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Le quotidien a repris, en Une et sans guillemets, un slogan de la Manif pour tous, un mouvement politique anti-mariage gay et anti-PMA. Certains militants LGBT ont dénoncé un titre "homophobe" sur les réseaux sociaux, alors que l'article en question ne prend pas parti d'un côté ou de l'autre
DÉCRYPTAGE — Levée de boucliers ce week-end contre la rédaction de Nice-Matin. Samedi, le titre "PMA sans père : pourquoi ils sont contre" a mis en colère plusieurs militants pour les droits LGBT+ (lesbiennes, gays, bis, trans).
Certains ont reproché au journal de reprendre l'expression de la Manif pour tous "PMA sans père" sans la présenter comme une citation avec des guillemets, c'est-à-dire en la reprenant (en tous cas visuellement) pour le compte de la rédaction.
"Sérieusement, Nice-Matin ? Mettre en Une le slogan dégueulasse d'un groupuscule extrémiste et hostiles aux personnes LGBT?" s'emporte Romain Burrel, patron du magazine gay Têtu. "Vous avez pêté les plombs ? Expliquez-vous!"
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Visuel Rivieractu |
La médiatique avocate Caroline Mecary : "Alors Nice-Matin, vous ne devez pas connaître les recommandations de l'association des journalistes LGBT, à moins que vous vouliez 'juste' vous faire du fric sur le dos des familles homoparentales en vendant davantage votre feuillet avec un titre putassier ? Je pose la question".
Ou encore "c'est ça votre déontologie journalistique ? Reprendre les mots anti-LGBT sans guillemets, sans prise de distance" s'interroge l'ancien président de SOS Homophobie Joël Deumier. Ce dernier avait déjà dénoncé "les discours homophobes" de Nice-Matin en février dernier après un article du journal titré "Un carnaval gay pour s'amuser comme des folles". Sur le web, la phrase avait été retirée, mais le journal n'avait, à notre connaissance, pas réagi publiquement.
Le problème du slogan
Effectivement, sur cette Une, le quotidien a mis entre guillemets l'expression employée par le gouvernement "PMA pour toutes", mais pas celle des mouvements de droite "PMA sans père".
Pourquoi ce slogan poserait-t-il problème ? Inventée par la Manif pour tous, la punchline en entier est "PMA sans père : enfants sans repères".
Elle "stigmatise les familles homoparentales et produit de l’homophobie" développe Joël Deumier. "Il incite les gens à passer à l’acte contre les LGBT. Cela explique en partie la vague d’homophobie que connaît le pays aujourd’hui."
Il y a un article derrière le titre
Sur les réseaux sociaux, on reproche à Nice-Matin de ne donner la parole qu'à un côté, ceux qui sont opposés à la PMA, et qui expriment cette opposition parfois avec des mots violents.
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Visuel Rivieractu |
Le papier donne en effet exclusivement la parole à des "associations traditionalistes", logique, puisque son angle est "ceux qui sont contre s'expliquent".
Une porte-parole de l'AFC (Associations familiales catholiques) y regrette la création de "générations d'orphelins de père (…) Moi je n’ai pas envie de mettre un centime là-dedans. J’ai deux petits garçons et je m’inquiète pour eux. Ils vont être réduits à des réservoirs de sperme (sic)."
Sens Commun ("mouvement réac et tradi" sous la plume de Libération) : "La PMA sans père, c’est la GPA qu’on va ensuite nous faire avaler".
Ils y voient même un "complot": "A croire que tout est calculé pour modifier la nature. Nous trouvons cela effrayant"
Alliance Vita 06 : "Un enfant sans père sera discriminé à l’école, tout ça parce que des femmes ont décidé (sic) de faire leur vie sans un homme"
La Manif pour tous, qui s'exprime également dans le papier : "un enfant, c’est un père, une mère, c’est tout". Niant ainsi l'ouverture de l'adoption aux couples homos, légalisée depuis 2013.
"Ce titre aurait mérité plus de réflexion"
L'article de samedi ne donne donc la parole qu'à la droite dure, qu'aux "anti".
À préciser tout de même qu'un encadré résume les prises de position des différents députés des Alpes-Maritimes sur la PMA, qu'ils sont une majorité à défendre.
Nice-Matin a relayé toutes les dépêches AFP relatives à la PMA (avec un traitement évidemment objectif), y a consacré plusieurs reportages et même un débat contradictoire dans ses pages il y a un an, en septembre 2018, avec du côté des "pour" Erwann Le Hô, président du centre LGBT Côte d'Azur, et Jean Leonetti, vice-président délégué des Républicains pour les "contre". Cet échange d'arguments est à retrouver ici.
Du côté du journal (qui n'a pas publié de réponse publique), on ne parle pas d'erreur, mais on reconnaît que "ce titre aurait mérité plus de réflexion".
Les différents reporters que nous avons sollicité font tous bloc derrière le papier, qui, bien que non-contradictoire, "ne donne pas le point de vue du journal et n'est pas attaquable".
D'après nos informations, plusieurs membres de la rédaction sont allés vers les associations pour ouvrir un dialogue.