Pour les associations de cyclistes et les vendeurs de deux-roues, les mesures de la Ville ont du bon, mais pas que… Entre précipitation dans la mise en place des pistes cyclables et problèmes administratifs avec la prime proposée, la cinquième ville de France semble encore loin de son objectif de "ville à bicyclette".
"Voiture du pauvre", " parfait accessoire du bobo"… victime de ses clichés, le vélo a bien du mal à se faire une réelle place dans la culture urbaine française. "C'est dangereux d'en faire à Nice, alors beaucoup continuent de privilégier la voiture" explique Benoît Dérijard, chercheur au CNRS et co-président de l'association Nice à vélo.
Si @cestrosi veut montrer sa fermeté dans #Nice06, il n'a qu'à suivre les pistes cyclables.…il y a tout ce qu'il faut.…😉 https://t.co/HIZNRRiJst pic.twitter.com/qmIZJvyuMF
— Benoit DERIJARD (@derijard) June 7, 2020
Une dangerosité qui s'explique par le comportement des automobilistes. "Quand vous voyez les livreurs qui se garent en double-file parce que des particuliers leur ont pris leurs places de stationnement, les voitures se retrouvent obligées de rouler sur la piste cyclable, c'est très dangereux" peste le Niçois qui "se déplace en grande majorité à vélo."
Une culture à changer
Si des incivilités telles que celles-ci ont lieu, d'après le militant-cycliste, la faute revient à une culture vélo absente. "Les centres-villes doivent réduire la part de la voiture, c’est une évidence. Mais il manque des infrastructures sécurisées et de la communication… Ça éviterait pourtant les 500 morts prématurées à Nice à cause de la pollution atmosphérique."
"Après on est quand même ravis, tant qu'il y a plus de place pour le vélo c'est bien" sourit Benoît Dérijard.
Un engouement croissant
Cette satisfaction est partagée par les vendeurs de deux roues. "On n'a pas le temps de trop vous répondre, le magasin est plein" répondent Alticoop VTT, La Roue Libre, le Café du cycliste ou encore Bouticycle Nice.
L'engouement est tel que le déconfinement a créé une ruée vers ces boutiques de vélo.
"On a beaucoup plus de clients qu'avant."
"On ne sait pas vraiment d'où ça vient mais on est contents bien sûr !" se réjouit Nicolas Mutz, gérant de Culture Vélo.
Grâce, peut-être aux primes, ou bien à la mise en place des pistes cyclables, l'affluence "a beaucoup augmenté."
Mais face à une demande de plus en plus importante, le gérant a vu apparaître de nouveaux problèmes.
"On a dû arrêter avec les primes [de l'Etat pour remettre à neuf son vélo] car il y avait trop de demandes, ça nous faisait trop de boulot. Le problème c'est que c'est à nous d'avancer les frais et on envoie par la suite les dossiers pour se faire rembourser."
En plus de la charge administrative, le magasin connaît des difficultés quant aux remboursements. "Depuis le début de la mise en place de tout cela, on n'a eu qu'un dossier qui nous a été remboursé…" soupire Nicolas Mutz.
Quant à la prime de la Métropole Nice Côte d'Azur, "chaque particulier fait la demande […] il s'agit de 200 euros pour un vélo électrique et 100 euros pour un vélo normal" explique Gaël Nofri, délégué à la circulation, au stationnement et aux espaces piétons de la ville de Nice.
Des problèmes de communication
Autant du côté des associations, des riverains que des commerçants, le "manque de concertation" revient toujours.
Le co-président de Nice à vélo l'assure, "on a été mis devant le fait accompli le 7 mai. Ils nous ont dit 'la semaine prochaine on va faire x kilomètres de pistes cyclables', on n’a pas vraiment été consultés sur la forme, les parcours." Avant d'ajouter "on a juste eu le droit à une réunion d'informations le 2 mai avec la présentation des plans."
Interrogé par "Nice-Matin", Christian Estrosi a justifié cette précipitation par "une fenêtre de tir" qu'offrait le déconfinement. "C’était une opportunité à saisir durant cette période" a affirmé le maire précisant que les gens ne voulait pas prendre leur voiture mais "respirer, marcher, pédaler".
"Il va y avoir des morts"
"On n'aurait pas fermé Gambetta aux automobilistes" dénonce encore le co-président de Nice à Vélo (dont l'entente avec la Ville n'était pas fameuse jusqu'au début du mois de mai, à présent des échanges réguliers ont lieu).
"Nous sommes ravis bien sûr, les six kilomètres qui sont faits sont très bien, mais il manque des choses."
"Par exemple, le haut de Gambetta, il n’y a pas de plots, c’est un coupe-gorge, toutes les 30 secondes il y a un automobiliste sur la piste cyclable, il va y avoir des morts."
Plusieurs fois signalé sur les réseaux sociaux, ce problème de sécurité devrait être réglés d'ici peu. "Des coussinets de séparation seront installés" a tweeté Gaël Nofri.
Encore des choses à améliorer
En plus du manque de sécurité souligné par Nice à vélo et de nombreux cyclistes, l'association a fait remarquer l'absence de structures dans certains quartiers. "La seule solution proposée pour les collines niçoises, ce sont les e-Vélobleus, mais il n'y a pas de pistes sécurisées et dans les collines c'est compliqué à mettre en place" explique Benoît Dérijard.
"Nous avons proposé que des porteurs soient installés sur les bus, cela permettrait aux personnes de mêler vélo et transports en commun lorsque le deux-roues n'est plus possible."
Super bobo va ! Quand tu as plus dec70 ans que tu habites sur les collines tu fais comment pour circuler en vélo ?? Oui bien sur je dois me taire j'ai échappé au Coronavirus , je n'ai pas besoin d'aller en ville ! J'espère que les vieux ne vont pas voter pour l'instigateur !
— CB (@Dontgivup46) May 31, 2020
En réponse à cette proposition, Gaël Nofri a alors précisé "c'est une réflexion qu'on a depuis longtemps […] c'est très compliqué car ça demande un arrêt assez long des bus pour charger et décharger les vélos. Ce sont des arrêts au milieu des voies et ça rallongerait de beaucoup les temps de parcours."
Ajoutant "on voit beaucoup cela dans des zones un peu plus rurales où il y a la possibilité de doubler le bus. On ne dit pas non à ce système, mais nous n'avons pas encore trouvé le modèle qui permettrait de garder la qualité du service public, une bonne circulation et en même temps de rendre service. Mais on n'a pas d'opposition de principe."
Chez nos confrères de"Nice-Matin" , le conseiller municipal a aussi évoqué le report de la piétonnisation temporaire du quai Lunel.
"La situation a évolué et les échanges avec les restaurateurs n’ont pas permis de déceler un engouement de leur part." a-t-il expliqué au quotidien local.
Mis à jour le 08.06.20 à 20h40 (propos de Gaël Nofri et détails au sujet des primes)
Mis à jour le 09.06.20 à 11h40 (ajout de nouveaux propos de Benoît Dérijard)