Il fait la Une de toute la presse du jour et nécessite un dispositif hors norme : le procès de l'attentat de Nice s'ouvre aujourd'hui à Paris et devrait durer jusqu'en décembre. On fait le point sur les questions que vous vous posez.
6 ans après, le temps de la justice. Le 14 juillet 2016 dans la nuit, Mohamed Lahouaiej Bouhlel, au volant d'un camion, emportait 86 personnes — dont 15 enfants et adolescents — et en blessait des centaines sur la Promenade des Anglais. Sa course folle est arrêtée quand le terroriste est abattu par la police.
À l'époque, le prétendu État islamique avait revendiqué l'attaque, même si aucun lien ni trace d’allégeance entre l'organisation criminelle et le tueur n'a été trouvé. Le procès qui s'ouvre comprend 8 accusés.
1. À quoi va servir le procès ?
Pas à juger l'assassin, qui est mort depuis des années, ni à traduire en justice des complices, puisque l'enquête n'a pas réuni les éléments pour en désigner.
Sept hommes et une femme sont renvoyés devant la cour d’assises spécialement composée, avec des charges relativement légères. Les prochaines semaines seront consacrées à évaluer leur responsabilité dans le drame.
La juge du pôle antiterroriste qui a signé l'ordonnance de mise en accusation a considéré qu'il "est établi de manière certaine" que "l’acte perpétré" par Lahouaiej Bouhlel "n’a pas eu de coauteur direct".
Trois hommes sont suspectés "d'association de malfaiteurs terroriste" puisqu'ils auraient été, d'après le dossier, "pleinement conscient[s] de l’adhésion récente de Mohamed Lahouaiej Bouhlel à l’idéologie nihiliste du djihad armé et de sa fascination pour les passages à l’acte violents" avant de l'avoir potentiellement aidé à louer un camion et à trouver des armes. Les choses sont plutôt claires pour ce qui est de l'achat d'un pistolet, comme le rappelle Mediapart, beaucoup moins pour le camion.
"Deux des accusés se voient reprocher des messages que leur a envoyés Lahouaiej Bouhlel laissant entendre qu’ils pouvaient l’avoir aidé dans sa tentative de louer un camion…, qui ne sera finalement pas celui qui lui servira à perpétrer sa sinistre besogne" rappellent nos confrères.
Les cinq autres accusés — qui encourent des peines de cinq à dix de prison — auraient plus ou moins participé à l'obtention du pistolet. Des évaluations ont pu conclure à propos des huit individus l'absence de "signe de radicalisation ou d’adhésion au salafisme djihadiste".
Un neuvième homme mis en examen dans l'affaire s'est donné la mort dans sa cellule de Fleury-Mérogis le 8 juin 2018. L'un des accusés est actuellement en fuite, il sera donc jugé en son absence.
2. Par quoi les victimes et leurs proches pourraient être frustrés ?
Par la faiblesse éventuelle des peines prononcées contre ces individus, au regard des charges qui pèsent contre eux.
Certaines questions ne seront pas réglées dans le cadre de ce procès. L'enquête qui porte sur le dispositif de sécurité déployé le 14 juillet 2016 fait l'objet d'une instruction distincte.
De plus, le djihadiste qui a revendiqué au nom du prétendu État islamique l’attentat de Nice ne sera pas au procès. Adrien Guihal n'a pas été interrogé et il est aux mains des Kurdes à l'étranger.
3. Comment s'organise la procédure ?
Elle débute ce lundi 5 septembre à 13h30 depuis Paris comme le veut la loi de 1986, avec une diffusion exceptionnellement délocalisée depuis le Palais Acropolis à Nice, les victimes et proches étant pour beaucoup issues du Sud-Est. Une web-radio sécurisée et traduite en anglais permet aux victimes étrangères de suivre le procès.
Lequel sera intégralement filmé, pour les Archives nationales, depuis la salle dite des "Grands procès".
Quelques chiffres : 64 jours d’audience, 865 parties civiles constituées à ce stade, 33 victimes étrangères de dix nationalités différentes, 133 avocats dont 14 en défense, une centaine de médias accrédités…
4. Quels en seront les temps forts ?
Les prochaines semaines permettront de donner l'espace d'expression libre que méritent les victimes et leurs proches.
L'ancien président de la République François Hollande devrait venir témoigner, tout autant que l'ancien ministre Bernard Cazeneuve, ou que l'ex-premier adjoint au maire Christian Estrosi.
Les premières auditions de parties civiles débuteront le 21 septembre et dureront jusqu’au 21 octobre, les interrogatoires concernant les accusés sont prévus entre le 2 et le 18 novembre. Les avocats de parties civiles plaideront entre le 28 novembre et le 2 décembre. Du 6 au 9 décembre auront lieu le réquisitoire du parquet national antiterroriste (PNAT) et les plaidoiries de la défense.
Le verdict devrait en principe être rendu le 16 décembre prochain.