Agressions et nuisances dans le Vieux-Nice et à Garibaldi, lutte contre le trafic de drogue dans les quartiers, expulsions de délinquants… Anthony Borré, premier adjoint au maire de Nice Christian Estrosi, délégué notamment à la Sécurité, est l'invité spécial de Nice-Presse ce matin.
- Lire la seconde partie : "Nous agissons pour des logements moins chers et plus durables" [2/2]
NICE-PRESSE : Le Vieux-Nice a connu cet été des agressions en série, le Rassemblement national a même dénoncé un "ensauvagement" de ce quartier. Partagez-vous cette analyse ?
Anthony Borré : Le Vieux-Nice a été "coupe-gorge" dans le passé. Je ne crois pas que nous en soyons revenus là.
La situation n'est pas idyllique pour autant. Nous avons procédé à 370 interpellations depuis le 1er janvier rien que dans ce secteur.
Depuis deux ans, nous faisons face sur le quai des États-Unis, les Ponchettes, Franck-Pilatte et le Mont Boron à des situations inédites : consommations excessives d'alcool sur les plages, chichas, troubles divers. Nous avons été extrêmement présents, avec des compagnies de CRS, un nouvel éclairage… Il y a une accalmie depuis le 15 août.
Que ces phénomènes soient extrêmement désagréables, j'en conviens. Que les forces de l'ordre doivent être présentes de manière massive pour rassurer, c'est une évidence. Mais de là à parler d'ensauvagement, il y a un monde.
Sur la place Garibaldi après 22 heures, c'est un peu devenu "la zone", non ?
Ça l'est même dès 17 heures, c'est exact. Il y a entre 70 et 100 interpellations chaque semaine avec une hausse de 84% des verbalisations pour ivresse publique manifeste.
L'une des difficultés que nous avons est liée à un groupe alcoolisé, sans domicile stable, ressortissant des pays de l'Est. Nous avons tenté d'établir un dialogue avec eux, ça n'a pas fonctionné.
Nous avons installé un médecin payé par la Ville à la caserne Auvare pour être en mesure, comme le veut la règlementation, de constater ces ivresses publiques manifestes, repérées sur Grimaldi et Garibaldi notamment. 30 personnes ont été placées en garde à vue il y a trois semaines.
C'est suffisant ?
Il ne faut rien lâcher et malheureusement montrer une présence permanente, même si ce n'est pas simple.
Ce qu'il faut réformer dans notre pays, c'est qu'un sans domicile stable qui a décidé de ne pas être suivi peut ne pas l'être. Il est donc impossible de le contraindre à être accueilli dans une structure.
Ça, c'est pour les nuisances, mais il y a aussi des vols et des agressions, parfois même en plein après-midi.
Nous avons surtout connaissance de nuisances liées aux individus alcoolisés qui nuisent à la qualité de vie, c'est un vrai problème. J'ai donné à la police municipale l'instruction d'être présente de manière extrêmement soutenue.
Nous avons connu en 2020 à Nice un été marqué par plusieurs attaques au couteau, avec la problématique de la circulation des armes blanches. C'est toujours le cas ?
Ça l'est, je suis d'ailleurs reconnaissant au procureur Xavier Bonhomme, qui a mis en place une circulaire permettant de placer en garde à vue ceux qui seraient arrêtés avec une arme blanche.
Dans le secteur Trachel, le maire Christian Estrosi nous disait en début d'année que l'on y rencontrait une poche de résistance. Où en est-on ?
Elle existe toujours, et nous la combattons tous les jours. Mais est-ce que la situation s'est améliorée à Trachel depuis 10 ans ? Je suis convaincu que oui.
Est-ce que nous avons réussi à éradiquer complètement les dealers ? La réponse est non.
Nous allons voir comment renforcer la sécurité des halls d'immeuble, où on trouve des points de deal, en partenariat avec les syndics.
Des avancées sur le sujet des guetteurs, parfois mineurs ?
Oui, on avance, puisque le procureur a mis en place une procédure simplifiée qui permet de saisir l'argent de ces guetteurs quand ils sont interpellés.
La saison a été relativement calme cet été dans les quartiers, après une fusillade remarquée, aux Moulins, en avril dernier. On tient le bon bout ?
Je n'aurai pas de parole définitive sur le trafic de drogue et les règlements de comptes, puisqu'on peut avoir une victoire un jour, et devoir tout recommencer le lendemain.
Mais le travail des services de sécurité dans ces quartiers n'a jamais été aussi soutenu. Les opérations régulières aux Moulins, à l'Ariane et aux Liserons donnent des résultats. Il reste beaucoup à faire, et cela nécessite une vigilance particulière.
Où en est-on route de Turin, où plusieurs immeubles ont été ou sont gangrénés par les trafics ?
Nous sommes extrêmement mobilisés, notamment sur le 151 de cette rue. Les services de l'État travaillent activement. Il y a une action aussi pour expulser ceux qui occupent des logements sans figurer sur le bail.
On a vu aussi bien cet été que depuis le début de l'année une augmentation spectaculaire du nombre d'interpellations effectuées dans notre ville par la police municipale. Traduit-elle une hausse réelle de délinquance, ou une meilleure organisation des services ?
C'est une excellente question à laquelle je ne peux pas répondre.
Contrairement à nous, l'État ne fait pas la transparence sur ses chiffres et je le regrette. Nous pourrions faire un réel état des lieux de la délinquance en ayant connaissance de tous les indicateurs, ce n'est pas le cas actuellement.
Nous allons passer le cap des 8.000 interpellations effectuées par la police municipale à la fin de l'année : c'est inédit.
Il y a dans notre pays tout entier une hausse de la criminalité, face à laquelle nous avons une organisation de plus en plus performante.
25% de ces arrestations sont liées au crime organisé et au trafic de drogue, ce qui n'est normalement pas le rôle des agents municipaux. Leur ancien chef disait sur Nice-Presse le 17 octobre que la Ville "charge la mule" à ce niveau-là. Vous le comprenez ?
Le trafic de drogue est un fléau partout en France, chez nous y compris. Mais je n'ai rarement vu autant de moyens déployés pour y mettre fin : procureur, préfet,…
Richard Gianotti avait raison de dire ce n'est pas notre mission : face aux trafiquants, la police municipale n'a pas de pouvoir d'investigation, et elle ne peut pas agir en civil sur le terrain. Malgré cela, nous agissons, en arrivant aux limites de nos pouvoirs.
Nous n'arrêterons pas de le faire, puisque ça participe au démantèlement de réseaux criminels.
Qu'avez-vous en tête ?
Nous avons eu une réunion avec le procureur de la République et le préfet. J'ai insisté sur un point qui me préoccupe grandement : on trouve beaucoup de guetteurs et de trafiquants qui sont des étrangers en situation irrégulière.
Les choses évoluent. Nous avions dans nos quartiers des trafiquants qui habitaient là, qui faisaient ça avec leurs potes. Aujourd'hui, à Nice comme dans d'autres villes, nous avons des dealers qui viennent de la région parisienne et de l'étranger.
Sur la place des Amaryllis (aux Moulins, ndlr) nous avons des trafiquants qui sont en situation irrégulière. ils commettent une double infraction : celle du code pénal, et celle du code du séjour. Combien de temps allons-nous tolérer cette situation ? J'attends des résultats.
Alors je vous l'annonce : nous avons proposé de mener des opérations communes, avec la police nationale (et les agents municipaux, ndlr), puisque nous n'avons aucun pouvoir (en tant que Ville, ndlr) concernant le code de séjour. L'idée est de mener des interventions sur des endroits ciblés, que nous connaissons.
L'extension des compétences des policiers municipaux n'a finalement pas pu aboutir. Que faudrait-il faire ?
Cela aurait été, pour toutes les polices municipales de France, une avancée considérable. Le Conseil constitutionnel est venu mettre fin à tout ça. Les parlementaires doivent réintroduire ces dispositions dans les textes à venir. S'il fallait une réforme de la Constitution, il faudrait l'envisager.
Je regrette d'ailleurs qu'il n'y ait eu aucune proposition concrète à ce sujet dans les débats de la primaire à droite…
Délinquants expulsés des logements sociaux
La Ville de Nice a mis en place une procédure simplifiée pour expulser les fauteurs de trouble de leurs logements sociaux. À la racine de cette initiative se trouve la volonté de sanctionner les "délinquants du 31 décembre", auteurs de violences contre les forces de l'ordre. Des sanctions avaient été annoncées contre eux en janvier dernier. Ont-elles pu aboutir ?
Concernant la bande qui aurait jeté un cocktail Molotov sur une voiture de police, "cela fait partie des cas où je suis malheureux, puisque sur l'une des situations, la justice n'a pas donné droit à ma demande, ce que je trouve scandaleux" répond Anthony Borré. "C'est ainsi, la justice nous a donné tort".
Le nombre de dossiers constitués pour obtenir des expulsions est en hausse, a appris Nice-Presse. 80 sont ainsi en cours de traitement, contre 70, d'après une dernière communication datant de mai dernier.