Logements sociaux, habitat durable et qualitatif, prix des loyers, expulsions de locataires… Anthony Borré, premier adjoint au maire de Nice Christian Estrosi, est l'invité spécial de Nice-Presse.
- Première partie de l'interview : "Notre lutte contre le crime organisé produit des résultats" [1/2]
Où en est-on, sur les logements sociaux ?
Le préfet des Alpes-Maritimes Bernard Gonzalez nous a fixé des objectifs chiffrés. Nous nous rapprochons de cette ambition, avec 70% de taux de réalisation de notre PLH (plan local de l'habitat), qui comprend 1.723 nouveaux logements par an.
Sur "l'année Covid", nous étions à 50%. La ministre Emmanuelle Wargon a salué un niveau "satisfaisant". Est-ce que la situation est totalement satisfaisante ? La réponse est non. Est-ce que nous faisons tout ce que nous pouvons ? Tout à fait.
Que proposez-vous au niveau de la loi SRU, qui régit les obligations des communes en la matière ?
Je demande une réforme, des initiatives sont d'ailleurs en cours au Parlement. Mais elles ne vont pas assez loin.
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Je suggère que l'on prenne en compte les dépenses de rénovation urbaine. Nous avons investi 500 millions d'euros dans la précédente mandature (2014-2020) et 300 millions sur celle-ci, aux Liserons, aux Moulins, à l'Ariane, à Pasteur… C'est absolument impératif.
Mais en luttant contre la densification (avec moins de grosses barres d'immeubles, ndlr), nous sommes perdants au titre de la loi SRU ! C'est une aberration totale.
"Notre logique n'est pas de construire toujours plus, mais de construire mieux"
Vous avez voulu faire évoluer la charte du partenariat public-privé dans la Métropole. Pourquoi ?
Celle qui porte sur la régulation des prix du foncier a produit d'importants résultats. Sur le même modèle, j'ai souhaité que l'on s'engage à la fois vers une démarche écologique, et sur la qualité des logements.
On doit s'intéresser à la superficie. Depuis la fin des années 1970, nous avons perdu en moyenne en France, à prix équivalent, 10 m² par logement.
De même, la question du chauffage éco-responsable est plutôt bien prise en main depuis quelques années, c'est moins le cas sur le refroidissement de l'habitat pendant les canicules.
Les subventions accordées aux bailleurs seront conditionnées au respect des nouvelles dispositions de la charte sur ces sujets. Pour les promoteurs, respecter ces principes permettra un traitement rapide de leurs permis de construire.
Vous souhaitez encourager "l'habitat partagé". Qu'est-ce que c'est ?
Le premier projet lancé en la matière concerne l'îlot Cessole (Nice Nord). Nous allons innover, avec 18 logements 100% participatifs. Le partenaire n'est pas encore choisi, mais nous allons concevoir, avec les 18 futurs foyers qui occuperont les lieux, toutes les étapes de la construction : espaces partagés, disposition de la cour intérieure et des appartements…
Cette co-construction ne sera pas livrée l'année prochaine, nous nous inscrivons dans du long terme. Le concept d'habitat participatif a d'ailleurs vocation à se généraliser.
Il y a eu beaucoup de mensonges sur Cessole, une campagne de dénigrement menée notamment par les élus Rassemblement national. Ils s'opposent d'ailleurs à tous les chantiers de logements, sociaux ou non, systématiquement. Sans aucune analyse. C'est quelque chose que je combats de toutes mes forces.
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Vous marquez, depuis votre prise de fonction, un lien évident entre le logement et les questions de sécurité. Pourquoi ?
La logique du maire Christian Estrosi quand il m'a transmis ces deux délégations, c'est que tout le monde a envie d'occuper un logement en s'y sentant bien. La sécurité est un élément majeur de ce vivre-ensemble. Mais ça ne se résume évidemment pas qu'à cela.
Sur cette cohérence, nous sommes considérés comme une référence par les autres communes. C'est une satisfaction.
"J'assume les expulsions"
On a beaucoup parlé de l'expulsion, à la rentrée, de différents locataires de logements sociaux. Ça valait le coup ?
J'ai entendu des combattants de la convention qui a permis cette expulsion dire "c'est un scandale, un déni de démocratie". Je leur dis que tout cela se fait sous le contrôle du juge.
Les élus de gauche qui tapent sur cette mesure, tapent sur la justice. La procédure est au point, et je l'assume.
La valeur de l'exemple est importante. Les locataires qui viennent devant nous, convoqués par le Conseil des droits et des devoirs de CAH, ont cette sanction en tête.
Mais nous pouvons l'éviter. Au cours de la dernière séance, nous avons pu échanger avec une dame formidable, qui a reconnu que son fils avait déconné avec la drogue. Depuis 6 mois, accompagné par une association, il est revenu dans le droit chemin. Il faudra qu'il y reste pour que sa mère n'ait pas de problèmes.
"Je ne compte pas mettre la poussière sur le tapis"
D'après un expert que nous avons reçu, Nice perd des habitants parce qu'elle ne construit pas assez de logements. Vous partagez cette analyse ?
Non. La différence entre ces experts qui commentent depuis leurs bureaux et les acteurs de terrain, c'est que nous cherchons à produire chaque jour du logement, en voyant de près les difficultés auxquelles nous sommes confrontés.
C'est ainsi, nous avons un territoire où le foncier est rare, alors que nous devons accompagner une dynamique de construction : il faut répondre aux demandeurs de logements, sans le faire de façon déraisonnée.
Par exemple, plus de 70% de la population est éligible au logement social, ce qui fait 16.000 demandeurs sur la ville, 22.000 dans la Métropole. Bien d'autres cherchent à se loger dans le "libre", pour exercer leur métier d'infirmière, de policier, d'artisan, d'entrepreneur… Le défi est immense.
Nous ne devons pas construire n'importe comment, raison pour laquelle nous nous attachons à la qualité.
Il y aussi l'envie de dépoussiérer Côte d'Azur Habitat, le principal bailleur social du 06, que vous présidez…
On le disait vieillissant, certains posaient la question de son avenir.
Nous allons bientôt lancer une application très performante pour les locataires (activation du chauffage, panne d'ascenseur…). Tout le monde m'a dit que c'était une mauvaise idée de lancer Côte d'Azur Habitat sur les réseaux sociaux, parce que les gens allaient faire remonter des doléances, des problèmes. Mais tant mieux ! Je ne compte pas mettre la poussière sur le tapis.
Il y a dans cette maison, que j'aime, un vrai esprit familial avec des agents totalement dévoués à la cause du service public. Ils me remercient de leur avoir donné un cap : la tranquilité des locataires, la réforme des parkings, etc.
Devenu métropolitain, avec un rayonnement départemental, CAH ne peut pas être un office mobilisé uniquement sur le logement social. Il doit se tourner vers du logement intermédiaire, les résidences seniors…
Quel bilan en tirez-vous, plus d'un an après votre arrivée ?
Très positif en termes de rapports humains, avec les agents et les locataires. Je tiens aussi régulièrement des permanences, cette semaine je recevais par exemple sans rendez-vous. Pour cet Office, je vois beaucoup de perspectives d'avenir.