ses installations par des outils de plus en plus perfectionnés. Une vraie course à l'échalote ? "Nous nous adaptons à une réalité de plus en plus violente" explique l'agent. "Toutes les communes de la Côte d'Azur embauchent des policiers municipaux en ce moment, on a urgemment besoin d'effectifs sur le terrain".
"La technologie nous facilite la vie : grâce à notre réseau de vidéo-protection, on peut éviter au maximum les courses-poursuites qui sont très dangereuses. On peut suivre le trajet des délinquants rue par rue et les coincer très rapidement, sans risquer la vie de personne"
Grégory, policier municipal
Le 9 avril, l'une des priorités du soir sera la lutte contre les points de deal. Quelques jours auparavant, le premier adjoint au maire de Nice chargé de la Sécurité annonçait dans nos colonnes avoir transmis au procureur et au préfet des Alpes-Maritimes la cartographie précise de tous les lieux où de la drogue circule dans notre cité.
« Le nombre d’interpellations de la police municipale sur les trafics de stupéfiants a augmenté de 100% entre 2019 et 2020, souligne Anthony Borré. Cette multiplication par deux est inquiétante, alors même que la police municipale, dont ce n’est pas la compétence première, ne peut agir qu’en flagrant délit, et en uniforme. Ce chiffre n’illustre donc pas totalement l’extrême gravité de la situation ».
« Il faut mener une action résolue et déterminée contre ces trafiquants et leurs guetteurs. Trop de situations sur la route de Turin, aux Moulins, aux Liserons, à l’Ariane et à Roquebillère nous interpellent »
Anthony Borré, premier adjoint de Christian Estrosi
Message reçu cinq sur cinq par tous les agents de la brigade de nuit.
Ce soir, direction les Moulins et les Liserons, deux quartiers réputés pour leur forte concentration de dealers. Depuis le CSU, on peut suivre sur l'un des écrans un client de la discrétion d'un éléphant dans un couloir venir chercher son herbe au pied d'un immeuble de l'ouest. L'homme repart l'air guilleret (en violation totale du couvre-feu, puisqu'il est 21 heures passées) vers le parking de la résidence. Un équipage de policiers l'y attend.
Jean-Christophe, 52 ans, et Stéphane 44 ans, partent en patrouille vers l'Est. Avec nous dans les pattes, et une oreillette reliée au COC et ses trois mille caméras. La voiture descend une avenue Jean-Médecin déserte.

"On est une sorte de police-secours bis"
Avant de partir, nous avons filé vers un autre immeuble de la police, à deux pas du Centre de commandement. Là, les hommes se réunissent pour faire le point sur la journée écoulée et les dernières consignes : tolérance zéro sur le respect du confinement, l'interdiction de la consommation d'alcool sur la voie publique, mais aussi sur le port d'armes.
Depuis cet été, les agents sont confrontés à une forte proportion d'individus équipés de couteaux, malgré la promesse d'une garde à vue immédiate en cas de contrôle avec une arme blanche.
"On est une sorte de police-secours bis" explique Jean-Christophe. "On va peut-être tomber sur des trafiquants toute la soirée, vendredi dernier on avait un client toutes les cinq minutes, on n'a pas arrêté. Mais certains soirs, on reçoit aussi une soixantaine d'appels parce que des gens organisent des soirées clandestines, malgré les consignes sanitaires… On se prépare un peu à tout".
Pendant le trajet vers les Liserons, les policiers nous expliquent comment ils se font "bananer" par certains délinquants.
"On effectue deux fois plus de contrôles routiers que la police nationale par exemple, mais il y a tout un tas de procédures de vérification que nous ne pouvons pas faire. Pendant une interpellation, on peut palper, mais pas fouiller. Au niveau des véhicules, on ne peut rien inspecter à l'intérieur (ci-dessous)" développe Jean-Christophe. "Les petits malins jouent avec ces limites pour ne pas se faire avoir…"
"Avec tout ça on a la chance d'avoir un maire qui nous donne des moyens, qui nous fait confiance" poursuit-il. "La police municipale nous donne tout de même une place très valorisante. Très enviée des collègues."



Depuis, la loi Sécurité globale a été votée. Nice fait partie des communes candidates à l'extension des compétences de sa PM. Elle disposera de prérogatives élargies pour lutter contre les incivilités et la petite délinquance.
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Près des barres d'immeubles de l'Est niçois, la soirée est bien plus agitée que dans le centre-ville.
Dix minutes après notre arrivée, les deux policiers font signe à un véhicule gris de se ranger sur le bas-côté pour un contrôle. Refus d'obtempérer et délit de fuite. Un autre équipage va prendre en chasse le véhicule.
Jean-Christophe et Stéphane vont aux nouvelles de la petite voiture blanche percutée au passage par les fuyards. À bord, deux femmes, sonnées, auront un peu de mal à remplir leur constat.
La soirée sera chargée. À peine les deux patrouilles ont eu le temps d'engager une course-poursuite pour appréhender un véhicule conduit par deux consommateurs de stupéfiants, qu'un homme en scooter sans plaque longe dans le plus grand des calmes le contrôle de police en cours. Nous voilà repartis à grande vitesse dans les rues vides et silencieuses.


L'éclat bleu du girophare éclaire un peu, plus tard dans la nuit, le visage d'un type hagard, arrêté sans masque.
Aux policiers, il explique "rendre visite à sa mamie". Peu crédible à vingt-deux heures. D'autres ont sorti le même prétexte plus tôt, c'est décidément la soirée des grands-mères.
De sa poche de survêtement tombe un petit sachet de cocaïne, que Stéphane saisit aussitôt. L'homme aura en échange une belle paire de menottes. Dans le froid, il faut attendre l'équipage qui le conduira à un officier de police judiciaire.
"Vous pouvez me relâcher pour gagner du temps, moi je ne dirai rien, promis" tente le jeune homme. Un gros fourgon aux couleurs tricolores s'engage dans notre impasse pleine de véhicules déglingués. Raté, pour lui la nuit se terminera à la caserne Auvare.