Ce sujet a été publié dans le dossier de la rédaction "Vieux-Nice : c'était vraiment mieux avant?" Lire les autres articles
Vie de quartier, sécurité, travaux, propreté… Philippe Soussi, adjoint au maire et délégué au territoire Nice Historique a reçu "Nice-Presse" mardi 25 janvier pour répondre aux (très) nombreux retours des lecteurs, envoyés dans le cadre de notre dossier sur l'évolution de la vieille-ville.
Le portrait qui se dessine pour une partie de nos lecteurs est celui d'un Vieux-Nice qui a beaucoup évolué depuis les années 1970, mais qui aurait périclité après 2010, victime d'Airbnb, des "attrape-touristes" et d'un certain délitement de la vie de quartier. Quel est votre sentiment ?
Philippe Soussi : Je ne partage pas du tout ce regard. Depuis 2008 et l'élection de Christian Estrosi, une série d'actions concrètes a été prise pour redonner ses lettres de noblesse au Vieux-Nice. Nous assistons là à un renouveau extraordinaire.
Beaucoup pointent cet effet "zone pour valises à roulettes", avec de (trop?) nombreuses locations touristiques…
Bien sûr, les locations meublées touristiques posent des difficultés pour l'hôtellerie et des nuisances importantes pour le voisinage. Airbnb, c'est un vrai sujet de société.
Depuis 2009, la Ville est extrêmement active sur le sujet : ce problème, nous le prenons à bras-le-corps. Nous allons aussi loin que la loi le permet, avec le mécanisme de compensation, la constitution d'une équipe d'agents dédiés aux contrôles…
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La mairie peut-elle, même quand tout est en règle, faire diminuer le nombre de Airbnb dans un même quartier, pour y éviter la concentration d'annonces ?
Les règlements des copropriétés peuvent avancer sur cette question. La Ville, non. C'est la limite de l'exercice.
Des commerçants se plaignent de la très grande complexité des livraisons, que faire ?
Nous avons mis fin à l'anarchie qui régnait à ce niveau là, en réorganisant les livraisons à des points donnés (dans la descente, ou rue Bosio), en créant de nouvelles places. Des travaux sont faits. Ce n'est pas une solution adaptée à tous, mais les vélos-cargos apportent beaucoup. C'est un système qui fonctionne bien dans ce type de quartier.
Riverains comme commerçants pointent du doigt la qualité du stationnement et de la circulation, qui ferait fuir certains visiteurs. Vous l'avez observé ?
Le parking Sulzer (455 places) a été livré en 2013. Il y a celui du cours Saleya, Corvesy et du palais de Justice, mais également celui de Promenade des Arts à proximité immédiate. Ça, c'est pour le stationnement.
"Pour ce qui est de la circulation, je le dis : les voitures n'ont absolument rien à faire dans le Vieux-Nice. Elles n'ont plus leur place"
Maître Philippe Soussi à "Nice-Presse"
D'ailleurs, prenons l'exemple de la rue Saint-François de Paule. Il y a eu des gens pour râler, mais qui voudrait revenir aujourd'hui sur la piétonnisation ?
On revit comme ça, en préservant l'authenticité du territoire, sa qualité de vie et sa commercialité. Cette habitude niçoise d'y descendre en voiture, il faut l'oublier.
Beaucoup de lecteurs regrettent le "Vieux-Nice d'avant", plus convivial, avec une vie de quartier très dynamique. La cohésion se serait effilochée depuis des années. Que faire ?
La crise sanitaire a eu un impact très fort sur nos vies. La Ville est très attentive à la sauvegarde du commerce de proximité. Nous avons accompagné l'installation d'un cordonnier, d'un horloger, mais aussi de galeries d'art.
La mairie est au rendez-vous auprès du tissu associatif, qui impulse cette vie de quartier. On est là, en soutien. Avec la satisfaction de voir ces jeunes qui s'engagent dans la solidarité…
"Je déteste cette expression, "c'était mieux avant". Promenez-vous dans le Vieux-Nice le dimanche et vous verrez que le lien social ne s'est pas perdu"
Maître Philippe Soussi à "Nice-Presse"
L'été a été compliqué, avec pas mal d'agressions. Faut-il serrer la vis ?
Je rappelle que la sécurité est une compétence de l'État. Mais nous pallions à ses lacunes avec la première police municipale de France. 430 interpellations ont été menées par nos agents rien que dans la vieille-ville en 2021, notamment grâce aux 107 caméras de vidéoprotection. On met le paquet.
Faut-il ouvrir un nouveau poste de police municipale, comme le demandent les élus du Rassemblement national ?
C'est effectivement leur obsession, mais nous ne le ferons jamais. Cette idée montre qu'ils n'y connaissent rien. Avec un poste ouvert, il faudrait des policiers à l'accueil, à l'armurerie… Là où on les attend, c'est dans la rue ! Ce qui est efficace, c'est les patrouilles sur le terrain. Et nous en faisons beaucoup.
Il y a également un vrai sujet au niveau des incivilités…
Tout à fait. Les équipes de la collecte passent 5 fois par jour, 7 jours sur 7, sans compter l'action de la FRAP (la Force d'action rapide propreté, qui répond à toute demande d'intervention dans les 2 heures, ndlr). Il m'arrive de voir qu'un bout de rue est déjà dégueulasse une heure après le travail des agents. C'est un réel problème d'incivisme. 580 PV ont d'ailleurs été dressés l'an passé.
On a beaucoup parlé du remplacement de la fontaine de la place du Palais par une oeuvre d'art, par exemple. Que répondre à ceux qui estiment que les derniers travaux "dénaturent l'identité du Vieux-Nice"?
Déjà, que cette fontaine invraisemblable n'a absolument aucun rapport avec l'identité de ce quartier (il sourit). Elle a été installée en 1989 ! Elle était défectueuse, ça ne pouvait plus durer, et cette opération a été menée dans le cadre d'une requalification qui a pu apaiser la place.
On me dit qu'il n'y aurait pas assez de verdure, mais dessous, il y a un parking. On ne peut rien planter.
Pour ce qui est des autres chantiers, moi j'en suis très fier. Prenez la place Saint-François : des éléments majeurs de notre patrimoine avaient été convertis en entrepôts à poubelles, en discothèque, en cinéma… Christian Estrosi a mis un terme à ces atteintes.
Bientôt nous aurons, avec la salle des Franciscains, le plus beau théâtre d'Europe. Le prolongement de la Coulée verte a également été une vraie chance pour la ville baroque. Protéger notre identité, c'est cela aussi.
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Depuis 2008, nous avons rénové les façades de la ville pour 13 millions d'euros. Nous-mêmes pour les bâtiments communaux, et avec des subventions d'accompagnement pour les propriétaires privés.
Des rénovations de très grande importance ont été menées, place Pierre Gautier et sur le Cours Saleya, l'aménagement du Cours Jacques Chirac, les travaux sur la colline du château… Nous retrouvons ce "côté village".
Bientôt, nous aurons également une promenade des arts avec de belles oeuvres dans le secteur Segurane. Trois hôtels de prestige vont ouvrir (Village Garibaldi, le Couvent et le Palais, ndlr), ainsi qu'une crèche en février prochain. Bien d'autres projets sont en cours sur le mandat. Nous n'arrêtons jamais de nous demander comment "faire encore mieux".
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