❝ L'invité du dimanche -- À Nice, il est délégué à la Santé, à l’Écologie et au Bien-être, tout en étant vice-président de la Métropole NCA. Gestion de la crise sanitaire, dérèglement climatique, grands chantiers… le docteur Richard Chemla a reçu Nice-Presse pendant une heure dans son bureau de l'Hôtel de ville pour dresser un premier bilan de l'action municipale.
NICE-PRESSE. L'air de Nice est particulièrement pollué. Comment agissez-vous pour inverser la vapeur ?
Dr. Richard Chemla : "Ce qui peut parraître très compliqué est en réalité très simple. Chez nous, qu'est-ce qui nous pénalise ? Les transports, c'est là que nous devons travailler.
Quel est le meilleur transport ? Celui que nous n'utilisons pas. Il faut emmener les métropolitains vers la marche à pieds. Et tout de suite après vient le vélo. Une fois que vous avez dit ça, vous avez tout dit. Le reste, c'est de la rigolade.
Il faut faire comprendre que se promener dans la ville c'est bénéfique pour l'environnement et peut-être encore davantage pour soi-même.

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Si j'ai accepté de suivre Christian Estrosi, c'est qu'il ne nous reste que cinq ans pour agir, pour changer les choses, d'ici à la fin du mandat. Sinon, nous sommes foutus.
Dr. Richard Chemla à "Nice-Presse"
Nous n'avons jamais été aussi pressés, il faut que les gens en aient conscience. Il n'y a déjà pas de retour en arrière possible : on va payer le réchauffement climatique et c'est pour ça que nous nous battons pour une ville résiliante, qui sera capable d'affronter ce dérèglement.
Pour que l'écologie soit acceptée, il faut faire comprendre aux gens ces enjeux et les entraîner avec nous.

Les opposants du maire me font sourire, notamment lorsqu'ils s'opposent à la destruction du théâtre (le projet de démolition du TNN et du palais des congrès Acropolis, NDLR). Dans les années qui viennent, chaque coin de verdure, chaque arbre planté, vaudra de l'or. N'importe quelle démolition a sa place… Moi, je ne mens jamais.
Concrètement, la Coulée verte permet déjà de baisser la température de deux degrés, voire de trois, certains soirs. Son premier intérêt n'est pas qu'elle est jolie et qu'on aime s'y promener, c'est qu'elle bloque la définition de la canicule."
Vous avez dévoilé le Plan Vélo qui prévoit de doubler le nombre de km de voies cyclables d'ici à 2026. Que manquerait-t-il encore aux Niçois pour se mettre au vélo ?
"C'est une bonne question, parce que je ne suis pas attaché aux kilomètres. On peut faire de tout à ce niveau, mais si c'est mal fait, ça ne sert à rien.
Notre philosophie, c'est qu'on ne construit pas des pistes pour les cyclistes actuels, mais pour les prochains, pour leur donner envie de s'y mettre. Par exemple, nous allons aménager une piste vers Monaco : le Prince estime qu'il s'agira de la plus belle du monde.

C'est tout l'intérêt du plan porté par Christian Estrosi : il se lance dans un maillage structurant qui va permettre d'entraîner des personnes comme moi dans cette nouvelle habitude. Je suis honnête, moi j'ai peur de faire du vélo à cause des voitures. Notre plan répond à toutes ces problématiques de sécurité.
Nous n'allons pas uniquement construire de nouvelles voies, mais rénover les anciennes, ce qui est déjà un gros volet, et répondre à tous les besoins : électrique, location longue durée, réparation…
Il faut répondre à des habitudes difficiles au niveau de la circulation dans Nice, sans s'attaquer aux automobilistes, parce que ce serait contre-productif. Nous sommes dans une politique volontariste et éducative.
Dans le programme de Christian Estrosi en 2020, il y avait cette idée de nommer un interlocuteur unique sur ce sujet, et de créer une "Maison du Vélo". Où en est-on ?
"Le maire a vraiment porté ce programme, c'est 'son' Plan Vélo. L'interlocuteur est là, on a une 'madame vélo'. La plupart des associations sont en contact avec elle, et en sont très satisfaites.
La Maison du Vélo sera bientôt à disposition de tous : rencontres, histoire du cyclisme, bourses d'échange, réparations, organisation de soirées avec des sportifs…
Dr. Richard Chemla à "Nice-Presse"
Je ne vous donnerai pas de date pour son ouverture parce que je ne suis pas un vrai politique. Mais nous y travaillons, en concertation. Nous n'avons pas encore trouvé le lieu idéal."
Au niveau de la végétalisation en centre-ville, que répondez-vous aux Niçois qui y voient un gadget ?
"Les dossiers sont plus compliqués qu'on ne le pense. Sur la végétalisation, il y a plusieurs points à appréhender.
Jour après jour, la nature fait son retour au coeur de Nice. La végétalisation est déjà bien avancée sur le premier ruban vert Bottero/Joffre/Pastorelli/Devoluy où l'on sentira bientôt le parfum des agrumes et où l'on entendra le chant des oiseaux…🍋🐦 #Nice06 pic.twitter.com/z4abPgGisU
— Françoise Monier (@MonierF06) September 23, 2019
Déjà, les plantes et les arbres installés vont récupérer une partie des gaz à effet de serre.
Ensuite, ils vont absorber les particules fines qui nous empoisonnent : elles sont dramatiques puisqu'elles attaquent les poumons et le cerveau et provoquent des maladies systémiques et des AVC. Il y a aujourd'hui 450 morts chaque année dans la Métropole à cause de la pollution de l'air.
C'est pour cela que j'ai trouvé très intéressante cette vision du maire d'associer dans ma délégation à la fois la santé et l'environnement. Au début, je me disais 'qu'est-ce qu'il me raconte' alors qu'il y a une vraie cohérence. Christian Estrosi a des défauts mais il de vraies qualités pour se projeter dans le futur.
Dr. Richard Chemla à "Nice-Presse"
Le verdissement permet d'agir sur un problème de santé public majeur. C'est pourquoi nous allons aussi l'étendre aux écoles de la ville, pour les apaiser. Les plantes agissent contre l'anxiété : nous ne sommes pas du tout faits pour vivre dans le béton.
Au-delà du verdissement, nous en revenons aux transports : il n'y a que le vélo et la marche à pieds qui empêchent les particules fines. Même le tramway et l'électrique en dégagent.
"En ne lésant personne, en prenant le temps, en trouvant des compensations, il faut sortir la voiture de la ville. Elle nous rend malade."
Dr. Richard Chemla à "Nice-Presse"

La nouvelle mandature a déjà créé un Conseil du climat et une Agence de gestion des risques : des "machins" de plus ?
"Le Conseil du climat réunit les meilleurs experts dans chaque discipline : ils nous proposent des actions concrètes pour lutter contre les grands phénomènes qui nous menacent. Le volet prospectif de ces deux dispositifs est capital : nous saurons comment agir dans toutes les situations (tremblement de terre, tsunami,…)
L'Agence de sécurité et de gestion des risques a fait ses preuves dès le moment où elle a été créée
Dr. Richard Chemla à "Nice-Presse"
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C'est un bébé qui est né qui a dû apprendre à marcher et parler tout seul. Il a fallu gérer immédiatement les conséquences de la crise Covid et de la tempête Alex. Elle a montré qu'aujourd'hui la résolution des problèmes se fait 'à taille métropolitaine'.
"Il y a une vallée qui est juste à côté de nous et qui n'appartient pas à la métropole : sans notre Agence, les habitants sont pénalisés. On a vu les retards pris par rapport à nous tant sur les intempéries que sur la crise sanitaire"
Dr. Richard Chemla à "Nice-Presse"
Sur le Covid, elle a fait un sans-faute, et en médecine, c'est rare.
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Beaucoup disent, dans l'opposition notamment, qu'en centre-ville on ménage des espaces verts et qu'à l'ouest, on bétonne. Pour quelle cohérence ?
"À Nice-Ouest, toutes les terres possiblement utilisables pour l'agriculture sont sancturisées.
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Je vais vous donner un exemple : moi, je ne comprenais pas pourquoi on appelait un projet 'Éco Valley' alors que c'est du béton : mais c'est parce que, pour chaque construction, les critères environnementaux ont été une priorité : le chauffage, la récupération des déchets, des bâtiments écologiquement neutres… L'écologie, ce n'est pas forcément un arbre ou du vert."

En début de semaine, Greenpeace menait une nouvelle action contre l'extension de l'aéroport de Nice. Ce chantier est-il vraiment cohérent avec la politique environnementale de notre Métropole ?
"J'ai ma liberté de parole. Ça fait partie des points sur lesquels j'ai des discussions avec Christian Estrosi.
Premièrement, ce n'est pas forcément parce qu'on modernise, adapte des installations, que l'on va augmenter le trafic. C'est possible, mais pas forcément.
Ensuite, on ne peut pas le nier, il faut être honnête, l'avion est l'un des plus grands facteurs de pollution… mais il l'est autant que le numérique.
Ce que je pense, c'est qu'il ne faut pas mettre d'avion là où il y a le train, et nos mentalités doivent changer, il faut éviter ce type de déplacement quand c'est possible.
Nous avons une planète à sauver, une métropole qui devra affronter des degrés de folie
Dr. Richard Chemla à "Nice-Presse"
En Suède et au Danemark, ça a fait son chemin : les gens n'osent plus dire qu'ils prennent l'avion. Mais Nice est excentrée, nous n'avons pas le TGV. Cela étant, on va avoir un train de nuit. Soyons positifs, il y a du bon. L'avion va se supprimer de lui même."
Il continuera à être utilisé pour le tourisme de masse. Comment l'adapter aux grands défis auxquels nous faisons face, surtout après cette crise sanitaire ?
"Le tourisme nous fait vivre. Quand j'en discute avec des collègues algériens par exemple, ils peuvent dire 'si j'ai le ventre vide, je ne parle pas d'écologie'. Nous ne pouvons donc pas tout stopper, puisque nous avons besoin d'une économie florissante et respectueuse.
"Mais nous avons, dans tout cela, une chance inouïe avec cet arrière-pays qui ne demande qu'à recevoir l'été. Nous pouvons essaimer le tourisme. Il faut travailler à éviter que les gens ne s'agglutinent sur le littoral"
Dr. Richard Chemla à "Nice-Presse"
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Propos recueillis par Clément Avarguès le 4 mai 2021