► En fin de sujet, l'interview du député Loïc Dombreval, rapporteur de la proposition de loi contre la maltraitance animale.
Impossible de les rater ! Ce mardi 23 février, 87 affiches de trois mètres sur trois ont été installées aux quatre coins de Nice et son territoire. Barrées de cette sentence choc "Bien-être animal ? La majorité des abattoirs égorge les animaux à vif !", elles ont été commandées par l'Alliance anti-corrida, en partenariat avec l'Oeuvre d'Assistance aux Bêtes d'Abattoirs (OABA), pour réclamer "l’obligation de l'étourdissement".
"Les élus évitent le sujet"
"Au même titre que le corrida, l'abattage rituel est une pratique totalement indigne à laquelle il faut mettre fin. C'est en plus une dérogation à la loi pour des motifs strictement religieux" entame Claire Starozinski de l'Alliance. En plus de cette opération d'affichage dans l'espace public (à Nice et dans sept autres villes, voir encadré), l'association mène également au niveau national une campagne numérique "pour toucher dix millions de personnes".
L'objectif ? "Sensibiliser le grand public, qui peut être choqué par certaines images tournées par les associations sans toujours se mobiliser réellement".
"C'est monstrueux ce qu'on fait aux animaux dans ces abattoirs. Les images m'ont soulevé le coeur, il peut clairement y avoir du sadisme" Claire Starozinski, Alliance Anti-corrida
Claire Starozinski poursuit : "la dernière proposition de loi sur la maltraitance animale n'aborde pas cette question. Nos parlementaires ont soigneusement évité les sujets qui fâchent. De la part de la majorité ou de l'opposition, c'est toujours la même rengaine. C'est un sujet polémique, comme celui des chasses les plus cruelles, qui n'a pas été abordé non plus, et bien sûr, la corrida".
Les consommateurs trompés
"Puisque les élus n'en parlent pas, nous avons décidé de le faire directement avec cette campagne. Les gens ont le droit de savoir" poursuit-elle.
"Il y a aussi l'histoire de la consommation de viande. Quand les morceaux d'une bête qui a été abattue (halal ou casher) — donc qui a été saignée en pleine conscience dans une souffrance inimaginable — n'ont pas été vendus, ils sont ré-injectés dans le circuit conventionnel parce qu'il n'y a pas d'étiquetage obligatoire. Le consommateur achète donc à son insu de la viande d'animaux qui ont été égorgés !"
Première victoire de l'OABA suite à un procès : "la viande d'animaux saignés en pleine conscience est désormais exclue du label Bio". Mais le chemin à parcourir est encore long.
Qu'importe les précautions mises en place dans les abattoirs et soulignées par le ministère, "cela n'apporte rien en termes de protection animale et on maintient une dérogation religieuse alors qu'il est censé y avoir une séparation entre l'État et les cultes".
Les avis politiques
Dans les Alpes-Maritimes, les collectifs concernés se disent assez peu soutenus par les élus locaux, frileux à l'idée de se lancer dans le débat du halal et du casher.
Effectivement, différents députés Les Républicains contactés par Nice-Presse ce jour ont décliné nos demandes d'interviews. Éric Pauget, pourtant à l'initiative d'un texte contre la corrida dernièrement, n'a même pas donné suite.
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Le conseiller municipal de Nice Henry-Jean Servat, lui, n'a pas peur de se mouiller. "La campagne contre l'abattage à vif trône sur les panneaux et les murs de Nice" s'est-il réjouit ce matin dans la boucle Whatsapp réservée aux élus niçois. Dans son message, que nous avons pu consulter, l'écrivain, très engagé depuis de nombreuses années pour le bien-être animal, s'engage pour que la "maltraitance (soit) au cœur des débats".
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"L'abattage rituel, halal et casher, en est soigneusement écarté" regrette-t-il, pointant "l'incurie du gouvernement" sur cette question.
"Je soutiens pleinement la campagne de l'Alliance anti-corrida, qui ne stigmatise personne mais réprouve une méthode d'abattage cruelle et inutile. Aucun texte religieux n'interdit l'abattage avec étourdissement. Égorgé à vif, un animal met quatorze minutes à se vider de son sang. Non à cette horreur!"
Cette prise de position s'effectue "à titre tout à fait personnel" nous précise M. Servat, alors que les affiches auraient été accueillies très fraîchement du côté de la mairie, d'après plusieurs retours.
840 panneaux dans 8 villes de France
87 autour de Nice
140.000 euros de budget, "financé par les dons"
10 millions de personnes touchées sur les réseaux sociaux
L'ancien conseiller municipal socialiste Patrick Allemand incite toutefois à "prendre garde à toutes les formes de récupération sur ce sujet, ce type de débat peut nous mettre le pays à feu et à sang". La période n'étant "pas idéale" pour ré-ouvrir le débat, le président de Nice au Coeur préconise plutôt "une discussion ouverte avec les cultes".
Son compagnon de route Xavier Garcia, le premier secrétaire du PS 06, souligne que "la souffrance animale dépasse la seule question des abattages rituels. Mais il est aujourd'hui inconcevable de tuer les animaux" dans ces conditions. "Cela doit désormais figurer dans la loi, sans exception".
"Souffrance animale intolérable" pour le RN
"'Faire de la protection animale une priorité nationale' figurait déjà dans le projet présidentiel que je défendais au côté de Marine Le Pen en 2017" rappelle Philippe Vardon, conseiller municipal et régional Rassemblement national. Dès 2012, le Front national comme le président-sortant Nicolas Sarkozy avaient relancé la polémique sur le halal, mettant en avant "une problématique au cœur des préoccupations (et) des discussions des Français".
M. Vardon poursuit : "L’abattage sans étourdissement, sans même parler des dérives de l’abattage sauvage que j’ai déjà dénoncé à de multiples reprises à Nice, relève d’une souffrance animale intolérable".
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"Il faut un débat sans tabou" estime le député Dombreval
Élu La République en Marche (LREM) de la 2e circonscription des Alpes-Maritimes depuis 2017, rapporteur de la proposition de loi contre la maltraitance animale
"Tout le monde a peur d'aborder la question parce que le Rassemblement national s'est positionné dessus" confirme Loïc Dombreval. "Il faut pourtant s'emparer de ce sujet sans aucun tabou. Si on n'en parle pas, on laisse un parti extrémiste se l'approprier pour faire passer des messages qui stimatisent les musulmans. Parce que dans l'esprit des élus, quand on parle d'abattage rituel, il n'y aurait que le halal, et pas le casher, alors que c'est exactement le même problème".
"Et puis je vais vous dire quelque chose : dans l'état actuel du débat et des discussions que j'ai eu, ce sont peut-être les musulmans qui sont les plus enclins à bouger" avance l'élu azuréen.
La conversation lancée, pourquoi le débat a-t-il été mis sous la tapis pendant l'examen du texte sur la maltraitance animale ? "Quand on égorge un animal qui n'a pas été étourdi, on génère des souffrances odieuses. Dans une proposition de loi comme celle-ci, on devrait y trouver l'ensemble des sujets. Celui-là en est un, la corrida en est un autre"
"Bien sûr que moi j'ai envie que ce soit présent dans la loi. Mais je sais aussi que si nous avions mis ces sujets dans le texte, il ne sera pas voté" Loïc Dombreval, député LREM des Alpes-Maritimes à « Nice-Presse »
Pour réussir à discuter de ce sujet complexe avec la mesure nécessaire, l'élu rappelle que deux autres méthodes existent.
"Nous pourrions avoir soit un étourdissement réversible préalable à l'égorgement, pour que l'animal ne soit pas mort avant d'être égorgé, ce qui est un point de discussion avec les cultes. Ou bien un étourdissement juste après cet égorgement pour éviter les souffrances. Ce sont deux options sur lesquelles on doit avancer".
Enfin, pour Loïc Dombreval, l'heure d'un étiquetage clair est venue, puisque le consommateur "est en droit de savoir dans quelles conditions la bête a été abattue".
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