Le Théâtre National de Nice lance sa saison 2022-2023. Nouvelles salles, créations, grandes dates attendues… Muriel Mayette-Holtz, directrice depuis 2019, fait le point sur l'année qui s'ouvre.
Quel été a passé le TNN ?
Pour l'Épreuve de Marivaux, celle fait trois ans que l'on mène cette expérience, elle est de plus en plus mûre. Le public était enchanté, ça a été un vrai succès.
C'est une possibilité pour les gens qui ne vont jamais au théâtre de se dire "ah, c'est pas mal".

On ressent vraiment une joie, un esprit de partage avec les spectateurs pendant l'été. Les Contes d'Apéro, proposés sur la Coulée verte, ont aussi très bien marché.
Lire aussi : INTERVIEW. Muriel Mayette-Holtz : « le TNN lance sa saison plein d’enthousiasme »
Quel est votre sentiment pour cette nouvelle saison ?
Elle va être plus sereine pour nous (sans les restrictions du Covid, notamment, NDLR).
Les sujets que l'on a mis sur le plateau sont très quotidiens : le travail, les secrets de famille, le droit… Dans la programmation, il y a des spectacles qui nous parlent, proches de nous, assez facile d'accès, pas trop éloignés d'un point de vue littéraire ou historique, mais qui sont ce que j'appelle du grand répertoire.
J'essaie aussi d'être autour de l'Europe de la Méditerranée, Nice étant une ville un peu à part, entre la France et l'Italie.
"Nous voulons mettre en avant la magie, la danse…"
Les grandes dates attendues ?
Le retour de la comédie française avec 7 minutes et le Don Juan en fin de saison. Il y a aussi Christian Hecq qui vient avec La Mouche.
On continue avec la danse, très importante dans le spectacle vivant. Il y aura des grands rendez-vous d'écritures chorégraphiques, avec la représentation Uwrubba ou encore avec Gisèle Vienne…
Lire aussi : Nice : Nicolas Sarkozy bientôt invité d’honneur du Théâtre National (TNN)
On va ouvrir avec de la magie. Je trouve que c'est un art qui n'est pas assez mis en avant.
On fait également beaucoup de créations.
On commence avec Dissonances Molière, puis il y aura Caricatures miniatures. De mon côté, je monte Les Fourberies de Scapin et Love Letters…
De nouveaux projets pédagogiques sont-ils prévus ?
À La Cuisine, on fait déjà beaucoup d'interactions avec les jeunes.
On va essayer, par le jeu, d'en toucher encore plus avec notamment des soirées d'improvisation et de slam avec les jeunes du quartier des Moulins.
On continue aussi un travail pédagogique énorme avec le projet 'Lettre à…' Cette année on proposera 'Lettre à mon corps'. Chantal Thomas sera avec nous avec son livre, Journal de nage.

Concernant les nouvelles salles, votre premier ressenti ?
Pour Les Franciscains (salle inaugurée dans la vieille-ville il y a six mois, NDLR), l'ensemble est d'une beauté telle qu'il met tout le monde d'accord. En termes d'acoustique, c'est un endroit unique. Cela influence considérablement les spectacles que l'on fait. On accueillera de la musique et de la danse sur le plateau.
Lire aussi : PHOTOS. Nice : l’église du XIIIe siècle devient une salle de spectacle du TNN
Pour La Cuisine (salle provisoire installée aux Moulins, NDLR), il s'agit d'un instrument idéal : un théâtre moderne. Il y a un truc permissif, plus jeune et dynamique. On y retrouvera des représentations plus construites du point de vue de la scénographie et des grosses distributions.
Lire aussi : IMAGES. La Cuisine à Nice : découvrez en avant-première cette nouvelle salle de spectacle
La salle d'Iconic (prévue pour janvier 2023 tout près de la Gare Thiers, NDLR) présentera davantage des écritures contemporaines. On sera sur des choses inattendues mais aussi beaucoup sur l'accueil des compagnies locales.
Lire aussi : Nice : le Théâtre national (TNN) déployé dans ses toutes nouvelles salles pour la saison 2022–23
"Rendre le rapport au théâtre aussi naturel et nécessaire que celui qui existe avec le sport"
Comment attirer davantage le public ?
Après deux ans de crise sanitaire, notre rapport à la culture et à la société a été bouleversé. D'une certaine façon, cela peut être une chance.
Je crois que l'on a de plus en plus besoin de fond, de textes, de pensée, d'échanges, d'émotions, et peut-être un peu moins de distractions.
Pour traverser la guerre, les drames écologiques… on a besoin des auteurs, de réflexion et de poésies, pour pouvoir avancer.
On a de belles occasions pour ça. Les Contes d'Apéro étaient proposés cet été sur la Promenade du Paillon, au milieu des touristes, des joggeurs… On a lu de beaux textes : des jeunes venaient me demander les titres à la fin des représentations.
C'est une façon de rendre le rapport au théâtre aussi naturel et nécessaire que celui qui existe avec le sport.
"Notre société n'est pas du tout exemplaire sur l'équité entre les femmes et les hommes"
Vous êtes une directrice engagée sur les sujets de société…
Dans mon parcours, j'ai été amenée, à deux reprises, à être la première femme à diriger la Comédie Française puis la Villa Médicis. J'ai beaucoup pris quand j'ai inauguré ces postes.
Pendant des années, on m'a dit "qu'est ce que ça vous fait d'être la première femme?" J'ai toujours envie de répondre ; "rien, je trouve ça normal." La culture n'est pas du tout exemplaire à ce niveau.
Je pense qu'il faut que l'on soit très attentifs à tendre vers une sorte d'équité pour ne pas être les uns contre les autres, mais les uns avec les autres.
C'est un vrai travail au quotidien.
Vous le ressentez comme un devoir ?
Ma construction, c'est d'avoir eu la chance, depuis que je fais ce métier, d'avoir été le porte-parole des grands auteurs. Je le fais en mon nom propre, et non pas en tant que directrice du TNN.
Je pense qu'il y a un moment donné dans la vie, où il faut prendre la parole pour défendre des causes.
Quand je dis "attention au Rassemblement National", c'est parce que nous avons tous besoin de culture et qu'il ne s'est pas illustré comme grand défenseur de cela…
C'est mon métier. Ce n'est pas pour attaquer qui que ce soit, mais pour le défendre et rappeler "attention, on a trop besoin de ça…"
Lire aussi : Nice : la directrice du Théâtre national appelle à faire barrage au RN